Un coup de dés
France, 2023
Titre original : –
Réalisateur : Yvan Attal
Scénario : Yvan Attal et Yaël Langmann, d’après une pièce de Eric Assous
Acteurs : Yvan Attal, Maïwenn, Guillaume Canet et Marie-Josée Croze
Distributeur : SND
Genre : Thriller
Durée : 1h25
Date de sortie : 24 janvier 2024
3/5
Quand on établit la liste des meilleurs réalisateurs français, ce n’est très probabalement pas à Yvan Attal qu’on pense le premier. Et pourtant, toutes proportions gardées, il accomplit depuis le début du siècle un parcours derrière la caméra des plus respectables. En désormais huit longs-métrages, il se pose sans la moindre fanfaronnade en observateur de la société française. Plus précisément, d’une tranche de la population qui devrait avoir tout pour être heureux et qui, néanmoins, sombre dans la folie criminelle. Ainsi, Un coup de dés est un thriller à l’atmosphère dense, qui se prive volontairement des grands moyens formels pour raconter une histoire des plus tristement ordinaires. Cela parle autant de la méfiance et de la jalousie qui gangrènent d’abord un couple, puis l’autre, que de la difficulté de trouver sa place ou sa raison de vivre dans un milieu bourgeois, où tout semble tracé d’avance.
D’emblée, la quiétude du foyer familial est irrémédiablement perturbée. Pas tant par le récit cadre, qui sait gérer avec parcimonie le dispositif narratif souvent problématique de la voix off, que par un prologue à la violence sourde. Yvan Attal n’y a nullement besoin d’insister sur le fait que cette famille en apparence parfaite ne sera plus jamais la même. Et il ne reviendra pas non plus de manière répétitive sur cet incident traumatisant, laissant le fil de l’intrigue suivre en toute autonomie sa marche inextricable vers le malheur généralisé. Or, à quelques sollicitations de trop du deus ex machina près, ce déclin vers la tragédie ne sonne jamais pompeux. Il s’inscrit davantage dans un regard mesuré sur cet éternel dilemme entre la raison et la passion, entre l’utopie d’un avenir sans histoires et les terribles aléas de la vie qui y mettent sans cesse le désordre.
Synopsis : Après avoir été victimes d’une agression chez eux en banlieue parisienne, Mathieu et Juliette décident de suivre leur couple d’amis proches Vincent et Delphine dans le sud. A Marseille, la vie leur sourit, y compris la réussite professionnelle qui consacre Mathieu et Vincent comme promoteurs immobiliers dans la cité phocéenne. Mais un jour, Mathieu découvre que Vincent trompe sa femme. Initialement embarrassé envers Delphine, il tombe lui-même sous le charme de cette maîtresse, une fois qu’elle a rompu avec son meilleur ami.
Un homme bien sous tous rapports
Il y en avait, des embuscades mélodramatiques susceptibles de faire dérailler l’histoire d’Un coup de dés ! Tout le mérite revient dès lors à Yvan Attal d’en avoir fait bien plus qu’un enchaînement de coups de théâtre tonitruants, qui se seraient soldés par cet ultime coup de massue de l’ironie du sort. Plutôt que de forcer le trait, en insistant sur les multiples rebondissements qui rythment l’intrigue, il a su mettre en retrait la mise en scène, afin de mieux cerner les implications philosophiques de ce jeu de dupes.
Sauf que, précisément, l’enjeu principal du récit n’est guère de savoir qui trompe qui, ni même qui tue qui, mais comment ce carré astucieux de personnages s’avère incapable de sortir la tête haute de ce bourbier conjugal. Un marasme qui ne pèse pas tant par son pessimisme manifeste, qu’il aurait presque tendance à nous galvaniser grâce au doigté avec lequel le réalisateur sait négocier sa route raisonnablement longue semée de vicissitudes.
En interprétant le personnage principal, Yvan Attal ne s’est toutefois pas donné le plus beau rôle. A moins que l’on ne considère que la complexité de ce mari supposé idéal lui confère ses lettres de noblesse. Ce qui ne nous paraît pas non plus trop loin de la vérité, dans le cadre d’un film qui s’emploie justement à décomposer des apparences trompeuses.
En effet, le cadre de vie passablement fortuné de Mathieu cache tant bien que mal une frustration profonde, peut-être ressentie et diagnostiquée comme telle, mais contre laquelle cet ami à la réputation irréprochable est incapable d’agir. Et quand sa fierté masculine en prend finalement un coup trop sérieux pour être ignoré, il déclenche malgré lui une avalanche d’événements aux conséquences néfastes. L’orchestration de cet engrenage sait rester cohérent à l’égard du ton globalement dubitatif du film, c’est-à-dire qu’elle préserve un pragmatisme doucement désabusé face à cette descente aux enfers, dans les starting-blocks depuis des lustres.
Si tu vas à Rio
Cette mise en question du protagoniste qui n’en est pas vraiment une, tant Mathieu ne sait plus sur quel pied danser entre les différents pièges que lui tend sa propre maladresse affective, se voit entourée de personnages secondaires tout aussi pleinement développés. A tel point que l’ordre d’apparition au générique des acteurs nous paraît un brin arbitraire. Car tous les trois excellent dans l’emploi que le scénario rondement mené leur a attribué. Marie-Josée Croze est magnifique en épouse meurtrie, qui tient à faire perdurer son couple jusqu’à un certain point. Potentiellement monstrueux, son personnage s’affranchit au contraire très tôt du parfum préjudiciable de la victime jamais pleinement prise en charge, pour mieux fixer le véritable compas moral du film, là où celui de son mari s’enraie au fur et à mesure qu’il opère un mauvais choix après l’autre.
Son double féminin, campé avec subtilité par Maïwenn alors qu’elle dispose a priori de moins de temps à l’écran, reste savamment à l’écart des clichés sur les femmes trompées. Elle a beau se battre toutes griffes dehors, son couple court à la catastrophe, aussi à cause d’une rupture irrémédiable de communication entre elle et Vincent. Celui-ci, à première vue le beau gosse charmeur de l’histoire, permet à Guillaume Canet de poursuivre sa démarche de maturité entamée déjà depuis plusieurs films. Le mur que son personnage se prend de plein fouet en se rendant compte que la frivolité et l’irresponsabilité ne sont plus de mise pour des hommes de sa génération et de son statut social confère au personnage une candeur tragique du plus bel effet.
Enfin, même en très peu de séquences, Victor Belmondo sait apporter de la gravité sincère à son personnage de fils de Delphine et Vincent, incapable de choisir son camp dans la déroute de son intimité familiale.
Conclusion
Petit à petit, Yvan Attal fait son nid de cinéaste aguerri. Alors qu’il ne paie à première vue pas de mine, ce thriller implacablement haletant s’abstient de toute facilité et de toute surenchère pour mieux sonder l’âme de ses personnages tourmentés. Dans Un coup de dés, ce n’est pas le prochain revirement qui importe – et tant mieux, puisque certains s’apparentent à de l’acharnement du sort ! –, mais la façon invariablement imparfaite dont les personnages y répondent. Certes, cette tragédie sur les bords ensoleillés de la Méditerranée connaît exclusivement des perdants. Mais puisque c’est le spectateur qui sort gagnant de cette transaction, nous n’y voyons aucun inconvénient.
C’est un excellent film , avec un scénario à la Woody Allen , et tout les acteurs sont bons.
Seules les critiques du milieu cinématographique sont mauvaises , car dans ce petit milieu ont préféré attribuer une palme d’or à des films toujours déconcertant .