Critique : Un p’tit truc en plus

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Un p’tit truc en plus

France, 2024
Titre original : –
Réalisateur : Artus
Scénario : Artus, Clément Marchand et Milan Mauger
Acteurs : Artus, Clovis Cornillac, Alice Belaïdi et Marc Riso
Distributeur : Pan Distribution
Genre : Comédie de vacances
Durée : 1h39
Date de sortie : 1er mai 2024

2,5/5

Le voici, le champion du box-office de cet été, le film qui a réuni plus de spectateurs en salles que n’importe quel autre depuis la crise sanitaire. Au jour d’aujourd’hui, on en est quand même à plus de dix millions d’entrées, à mi-chemin du territoire ultra-exclusif de La Grande vadrouille, de Bienvenue chez les Ch’tis et d’Intouchables ! Le hasard des séances a enfin mis Un p’tit truc en plus sur notre chemin. Nous avons donc pu voir ce qu’il y a à voir, c’est-à-dire pas grand-chose. Loin de nous l’idée de vouloir mettre en question les intentions tout à fait louables qui ont dû animer Artus pour son premier long-métrage. Mais l’entreprise de banalisation du handicap entamée par cette comédie gentillette se heurte bien trop vite à la nature presque ennuyeusement ordinaire de son histoire.

Eh oui, on est davantage ici du côté de la comédie populaire à la Dany Boon qui n’offusquera strictement personne – encore que … l’emploi décomplexé de l’injure homophobe par un membre de l’encadrement devrait quand même interpeller en 2024 – que de celui de Éric Toledano et Olivier Nakache, en mesure d’insuffler un peu d’élégance et de verve cinématographiques dans leurs œuvres socialement engagées. Les sentiments y restent globalement mesurés, au profit de quelques périples de vacances marqués plus par une bonne humeur inoffensive que par de quelconques enjeux dramatiques.

Ne reste alors plus que la double question de ce que le réalisateur débutant a souhaité accomplir avec un film aussi banal et ce que le public français a bien pu y voir de si extraordinaire, pour s’y ruer pendant des mois ?!

© 2024 David Koskas / Cine Nomine / M6 Films / Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma / Same Player / Echo Studio /
Kabo Films / Pan Distribution Tous droits réservés

Synopsis : Lucien et Paulo viennent de commettre un casse dans une bijouterie, quand ils se retrouvent en panne de leur voiture de fuite, mise en fourrière parce que garée sur une place de stationnement réservée aux personnes en situation de handicap. Juste à côté, un groupe de handicapés mentaux et leurs trois encadrants Alice, Marc et Céline s’apprêtent à partir en car à destination de leur gîte de vacances à la montagne. Par erreur, Alice méprend Paulo pour Sylvain, un nouveau pensionnaire de l’association. Dès lors, Lucien flaire la planque idéale et embarque en tant qu’accompagnateur de son complice pour une semaine à la campagne riche en rebondissements.

© 2024 David Koskas / Cine Nomine / M6 Films / Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma / Same Player / Echo Studio /
Kabo Films / Pan Distribution Tous droits réservés

Admettons-le, nous avons eu légèrement tort de terminer notre résumé de l’action d’Un p’tit truc en plus sur la promesse d’un récit rythmé par des coups de théâtre tonitruants. En réalité, il n’en est quasiment rien, à l’exception d’une douce routine de vacances, qui nous fait suivre les personnages dans leurs occupations récréatives. L’une des faiblesses du film d’Artus consiste ainsi à n’accorder qu’une faible marge de manœuvre et de progression à l’ensemble de ses héros du quotidien, coincés dans un statu quo guère appelé à évoluer de fond en comble.

Car autant Paulo fait preuve d’empathie dès son apparition à l’écran, autant Lucien, campé par un Clovis Cornillac plus ronchon que jamais, demeure fidèle à sa réputation de petite frappe égoïste. Bien évidemment, la grande révélation des cœurs en or aura lieu au cours des dernières minutes du long-métrage. Mais cette manipulation sentimentale relève plutôt du calcul nullement mal intentionné que du coup d’éclat narratif, amené avec adresse et persévérance.

Le même constat vaut pour les autres personnages, de gentils stéréotypes qui peinent à nous émouvoir durablement. A un moment donné, sans crier gare, Artus réussit néanmoins à nous arracher un petit pincement au cœur, le temps d’une séquence, par le biais d’une réflexion sur les liens de filiation. Or, ce départ soudain du ton insipide vers quelque chose de plus substantiel ne connaîtra point de suite. Retour à la case départ donc, avec ce dilemme romantique qui tracasse jusqu’à l’écœurement le personnage d’Alice Belaïdi – supposément la femme forte de l’intrigue, mais pas non plus investie de traits de caractère assez solides pour rendre le récit plus engageant – et le béguin triste, voire minable, que la bonne poire de la colonie de vacances, Marc Riso, éprouve pour elle.

© 2024 David Koskas / Cine Nomine / M6 Films / Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma / Same Player / Echo Studio /
Kabo Films / Pan Distribution Tous droits réservés

Au moins, le regard sur les personnes en situation de handicap dans Un p’tit truc en plus a-t-il le mérite de justifier un tel engouement public ? Notre réponse est là encore mitigée, tant la prémisse même du film s’avère un brin problématique. En règle générale, les films qui parlent le mieux du handicap sont ceux qui épousent pleinement, sans la béquille d’un dispositif à potentiel condescendant, la vision du monde des personnes en situation de handicap. Le fait même que cette comédie trop bon enfant a jugé utile de choisir un duo d’imposteurs valides comme notre porte d’accès au microcosme du foyer en villégiature en dit long sur l’authenticité profonde de la démarche. A se demander, si l’humour n’aurait pas été plus percutant, si le scénario avait fait abstraction de cette convention narrative, dépourvue de toute valeur dramatique ajoutée …

Toujours est-il qu’on est loin, très loin de l’humour caustique et débridé d’un film comme Hasta la vista de Geoffrey Enthoven, la comédie belge sortie en 2012, qui avait vu trois jeunes hommes handicapés partir en mission de dépucelage en Espagne ! En comparaison, le niveau de l’humour reste fâcheusement basique ici, avec par exemple la blague récurrente de la femme trisomique qui se prend toutes sortes d’objets en pleine tête et celle du seul pensionnaire atteint également d’un handicap de mobilité que les encadrants oublient à la moindre occasion.

Alors oui, de la banalisation du handicap dans tous ses états, on en veut bien et même sans modération. Mais quand ce processus d’inclusion prend une voie aussi consensuelle – pour ne pas dire fade – qu’Un p’tit truc en plus, on mesure aisément le chemin à la fois social et filmique qu’il reste à parcourir avant d’arriver à un monde plus égalitaire.

© 2024 David Koskas / Cine Nomine / M6 Films / Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma / Same Player / Echo Studio /
Kabo Films / Pan Distribution Tous droits réservés

Conclusion

Bravo au cinéma français de produire encore des films susceptibles d’attirer un (très) large public sur la durée ! Après, on aurait préféré que le plébiscite général se porte sur une œuvre moins gentiment quelconque qu’Un p’tit truc en plus. Car même s’il s’agit d’un divertissement d’été sans prétention, il y avait certainement matière à en faire plus que juste cette leçon de tolérance contée de la façon la plus impersonnelle possible.

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