Un petit miracle
France, 2022
Titre original : –
Réalisatrice : Sophie Boudre
Scénario : Sophie Boudre, Sarah Kaminsky, Julie Manoukian et Emilie Frêche
Acteurs : Alice Pol, Jonathan Zaccaï, Eddy Mitchell et Régis Laspales
Distributeur : UGC Distribution
Genre : Comédie
Durée : 1h32
Date de sortie : 25 janvier 2023
2,5/5
Eddy Mitchell est fatigué. A désormais 80 ans, il a prévenu récemment qu’il arrêterait la scène. En sera-t-il de même du côté de ses activités cinématographiques ? On n’en sait rien pour l’instant. Ce serait néanmoins dommage qu’il tire sa révérence sur grand écran avec un film aussi doucement insignifiant qu’Un petit miracle ! Car le contrat a beau être rempli tant soit peu auprès des spectateurs qui ne s’attendraient à guère plus qu’un divertissement inoffensif, la mise en scène transparente, le scénario superficiel et les interprétations assez forcées rendent la vision de ce premier film sinon pénible, au moins parfaitement dispensable. En effet, la réalisatrice Sophie Boudre demeure avec une frilosité étonnante à distance des sujets de société dont elle paraît pourtant avoir conscience.
Ainsi, le choc entre les générations avec les élèves d’ores et déjà un peu névrosés d’un côté et les vieux qui s’occupent comme ils le peuvent en attendant de mourir de l’autre n’y a pas vraiment lieu. Il y a certes quelques brèves séquences de rapprochement. De surcroît, la narration cherche à nous faire croire qu’une véritable solidarité se soit établie dans la maison de retraite au fil du temps entre les voisins aussi involontaires que temporaires. Mais au fond, le passage incessant du coq à l’âne et l’absence de quelque ambition dramatique que ce soit rendent le récit passablement vain ou en tout cas trop brouillon pour en tirer quoique ce soit de substantiel.
Cela vaut également pour la relation souvent contrariée entre les deux personnages principaux, interprétés par Alice Pol et Jonathan Zaccaï, condamnés à bien s’entendre plus par la volonté du scénario bancal que par une quelconque logique sentimentale.
Synopsis : Juliette s’investit corps et âme comme enseignante dans sa classe unique d’une petite ville de province. Quand l’école brûle, elle craint que son aventure pédagogique s’arrête là. Or, le maire aurait tout de même un lieu de dépannage à proposer : une salle dans une maison de retraite, dirigée par Antoine, son directeur surmené. Alors que ce dernier y est d’abord réticent, il finit par reconnaître les bienfaits de cette cohabitation sur l’état d’esprit morose de ses pensionnaires. Parmi eux, Juliette est surprise de retrouver Édouard, son mentor et ancien instituteur, qui voudrait que tout ce monde beau et jeune lui foute la paix.
Tête, épaule, genou, pied
Les incursions du cinéma français dans les EHPAD, ces mouroirs qui ne disent pas leur nom et auxquels personne ne souhaite être associé, ne manquent pas. Rien que l’année dernière, Maison de retraite de Thomas Gilou avait compté parmi les plus gros succès commerciaux des productions nationales. En même temps, la popularité récurrente de ces comédies bon enfant réside dans leur postulat que ces personnages malmenés par l’administration quasiment pénitentiaire de leur établissement n’ont en fait rien à y faire. Ce qui équivaut à saupoudrer un fait social hélas bien réel dans nos civilisations occidentales, qui consiste à mettre à l’écart jusqu’à l’oubli volontaire les générations de nos aînés. Au moins à ce niveau-là, Un petit miracle fait plutôt figure de bon élève, puisqu’il n’a que peu tendance à occulter les aspects moins glorieux de la dernière étape d’une vie.
Une certaine morosité se dégage de cette vieille bâtisse dans laquelle plus personne n’aspire au bonheur. Ni le personnel en sous-effectif chronique et écartelé entre des familles pointilleuses et une administration aux règles draconiennes, ni les résidents dont le seul plaisir reste une activité sexuelle débridée, aidée par la fameuse pilule bleue, quitte à en mourir. En dehors du va-et-vient nocturne dans les couloirs, rien de majeur ne paraît se passer dans cette maison de repos. D’où sans doute la volonté du personnage incarné avec beaucoup de flegme par Eddy Mitchell d’y finir tranquillement et de préférence rapidement les quelques jours qui lui restent à vivre.
Besoin d’étanchéité
C’était sans prendre en compte le débarquement de la jeune génération, une ribambelle de gamins surtout disposés à créer le désordre. Sauf que le scénario ne sait visiblement pas orchestrer la complémentarité. Tout comme leurs pendants âgés, ces pauvres petits bouts de choux trimballent déjà un nombre important de phobies et de traumatismes psychologiques avec eux. Leur joie de vivre paraît alors avant tout factice, face à une crainte existentielle conjuguée de multiples façons. Peu importe que ce soit le renfermement sur soi du garçon trop couvé par sa mère ou bien l’abandon de ses rêves de danseuse par la fille aux petites rondeurs, tout le poids d’exigences sociales démesurées pèse sur ces enfants dès leur plus jeune âge. Et ce n’est pas un personnel éducatif aux méthodes aussi approximatives que celles de Juliette et son acolyte qui risque d’y changer grand-chose.
Le hic, c’est que la mise en scène dépourvue de personnalité et le scénario trop morcelé ne permettent pas d’insuffler un quelconque ressenti de symbiose aux parties disparates de l’intrigue. Chaque personnage y campe peu ou prou sur ses acquis, à tel point que personne d’entre eux ne dépasse le stade de la caricature gentillette. Par conséquent, la prof idéaliste demeure le moteur passablement creux de son projet d’interaction. Son adversaire de pacotille finit par céder à cette situation qui le dépasse. Et tout le microcosme qui les entoure ne servira en fait que de décor aux préliminaires improbables d’une relation amoureuse condamnée d’avance. Bref, les rares velléités de réalisme social se perdent au sein d’une intrigue très rudimentaire, sans imagination, ni moments de grâce insoupçonnés.
Conclusion
Moins d’un an après Murder Party de Nicolas Pleskof, Alice Pol et Eddy Mitchell partagent de nouveau l’affiche. Tandis que l’on ne sait pas ce que vaut cette resucée française de la formule A couteaux tirés, leur réunion dans Un petit miracle ne produit en tout cas aucune étincelle. C’est la médiocrité qui prime dans ce premier film sans verve, certes pas inepte jusqu’à nous faire regretter notre sortie cinéma matinale, mais en aucun cas mémorable ! Pourtant, il y avait quelques pistes dignes d’être explorées davantage, comme le malaise professionnel de l’infirmière en chef ou bien la santé mentale préoccupante de certains résidents de EHPAD. Des possibilités d’approfondissement du propos de son premier film que Sophie Boudre ignore avec une fermeté consternante.