The Brutalist
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UK – 2025
Réalisateur: Brady Corbet
Scénariste: Brady Corbet ; Mona Fastvold
Casting: Adrian Brody ; Felicity Jones ; Guy Pearce
Distributeur: Universal Pictures International France
Genre : Drame
Durée : 3h35 min
Sortie FR: 12 Février 2025
4/5
Le tour de force que représente THE BRUTALIST, dans toute sa complexité technique et ses économies de grandiose, mériterait une analyse formelle plus patiente que d’autres feront bien mieux que moi. Le succès du film semble témoigner qu’avec la malice d’un bricoleur, Brady Corbet a terminé son chantier dans les temps. Le pari semblait en fait écrasant ; il est relevé avec une conviction qui peut manquer de finitions, mais jamais d’ampleur.
Synopsis : L’histoire, sur près de trente ans, d’un architecte juif né en Hongrie, László Toth. Revenu d’un camp de concentration, il émigre avec sa femme, Erzsébet, après la fin de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis pour connaître son « rêve américain ».
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Il n’est pas étonnant que Brady Corbet, en interview au festival de Toronto pour la promotion du film, mentionne The Zone of Interest comme une œuvre inspirante pour lui. Les deux films se rejoignent en effet dans leurs propositions formelles audacieuses face aux conditions de production actuelles et qui, contre les idées reçues, semblent parvenues à rencontrer leur public. Une belle conversation a lieu entre ces deux films, au-delà de la thématique commune de la Shoah, dans leur politique de cadrage. A travers une stratégie d’évitement, de blocage même du plan “évident” (celui du four crématoire dans le film de Jonathan Glazer; celui du grand plan d’ensemble de l’ “americana” ici), le spectacle ne fait pas l’impasse sur le sens mais cherche une représentation minimale suffisante pour activer l’imagination.
Le succès du bouche à oreilles semble dire que nos imaginations, déjà bombardées d’images, sont tout à fait capables de recréer l’épique par elles-mêmes, dans le hors-champ, dans l’espace derrière les visages, pour peu qu’on prenne le temps de nous raconter vraiment une histoire. En n’enfermant pas les personnages, en ne les piégeant pas dans un système mécanique, Corbet procède à une impressionnante manœuvre d’évitement des éléments habituels de la fresque et réussit, en se concentrant sur l’émotion à remythifier le parcours de son personnage.
Le film nous raconte la cohabitation impossible de l’idéalisme d’un architecte immigré avec le capitalisme régnant sur sa terre d’accueil.
Dans un geste artistique incompris, dans cet affrontement permanent, le scénario évite habilement la figure de l’artiste solitaire maudit quand Laszlo Toth (Adrien Brody) est rejoint dans la deuxième partie du film par Erzsébet (Felicity Jones), sa femme, et que c’est ensemble qu’ils font face à cette Amérique hostile.
Que le rythme du film vous rassure face à sa belle ampleur, conservée contre vents et marées à travers 3h30 et cette fameuse entracte de 15 minutes. Si l’on peut deviner les coutures derrière les peintures encore fraîches, il y a ici quelque chose qui résonne comme une évidence. Celle que l’intérêt des spectateurs ne dépend pas d’une durée où d’une logique algorithmique capable de quantifier le spectaculaire minimum pour que le spectateur ne “tienne” le temps du film. Il tiendrait plutôt au dialogue que les images nous laissent avoir avec elles.
Conclusion
En se concentrant sur ses personnages et son rythme, THE BRUTALIST offre un spectacle saisissant, massif, issu non pas d’une réduction mais d’un blocage de tout le superficiel. Qui aurait parié sur une poésie qui fait résonner l’histoire de l’immigration aux États-Unis avec l’architecture brutaliste ?