Vermines
France, 2023
Titre original : –
Réalisateur : Sébastien Vaniček
Scénario : Sébastien Vaniček et Florent Bernard
Acteurs : Théo Christine, Sofia Lesaffre, Jérôme Niel et Lisa Nyarko
Distributeur : Tandem
Genre : Horreur / Interdit aux moins de 12 ans
Durée : 1h46
Date de sortie : 27 décembre 2023
3/5
Vu de loin, le cinéma d’horreur à la française n’a pas bonne réputation. A vrai dire, il n’a peut-être même pas de réputation tout court, tant la production de films de genre reste balbutiante dans notre pays. Pourtant, de temps en temps, il y a des films capables de prouver que le talent de faire frissonner le public n’est point une question d’origine. Vermines est de ceux-là, à savoir un film d’horreur diablement efficace, sans fioriture, ni écart abusif de sa trame de survie haletante. Dans son premier long-métrage, le réalisateur Sébastien Vaniček tire avec adresse toutes les ficelles nécessaires pour nous horrifier convenablement. En ce faisant, il ne révolutionne certes pas le genre. Mais il active à un rythme soutenu tous les ressorts à sa disposition, susceptibles de nous faire gigoter dans notre fauteuil de cinéma.
Ceci dit, est-ce qu’il faut voir autre chose qu’un divertissement plus que satisfaisant dans cette descente aux enfers d’un microcosme urbain, soumis à l’invasion du mal sous forme d’araignées venimeuses ? Cette question nous paraît d’autant plus probante dans le cas de Vermines que le récit n’occulte jamais tout à fait le statut social des personnages et les conséquences qui en découlent. Plutôt que de perpétuer de vieux clichés sur la vie en banlieue, il s’emploie à dépeindre cette bande de jeunes, soumise à un compte à rebours aussi meurtrier qu’implacable, avec leurs qualités et leurs défauts. Ainsi, le personnage principal, interprété avec une candeur désarmante par Théo Christine, est plus proche de l’anti-héros, pleinement conscient des dégâts catastrophiques que son comportement irresponsable a causés, que du sauveur à toute épreuve, prêt à se sacrifier sans cesse pour le bien du groupe.
Synopsis : Malgré sa réputation dans le quartier de petit caïd, le jeune Kaleb cherche à bien faire les choses. Au lieu de dealer, il se lance dans un trafic de baskets. Ce qui devrait lui permettre, selon lui, de préserver l’appartement familial qu’il partage avec sa sœur aînée Manon et d’agrandir sa collection de reptiles et autres insectes exotiques. Un commerçant lui vend une araignée d’origine inconnue dont Kaleb compte prendre le plus grand soin. Sauf que la petite bête ne tarde pas à s’échapper et à se démultiplier dans tout l’immeuble. Avec un effet dévastateur …
Le Truc de Darwin
La raison principale pour laquelle nous n’affectionnons pas plus que ça le genre de l’horreur, c’est à cause de sa fâcheuse tendance à se répéter ad nauseam. A peine une recette à peu près originale a-t-elle vu le jour que les producteurs la déclinent encore et encore. Histoire de retour sur investissement sans doute, dans une branche de l’industrie cinématographique qui ne dispose que rarement de gros moyens. Pourtant, il est tout à fait possible de faire bien avec peu, comme dans le cas de Vermines, un exercice de style des plus probants.
Car autant son intrigue nous laisse aucun moment de répit, autant il n’y a rien de réellement novateur à signaler au fil de son récit, qui cherche avant tout à rester le plus proche possible de la réalité quotidienne dans les quartiers de banlieue. Un îlot de communauté, où la vétusté du bâtiment – le gag récurrent de l’éclairage dans l’escalier qui ne veut pas s’allumer – paraît largement compensée par la convivialité, voire la solidarité entre voisins.
Néanmoins, il faudra patienter un peu avant que toutes les pièces du puzzle social ne se mettent en place et que l’action à proprement parler ne puisse démarrer en trombe. Juste le temps nécessaire afin de camper un décor truffé d’antagonismes pas si larvés au sein de la famille tronquée du protagoniste et dans son cercle d’amis et de connaissances. De prime abord, Kaleb est presque quelqu’un d’antipathique, avec sa tchatche de revendeur bidon et ses priorités personnelles douteuses qui lui font tout donner à ses bêtes en cage et rien ou presque aux hommes et aux femmes qui l’entourent. Sans oublier, cerise sur le gâteau, sa nostalgie pathologique d’une enfance globalement préservée à laquelle sa vie de jeune adulte ne correspond plus du tout.
En ce sens, les événements traumatisants qu’il devra traverser pendant plus d’une heure de film serviront aussi à déclencher en lui un processus de maturité, en souffrance depuis trop longtemps déjà.
Infestation d’araignées
Ce qui nous ramène à l’action horrifique à proprement parler qui est ici – au risque de nous répéter – redoutablement efficace. Alors qu’aucune bifurcation dramatique ne nous a réellement galvanisés et que certains choix de réaction à la menace s’essoufflent un peu trop rapidement, c’est précisément ce refus catégorique de l’esbrouffe qui peut être considéré comme l’une des qualités majeures du film de Sébastien Vaniček. Le plus souvent enclins à faire fausse route et à errer sans but dans les couloirs fantomatiques d’un immeuble abandonné à lui-même, les personnages en détresse n’ont guère réponse à tout.
Bien au contraire, le plus réfléchi parmi eux, interprété par un Finnegan Oldfield sans fausses manières de vedette en devenir, s’avère être le plus facile à influencer. Par exemple, quand la panique de sa copine, surprise dans la salle de bain par les premiers ambassadeurs à huit pattes de l’hécatombe à venir, le fait très vite dévier de sa démarche de protecteur des animaux, en échangeant le verre de sauvegarde contre le balai de l’écrasement pur et, hélas, pas si simple. On retrouvera par ailleurs le motif du verre bien plus tard dans le film, lors d’une belle expression par l’image de l’impuissance de l’homme face à la menace bestiale.
A ce moment-là, seule la lutte pour la survie compte. Dans cette course contre la montre face à un danger à la fois diffus et omniprésent, mais en tout cas impossible à éradiquer, le scénario semble nous priver volontairement d’une quelconque réponse rassurante. Et c’est donc sans surprise qu’à l’image d’une pléthore de films d’horreur antérieurs à Vermines, ce dernier a tendance à nous décevoir par sa conclusion. Il n’empêche que jusque là, la narration a su aménager quelques moments atypiques. Comme le long cri de deuil qui tranche avec l’avancement coûte que coûte d’habitude de mise dans pareille situation. Ou bien un aveu de faiblesse généralisé de la part des forces de l’ordre et des locataires malmenés, les uns comme les autres largement dépassés par ce dérèglement épidémique.
Conclusion
Il est sans doute redondant de vous déconseiller Vermines, si vous êtes tant soit peu arachnophobes. Pour tous les autres, le premier long-métrage de Sébastien Vaniček se distingue toutefois par une appréciable vigueur narrative. Que la rigueur scénaristique n’y soit pas toujours de mise est alors peu préjudiciable à un film dont la vocation principale consiste à nous tenir en haleine. Ce contrat parfaitement rempli nous redonne foi en la capacité du film de genre « made in France » de dépasser des relents d’appréhension à son égard, heureusement de moins en moins justifiés.