Critique : Tout ira bien

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Tout ira bien

Hong-Kong : 2024
Titre original : –
Réalisation : Ray Yeung
Scénario : Ray Yeung
Interprètes : Patra Au, Maggie Li, Tai-Bo
Distribution : Nour Films
Durée : 1h33
Genre : Drame
Date de sortie : 1er janvier 2025

4/5

Synopsis : Angie et Pat vivent le parfait amour à Hong Kong depuis plus de 30 ans. Jamais l’une sans l’autre, leur duo est un pilier pour leurs parents et leurs amis.

Un conseil : préparez votre décès !

Nul besoin de scènes se voulant démonstratives pour comprendre que Pat et Angie, deux femmes âgées vivant à Hong-Kong dans un bel appartement, forment un couple solide depuis de nombreuses années et on serait très surpris d’apprendre que les membres de la famille de Pat, très souvent présente auprès d’elles, n’ont aucune idée de la relation qui les lie. De fait, même si elles diffèrent d’un membre à l’autre, les relations que cette famille entretient avec Angie sont plutôt chaleureuses. Shing, le frère de Pat, n’a pas la même aisance financière que sa sœur : il a perdu son restaurant et il vivote en occupant un poste de gardien de parking. Avec Mei, sa femme, ils ont eu 2 enfants, Victor, particulièrement reconnaissant à Pat et Angie, qui sont pour lui ses deux taties, de l’avoir aidé pour l’achat d’un taxi, et Fanny, elle-même mère de famille. Alors qu’arrive la fête de la mi-automne, l’un des deux plus importants évènements du calendrier chinois, Pat et Angie se préparent à recevoir toute cette famille dans leur bel appartement. Lors du repas, il est évident que tout VA bien. Mais lorsque, peu après, Pat décède soudainement, peut on assurer que tout IRA bien par la suite?

Très vite, Angie, qui souhaiterait que soit respecté le souhait dont Pat lui avait fait part de voir ses cendres dispersées dans la mer, est contrainte de céder à l’exigence de Shing et, surtout, de Mei, en faveur d’un dépôt dans un columbarium. Toutefois, cela n’est pas grand chose à côté du tsunami émotionnel que va traverser Angie lorsque vont apparaître les problèmes liés à l’héritage. En effet, ce décès soudain n’a pas été anticipé et tout ce que Pat et Angie possédaient est au nom de Pat, y compris, bien sûr, leur appartement, cet appartement dans lequel Angie a tant de souvenirs et dans lequel elle aimerait finir ses jours. Chaque membre de la famille de Pat entretenait de bons, voire d’excellents rapports, avec sa compagne, mais, ex abrupto, Angie se retrouve reléguée au rang de simple amie et n’a, à ce titre, aucun droit dans l’héritage. Et puis, que voulez-vous, Shing et Mei sont dans une mauvaise situation financière et pour Victor, qui est sur le point de se marier et de devenir père, l’attirance pour l’appartement où vivaient Pat et Angie et dont il pense qu’il conviendrait parfaitement à son couple prend le pas sur l’affection portée à sa « tatie » Angie.

C’est avec beaucoup de délicatesse que Ray Yeung nous raconte une histoire qui se passe à Hong-Kong et qui concerne avant tout une femme âgée ayant vécu en concubinage avec une autre femme mais qui pourrait se dérouler plus ou moins de la même façon un peu partout dans le monde à l’issue d’une relation amoureuse, qu’elle soit homosexuelle ou hétérosexuelle, pour peu que les conséquences du décès n’aient pas été suffisamment bien préparées. En effet, l’attirance pour l’argent est plutôt universelle comme peuvent l’être parfois les querelles familiales liées aux héritages. A Hong Kong, il n’est pas possible pour deux femmes de se marier légalement mais il leur est possible de se marier à l’étranger  et de faire ensuite une procédure de reconnaissance de mariage. Une procédure qui, très souvent, arrive à ses fins mais qui est longue et coûteuse : Pat et Angie, peut-être par simple ignorance d’une telle possibilité, ne l’avaient jamais envisagée.

Même si, en tant que spectateur, on ne peut que se ranger aux côtés de Angie,  Ray Yeung a choisi de ne pas faire des membres de la famille de Pat d’affreux « méchants » sans aucune excuse quant à leur comportement : qu’ils aient un important besoin d’argent ou d’un appartement, c’est beaucoup plus par opportunisme et par ingratitude que par pure  méchanceté qu’ils refusent à Angie le droit à une part de l’héritage. Au rayon des sources d’inspiration, Le réalisateur ne cache pas son admiration pour le réalisateur japonais Yasujiro Ozu, ce qui explique sans doute que dans son film, rien n’est faussement spectaculaire, rien n’est artificiel, tout est nuancé et, au final, le film se révèle poignant sans jamais verser dans le pathos. Au départ actrice de théâtre, Petra Au, l’interprète d’Angie, avait un second rôle dans Un printemps à Hong-Kong, le film précédent de Ray Yeung : elle est bouleversante dans Tout ira bien. Quant à  Tai-Bo, l’interprète de Shing, il avait le rôle principal dans Un printemps à Hong-Kong. Présenté dans la section Panorama lors de la dernière Berlinade, Tout ira bien représente une excellente introduction pour l’année cinématographique 2025. 

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