Critique : Une belle équipe

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Une belle équipe

France, 2019

Titre original : –

Réalisateur : Mohamed Hamidi

Scénario : Mohamed Hamidi, Alain-Michel Blanc & Camille Fontaine

Acteurs : Kad Merad, Alban Ivanov, Céline Sallette, Sabrina Ouazani

Distributeur : Gaumont

Genre : Comédie sportive

Durée : 1h35

Date de sortie : 15 janvier 2020

3/5

Récemment, le basket a beau grignoter un peu sur le terrain de la prédominance du foot, avec notamment le battage médiatique autour du premier match de la NBA en France il y a quelques jours, suivi – triste ironie du sort – par la disparition de l’icône Kobe Bryant, en plus de ses nombreux exploits sur le terrain oscarisé en 2018 dans la catégorie du Meilleur Court-métrage d’animation, notre pays et la plupart de ses voisins européens restent cœur et âme acquis au ballon rond. L’attachement durable à ce sport passe autant par la focalisation sur les résultats des ligues principales et des compétitions internationales que par sa pratique amateur dans des clubs un peu partout dans l’Hexagone. Car autant ni la ferveur religieuse, ni l’engagement social ou syndical ne soulèvent plus les foules sur le long terme, autant l’amour du football fait figure de valeur fédératrice encore largement partagée. C’est dans ce contexte, dans un petit club modeste sans autre ambition que de se maintenir dans la dernière division avant la dissolution définitive, que se déroule Une belle équipe. Il s’agit du genre d’une comédie populaire plaisante, ne faisant du mal à personne, mais qui ne réussit pas non plus à pousser l’agenda féministe au delà d’une certaine complaisance à l’égard de la répartition assez archaïque des rôles dans les familles en province. Ainsi, le point de vue des femmes y est traité de façon tout à fait respectable, même si le fait que l’essentiel des postes décisifs en termes de création sont occupés par des hommes, du réalisateur Mohamed Hamidi jusqu’au deux scénaristes masculins sur trois, en passant par les producteurs dont Jamel Debbouze, en dit long sur le chemin à parcourir par le cinéma français avant d’aboutir à une réelle parité.

© Roger Do Minh / Quad Films / Gaumont / Kissfilms Tous droits réservés

Synopsis : Fier de son histoire de 90 ans, le club amateur SPAC d’une petite ville dans le Nord de la France n’aura besoin que d’un seul point au cours des quatre derniers matchs de la saison pour se maintenir à un niveau tant soit peu respectable. Or, les choses dégénèrent lors de la prochaine rencontre. Tous les joueurs sont alors suspendus par la fédération. Résigné de voir son club disparaître à jamais, le coach Marco n’est d’abord pas tellement convaincu par la proposition de sa fille de créer temporairement une équipe féminine, peut-être en mesure de sauver l’honneur du club lors des matchs restants. Contre toute attente, un nombre suffisant de femmes, principalement des mères de famille, se porte volontaire pour l’expérience. Elles ne sont pourtant pas prêtes à faire l’unanimité, ni auprès de leurs conjoints, ni auprès des fans qui doivent vite se rendre à l’évidence que ces remplaçantes n’ont pas encore atteint le niveau sportif requis.

© Roger Do Minh / Quad Films / Gaumont / Kissfilms Tous droits réservés

Toutes pour une

On s’attendrait presque à voir apparaître en exergue l’annonce, qui fait pour nous toujours un peu office de mise en garde, que les événements à suivre sont inspirés de faits réels. Car Une belle équipe est avant tout une histoire éminemment édifiante, bien dans l’air du temps d’une belle progression de l’émancipation des femmes dans la vie de tous les jours. Celle-ci a pourtant l’air d’aller désormais si vite – et tant mieux ! – que les bonnes intentions manifestes de la part de Mohamed Hamidi laissent un léger arrière-goût de condescendance masculine. Quel est en effet l’intérêt d’un tel film, si ce n’est de faire évoluer tout doucement les mentalités, sans brusquer personne, ni donner aux femmes le pouvoir réel d’indépendance qu’elles mériteraient depuis la nuit des temps ? Les personnages féminins ont beau porter le maillot des vainqueurs des cœurs ici, ils n’ont pas pour autant le droit de dépasser les stéréotypes qu’on leur a d’emblée attribués, sans doute avec toute la bienveillance masculine du monde. La seule à accomplir tant soit peu une progression dans sa conception existentielle, au fur et à mesure que l’esprit de solidarité au sein de l’équipe de la dernière chance devient invincible, est par conséquent le personnage interprété par Laure Calamy, l’inépuisable couteau suisse du cinéma français. En revanche, ses consœurs sont globalement logées à l’enseigne du rôle des mères et épouses dévouées, sans cesse en train de s’excuser d’oser aspirer à une forme d’excellence collective infiniment plus ambitieuse que la camaraderie presque enfantine parmi leurs maris, en l’occurrence la cause de la prémisse guère originale du film. Au moins, les interprétations honnêtes de Céline Sallette et de Sabrina Ouazani, des actrices souvent identifiées aux rôles féminins forts, permettent à leurs personnages de préserver une certaine intégrité.

© Roger Do Minh / Quad Films / Gaumont / Kissfilms Tous droits réservés

Kad pour tous

Et les hommes dans tout cela ? On pourrait presque arguer qu’ils ont le beau rôle dans cette histoire sur un coup de pouce larvé à la supposée suprématie masculine. Sous l’œil magnanime de Kad Merad, toujours aussi loin de faire un effort pour casser ne serait-ce qu’un tout petit peu son image de la figure paternelle certes ronchonne, mais sinon irréprochable, une petite guerre au manichéisme très basique se met en place, dont on devine bien sûr très tôt l’issue. Les comparses y choisissent rapidement leur camp, avec un individu à l’esprit pas très éveillé de chaque côté, Alban Ivanov chez les bons, Guillaume Gouix chez les méchants. Après, il ne se passe plus grand-chose, à l’exception de quelques vannes incluses, quoique pas vraiment assumées – « les footballeuses, toutes des lesbiennes », sérieux ?! – et des manœuvres d’intimidation réciproques, dépourvues de conséquences graves. Cette légèreté de ton, quasiment festive, est par contre justement l’aspect principal du quatrième long-métrage de Mohamed Hamidi à le sauver de l’insignifiance. Puisque rien n’y est traité avec aplomb, ni la bêtise des hommes, ni le sacrifice des femmes pour sauver les meubles d’une touchante médiocrité sportive, on n’a rien de sérieux à reprocher non plus à ce film, qui relève moins de l’occasion ratée que du conte édifiant bon enfant.

© Roger Do Minh / Quad Films / Gaumont / Kissfilms Tous droits réservés

Conclusion

Si le foot féminin rêve de voir un jour défiler un reflet réaliste de ses exploits sportifs sur les écrans de cinéma français, il devra s’armer encore un peu de patience. Car Une belle équipe ne vise point aussi haut. Cette comédie plaisante se contente plutôt d’alimenter sans aucune méchanceté quelques poncifs archaïques. Le fait même que ces derniers sont si persistants devrait nous donner matière à réflexion, un processus d’analyse des mécanismes sociaux contemporains, hérités de nos ancêtres, auquel Mohamed Hamidi et sa belle équipe se prêtent au mieux à reculons.

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