Critique : The Young Lady

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1988

The Young Lady

Grande-Bretagne : 2016
Titre original : Lady Macbeth
Réalisation : William Oldroyd
Scénario : Alice Birch d’après l’œuvre de Nicolaï Leskov
Acteurs : Florence Pugh, Cosmo Jarvis, Paul Hilton
Distribution : KMBO
Durée : 1h29
Genre : Drame, Romance
Date de sortie : 12 avril 2017

4.5/5

William Oldroyd, le réalisateur de The Young Lady, et Alice Birch, la scénariste du film, viennent tous les deux du monde du théâtre Shakespearien. C’est Alice Birch qui, la première, a eu l’idée d’adapter pour le cinéma le roman « Lady Macbeth du district de Mtsensk » écrit en 1865 par l’écrivain russe Nicolaï Leskov et déjà adapté en opéra par Chostakovitch en 1934. Elle en a proposé la réalisation à William Oldroyd dont c’est le premier long métrage.

Synopsis : 1865, Angleterre rurale. Katherine mène une vie malheureuse d’un mariage sans amour avec un Lord qui a deux fois son âge. Un jour, elle tombe amoureuse d’un jeune palefrenier qui travaille sur les terres de son époux et découvre la passion. Habitée par ce puissant sentiment, Katherine est prête aux plus hautes trahisons pour vivre son amour impossible.

Une passion dévorante

1865, quelque part dans la campagne anglaise. Il faudrait vraiment ne pas avoir de cœur pour ne pas plaindre Katherine, cette jeune épouse qu’on a mariée sans lui demander son avis et dont le mari, futur héritier d’un grand domaine et beaucoup plus âgé qu’elle, souvent absent, exige de sa femme, quand il est présent, qu’elle se mette nue afin de pouvoir se livrer au plaisir solitaire plutôt que de partager charnellement ce plaisir avec elle. Si on ajoute au tableau que son beau-père est un vieillard despotique et que ces deux hommes qui gouvernent sa vie lui ordonnent de rester dans la maison alors qu’elle aime par dessus tout être dehors, on conçoit qu’elle ait très vite l’envie d’aller voir ailleurs. C’est sous les traits de Sebastian, un des palefreniers du domaine que cet ailleurs va se présenter. Un homme frustre mais qui a le mérite de faire découvrir à Katherine les plaisirs que son mari lui a toujours refusés. Difficile d’entretenir, tout en la cachant, une telle liaison dans l’environnement du domaine et Katherine va devoir se montrer prête à tout pour pouvoir faire vivre coûte que coûte cette passion amoureuse à laquelle elle ne peut résister.


Très belle réussite quant au fond et à la forme

Au cinéma, comme dans la littérature, on peut considérer comme normal de s’attacher au personnage principal, surtout lorsque l’écrivain ou le réalisateur nous le présentent comme étant un être à qui le bonheur est refusé. Mais que va-t-il se passer lorsque le comportement de ce personnage évolue vers des noirceurs abominables ? Va-t-on continuer à être en empathie avec lui ? Ou bien, au contraire, va-t-on progressivement le rejeter ? C’est tout l’art de William Oldroyd et d’Alice Birch de nous proposer, avec un brin de perversité, un parcours du combattant à l’intérieur de notre catalogue personnel de jugements moraux, au travers des actes perpétrés par Katherine. Des jugements moraux qui vont dépendre, en partie, des réponses très personnelles qu’on apporte à la question majeure : les actes que Katherine est amenée à faire sont-ils le fruit des circonstances ou bien sont-ils dus à sa personnalité et donc, à des choix mûrement réfléchis ?

Passionnant quant au fond, lorgnant vers D.H. Lawrence et la littérature russe du 19ème siècle dans ce qu’elle a de meilleur, The Young Lady est également une magnifique réussite quant à la forme. Malgré deux siècles de différence entre le peintre et l’époque dépeinte dans le film, on a souvent l’impression d’avoir Johannes Vermeer comme Directeur de la photographie : le rendu de la robe à crinoline de couleur bleue souvent portée par Katherine, la lumière venant des fenêtres dans le couloir du domaine, tout cela rappelle certains tableaux du grand maître hollandais. Quant à l’histoire elle-même, le réalisateur a su y mettre un mélange très réussi de tension et d’émotion et il faut remarquer qu’il est arrivé à ce résultat en ne faisant pratiquement appel à aucune musique d’accompagnement. Du grand art !

La découverte d’une grande comédienne

C’est avec un budget très limité que William Oldroyd a réalisé The Young Lady : environ 580 000 Euros, soit pas loin de 10 fois moins qu’un film comme Going to Brazil, dont nous avons dit tout le mal que l’on en avait pensé. On a vu que ce budget très serré n’a pas empêché le réalisateur et Ari Wegner, sa Directrice de la photographie, tous les deux bien aidés par Holly Waddington, la responsable des costumes, de réussir à la perfection le côté visuel de leur film. Il n’a pas, non plus, empêché William Oldroyd de réunir un casting de haut vol, même si les comédiens et les comédiennes qu’il a choisis n’ont (pour l’instant !) qu’une notoriété très limitée.

En tête d’affiche, dans le rôle de Katherine, une jeune comédienne que William Oldroyd avait repérée dans The Falling de Carol Morley, un film britannique de 2015. Elle s’appelle Florence Pugh et, au vu de sa prestation dans The Young Lady, on ne risque pas grand chose à affirmer qu’elle est au tout début d’une très grande carrière : touchante en jeune fille innocente au début du film, elle excelle, sans forcer son jeu, à montrer le côté monstrueux de Katherine tout en continuant d’imprimer un soupçon de sympathie chez le spectateur. A ses côtés, le comédien-chanteur Cosmo Jarvis campe parfaitement un être frustre troublé de se trouver au côté d’une jeune femme au comportement plus sauvage que le sien. Dans des rôles moins importants, on retiendra la belle composition de Naomi Ackie dans le rôle d’Anna, la servante de Katherine, ainsi que celles de Christopher Fairbank, l’interprète de Boris, le beau-père tyrannique, et de Paul Hilton, le mari de Katherine.

Finalement, ce très beau film ne soulève qu’une seule réserve, très mineure, reconnaissons le : pourquoi avoir abandonné le titre anglais pour le remplacer par un … titre anglais ?

Conclusion

Premier long métrage de William Oldroyd, The Young Lady enjambe les frontières temporelles et géographiques en permettant à Vermeer de rencontrer D.H. Lawrence et la littérature russe du 19ème siècle. Il prouve aussi qu’il est possible de réaliser des films puissants et visuellement magnifiques avec un budget limité et il nous permet de faire la connaissance de Florence Pugh, une comédienne anglaise de 21 ans dont tout porte à croire qu’elle est à l’orée d’une très, très grande carrière.

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