Critique : Une valse dans les allées

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Une valse dans les allées

Allemagne : 2018
Titre original : In den Gängen
Réalisation : Thomas Stuber
Scénario : Thomas Stuber, Clemens Meyer c’après une nouvelle de Clemens Meyer
Interprètes : Sandra Hüller, Franz Rogowski, Peter Kurth
Distribution : KMBO
Durée : 2h05
Genre : drame, romance
Date de sortie : 15 août 2018

4/5

Jeune réalisateur de 37 ans, originaire de l’ex-Allemagne de l’Est, Thomas Stuber n’est pas vraiment un débutant, Une valse dans les allées étant son 3ème long métrage. Aucun des ses 2 premiers longs métrages n’avait été distribué en salles dans notre pays, mais le deuxième, Herbert, a été diffusé par Arte en début d’année. Une valse dans les allées est l’adaptation d’une courte nouvelle de 25 pages, écrite par Clemens Meyer, déjà scénariste de Herbert, une nouvelle que Thomas Stuber et Clemens Meyer ont adaptée pour le cinéma.

Synopsis : Le timide et solitaire Christian est embauché dans un supermarché. Bruno, un chef de rayon, le prend sous son aile pour lui apprendre le métier. Dans l’allée des confiseries, il rencontre Marion, dont il tombe immédiatement amoureux. Chaque pause-café est l’occasion de mieux se connaître. Christian fait également la rencontre du reste de l’équipe et devient peu à peu un membre de la grande famille du supermarché. Bientôt, ses journées passées à conduire un chariot élévateur et à remplir des rayonnages comptent bien plus pour lui qu’il n’aurait pu l’imaginer…

Une prise de poste

Le lieu que Christian intègre au début du film, on le voit rarement au cinéma. En effet, si les scènes se déroulant dans les rayons d’un supermarché sont monnaie courante, il n’en est pas de même pour les « coulisses » de ces temples de la consommation, ces hangars où sont entreposées les réserves de denrées et de produits et dans lesquels travaillent des employés, magasiniers, chefs de rayon, caristes, chargés de recevoir ces denrées et ces produits, de les ranger dans des rayons et de les transférer ensuite, petit à petit, dans d’autres rayons, ceux que fréquentent les clients.

C’est aux côtés de Bruno, le chef de rayon alcools, que Rudi, le responsable de l’entrepôt, place le nouveau venu. Bruno, un homme à l’apparence bourrue, nostalgique du temps où il était routier en RDA, un homme qui, dans un premier temps, ne comprend pas très bien pourquoi on lui impose un adjoint mais qui, petit à petit, va  adopter une attitude paternelle envers le nouveau venu. Quant à Christian, c’est un homme jeune, peu loquace et dont le film permet, petit à petit, de connaître le passé et de cerner la personnalité. En tout cas, une certitude, Marion, magasinière dans un autre rayon et plus âgée que lui, ne le laisse pas indifférent même si (ou, peut-être, parce que …) elle ne cesse pendant longtemps, un sourire sur les lèvres, de le taquiner gentiment en le traitant de bleu.

Un film délicat et qui réserve quelques surprises

C’est une plongée pleine de délicatesse dans le monde du travail que nous offre Thomas Stuber, un film dans lequel le spectateur se laisse gagner petit à petit par un attachement sans faille envers les personnages, un film dont le ton rappelle ce que nous offre régulièrement, à notre grand plaisir, le finlandais Aki Kaurismäki. Si la relation pleine de tendresse qui se noue entre Christian et Marion peut être considérée comme l’élément pivot du film, il ne faut pas mésestimer l’importance de ce qui se passe entre Christian et Bruno ainsi que la peinture toute en finesse des rapports humains au sein d’une entreprise. Des rapports qui vont de pots amicaux organisés pour fêter Noël ou l’anniversaire d’un collègue à de petites « guéguerres » entre les différents rayons, par exemple pour des problèmes de chariots élévateurs.

Ce film, ce qu’il raconte, ce qu’il nous apprend sur les « coulisses » d’un supermarché, sa description d’une collectivité en action, aurait pu être tourné un peu partout dans le monde. Il n’est toutefois pas anodin qu’il ait été tourné en Allemagne, qui plus est dans une région qui faisait partie de l’Allemagne de l’Est. En effet, cette localisation nous apporte son lot de surprises. Surprise de constater que, près de 30 ans après une réunification de l’Allemagne présentée comme exemplaire, certains, Bruno par exemple, regrettent la vie qu’ils avaient du temps de l’Allemagne de l’Est. Surprise de voir à l’œuvre des allemands pas du tout disciplinés, passant leur temps à faire à peu près tout ce qui est interdit.

Des comédiens et comédienne connus et reconnus

Pour interpréter les rôles de Marion et de Christian, Thomas Stuber a fait appel à deux artistes dont la carrière est en pleine ascension : Marion, c’est Sandra Hüller qu’on avait découverte l’an dernier dans Toni Erdmann de Maren Ade, interprétant le rôle d’Ines. Christian, c’est Franz Rogowski, rencontré dans Victoria de Sebastian Schipper et, plus récemment, dans Transit, le dernier film de Christian Petzold. Quant à Peter Kurth, l’interprète de Bruno, c’est un comédien très réputé en Allemagne et, comme Bruno, il a passé toute sa jeunesse en Allemagne de l’Est.

Conclusion

Ce film qui s’ouvre avec, comme accompagnement, « Le beau Danube bleu », la célèbre valse composée par Johann Strauss Fils, s’avère être une émouvante valse à  3 temps autour de 3 personnages, Christian, Marion et Bruno. Une valse à laquelle participent également des transpalettes et des chariots élévateurs et les collègues de travail du trio. Un film qui s’attache à traiter les sentiments et les rapports sociaux de façon à la fois réaliste et poétique. De l’excellent cinéma !

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