Un ours dans le Jura
France, 2025
Titre original : –
Réalisateur : Franck Dubosc
Scénario : Franck Dubosc et Sarah Kaminsky
Acteurs : Franck Dubosc, Laure Calamy, Benoît Poelvoorde et Joséphine De Meaux
Distributeur : Gaumont
Genre : Comédie policière
Durée : 1h53
Date de sortie : 1er janvier 2025
3/5
Au cas où vous auriez remarqué que nous allons voir de temps en temps les films de Franck Dubosc, soyez assurés que nous ne sommes pas, mais vraiment pas fans du bonhomme. Bien au contraire, son personnage public de crâneur au torse velu fièrement bombé nous sert davantage d’épouvantail, de cure d’intoxication de mauvais films français, en quelque sorte, afin de pouvoir mieux apprécier ensuite les productions nationales de qualité. Quelle ne fut par conséquent notre surprise de tomber sur un long-métrage, son troisième en tant que réalisateur, qui constitue un divertissement des plus solides !
Dans Un ours dans le Jura, Dubosc a troqué avec succès sa tenue de prétentieux ringard contre celle du crétin provincial, qui ne comprend pas très bien ce qui lui arrive, mais qui réussit néanmoins à garder tant soit peu la tête hors de l’eau. C’est une comédie fraîche et malicieuse, sans temps mort et riche en rebondissements au burlesque macabre, qui s’autorise même de timides écarts subversifs.
Surtout, le réalisateur y a le bon goût de ne pas partir sur la piste glissante de la stylisation outrancière. Plutôt que de faire de cette histoire abracadabrante à l’approche des fêtes un western provincial, sanguinolent et à l’esthétique trop léchée, Dubosc préfère donner du relief à ses personnages. Cette belle bande de perdants, on commence petit à petit à la trouver sympathique, à la fois grâce à leurs failles humaines touchantes et à l’excellence de l’interprétation dans son ensemble. Que ce soient Emmanuelle Devos et Anne Le Ny lors d’apparitions amicales tout à fait savoureuses ou bien Laure Calamy et Joséphine De Meaux dans des rôles féminins bien plus nuancés que platement caricaturaux, chacune mérite nos louanges.
Avec en point d’orgue le plus accompli des personnages, incarné de façon magistrale par Benoît Poelvoorde : celui du gendarme local, pris le cul entre deux chaises et longtemps incapable de tirer son épingle de ce jeu savamment truqué.
Synopsis : A quelques jours de Noël, sur une route déserte, le marchand de sapins Michel évite de peu un ours sauvage. Son véhicule percute par contre une voiture garée sur le bas-côté, ce qui résulte indirectement en la mort de ses deux passagers. Sans savoir quoi faire, Michel quitte le lieu de l’accident et se confie à sa femme Cathy. Celle-ci, une lectrice férue de romans policiers, tient à y retourner, afin d’effacer toute trace de l’implication de son mari. Par hasard, le couple trouve un sac avec une grosse somme d’argent dans le coffre de la voiture. Les tentatives de Cathy et Michel de garder le butin pour eux et de faire disparaître les corps finissent par faire long feu, alors que les habitants du village se préparent aux fêtes de fin d’année.
Oh, merde !
D’une manière singulièrement jubilatoire, tout n’est que prétexte dans Un ours dans le Jura. Au début du film, l’ours du titre sert au mieux d’élément déclencheur à l’avalanche d’incidents qui mettra la quiétude du village sens dessus-dessous à l’approche de Noël. Ensuite, il ne réapparaitra qu’à l’occasion d’une brève séquence post-générique, entièrement anecdotique. Ce qui tranche avec la prémisse de Crazy Bear de Elizabeth Banks, dans lequel l’action bancale avait tendance à sombrer au rythme des apparitions de la bête. Ici, l’esprit criminel amateur des personnages ne tarde pas à prendre la relève, pour notre plus grand bonheur. Sauf que, là encore, le cheminement des corps et des thunes revêt une importance moindre par rapport à ce que cette aventure rocambolesque révèle sur ses participants involontaires.
Au cœur de la tempête, la mécanique dysfonctionnelle du couple formé par les deux personnages principaux est analysée avec une noirceur plaisante. D’un côté, il y a Michel, un homme étonnamment passif et peu futé comparé aux autres mâles dominants qui peuplent d’habitude l’univers de Franck Dubosc. C’est par lui que le malheur arrive. Et pourtant, il est rarement à la manœuvre lorsqu’il s’agit de sortir de ce pétrin faussement lucratif. C’est alors que Cathy, de l’autre côté, entre en jeu. Or, son pragmatisme doucement provocateur ne serait finalement qu’une façade, qui cacherait tant bien que mal l’affection qu’elle a su garder pour son mari, malgré leur quotidien pour le moins routinier, voire misérable.
Ce portrait conjugal est établi avec une finesse notable. Il fait surtout preuve d’une bienveillance comique, qui se moque certes de l’ineptie des deux personnages, quoique sans jamais basculer dans la surenchère de la farce.
Un drôle de Noël
Pas assez de la richesse d’écriture à l’égard du couple vedette, qui aurait aisément pu se contenter de répéter les stéréotypes pour lesquels le public apprécie en règle générale Laure Calamy et Franck Dubosc, les personnages secondaires se distinguent, eux aussi, par une approche plutôt hors des sentiers battus.
Cela vaut à la fois pour la gendarme en apparence un peu naïve, mais finalement pas si bête et innocente qu’on aurait pu le croire, que pour son chef, plein de bonhomie et en même temps en proie à de terribles doutes sur sa virilité et sa valeur en tant que père. Un divorce sur la place publique d’un microcosme de province et une fille au début de l’âge adulte et à la vie sexuelle décomplexée peuvent conduire un homme, aussi respectable soit-il, à ce stade du désespoir. Rarement Benoît Poelvoorde – pourtant un acteur comique né – n’a été plus juste dans la négociation constante entre les aspects ridicules et tragiques de son personnage !
Enfin, un commentaire social pas sans mérite se tisse en filigrane tout au long du film. D’ailleurs, c’est avant tout le refus de la part du réalisateur d’insister sur des thématiques aussi brûlantes que l’immigration qui rendent son regard sur le monde d’aujourd’hui si pertinent. En somme, peu importent les imprévus et autres incursions malvenues du crime organisé dans un monde au bord du précipice matériel et affectif, la vie continue, coûte que coûte. Ce qui ne correspond point à l’image que l’on s’était faite, depuis des années et même des décennies, de Franck Dubosc, jusque là notre bête noire en termes de nombrilisme populiste.
Chapeau donc à lui d’avoir réussi haut la main un petit conte solidement ficelé, qui prend le spectateur pour témoin complice de l’imperfection humaine entièrement pardonnable de ses personnages, au lieu de l’agacer par toujours le même genre d’humour vulgaire et prévisible !
Conclusion
Les retours qu’on avait entendus par ci, par là en festival au sujet d’Un ours dans le Jura nous avaient tant soit peu préparés à la révélation inattendue. Désormais, force est de constater que Franck Dubosc est tout à fait capable de se renouveler. Mieux encore, son troisième film en tant que réalisateur affiche une forme de maturité et de maîtrise que l’on avait jugée inaccessible pour l’ancien bouffon du Camping. Félicitations à lui du coup, ainsi qu’à ses comédiens à la hauteur de l’ambition iconoclaste du projet, d’avoir réussi un si bel objet cinématographique ! Ne demeure dès lors que la question cruciale si son public, habitué à un humour beaucoup plus basique, le suivra dans cette nouvelle aventure pleine de surprises …