Critique : Tant que le soleil frappe

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Tant que le soleil frappe

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Philippe Petit
Scénario : Philippe Petit, Marcia Romano, Laurette Polmanss, Mathieu Robin
Interprètes : Swann Arlaud, Sarah Adler, Grégoire Oestermann
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h25
Genre : Drame
Date de sortie : 8 février 2023

3.5/5

Jusqu’à présent, Philippe Petit avait alterné interprétations de petits rôles auprès de réalisateurs et réalisatrices aussi divers.e.s que Eva Ionesco, Mia Hansen-Løve, Cédric Jimenez ou Thierry de Peretti et réalisations de court-métrages et de documentaires. Tant que le soleil frappe est son premier long métrage de fiction en tant que réalisateur et ce film a été présenté à la semaine de la critique du Festival de Venise 2022.

Synopsis : Max ne rêve pas de faire des murs végétaux pour des hôtels cinq étoiles. Paysagiste tenace, engagé mais acculé, il se bat pour créer un jardin sauvage, sans clôture, en plein centre-ville d’une métropole : une zone végétale ouverte à tous. Après des années de refus, son projet arrive en finale d’un concours d’architecture. Pour Max, c’est la dernière chance d’offrir de l’oxygène aux habitants qui suffoquent dans un enfer urbain, sous le soleil qui frappe.

La double vie de Max

Max et Alma, une journaliste indépendante d’une quarantaine d’années, sont les parents d’une petite fille et ils se demandent si le moment n’est pas venu de lui donner un petit frère ou une petite sœur. Par ailleurs, c‘est en quelque sorte une double vie que Max mène à Marseille : un travail rémunéré de jardinier paysagiste d’un côté et, de l’autre, la poursuite d’un rêve avec son ami Gaspard, la création en centre ville d’un jardin ouvert, sans clôture, un jardin sauvage, un lieu ouvert à tous en permanence, ni vraiment public, ni vraiment privé, un endroit pour converser ou pour ne rien faire, un endroit propice à la mise en pratique de l’ « otium », ce loisir de l’esprit cher aux romains. Ce rêve serait devenu réalité si le projet de Max et de Gaspard avait été retenu à l’issue du 21ème concours d’architecture du paysage organisé par une fondation. Est-ce la localisation prévue pour ce jardin qui n’a pas convaincu le jury ? Est-ce l’ambition affichée par Max et Gaspard qui ne l’a pas rassuré ? Toujours est-il que leur projet n’a pas obtenu de prix. Par contre, cet épisode a permis à Max d’être repéré par Paul Moudenc, un architecte parrain du concours, qui fait à Max une proposition alléchante : l’aider à présenter son projet à une commission organisée par la mairie et, en attendant, l’associer, en ce qui concerne la création des espaces extérieurs, à un projet sur lequel il travaille, la construction pour l’ancien footballeur Djibril Cissé d’un établissement luxueux à proximité immédiate de l’Estaque.

Une histoire pas si banale que ça !

Lorsqu’un réalisateur de cinéma a du talent, il arrive, le plus souvent sans avoir à forcer le trait, à focaliser l’attention des spectateurs sur un grand nombre de thèmes à partir d’une histoire en apparence fort banale. Prenez l’histoire que raconte Philippe Petit dans Tant que le soleil frappe, l’histoire d’un homme de 40 ans qui s’obstine coute que coute à réaliser le jardin ouvert dont il rêve. Histoire assez banale, non ? Sauf que cette histoire permet de confronter la vision d’un homme souhaitant offrir à ses concitoyens un espace vert ouvert à tous à la logique économique de promoteurs qui veulent s’emparer de ce même espace pour y construire un hôtel de luxe plus ou moins verdi par des terrasses végétalisées. Sauf que cette histoire permet de parler des répercussions que ne manquent pas d’avoir les choix professionnels sur la vie familiale et permet aussi de mettre en lumière les difficultés rencontrées par des personnes qui ont en tête la réussite d’un projet d’un altruisme très sincère mais peu ou pas rémunérateur, et qui doivent composer avec le besoin de ramener de quoi se nourrir, lui et leur famille. Sauf que cette histoire montre les différentes facettes que peut prendre une action telle que celle menée par Max et qu’on peut qualifier de militante : une facette obstinée de sa part ; une facette plus fragile chez Gaspard qui laisse tomber l’affaire lorsque le projet n’est pas retenu lors du concours d’architecture du paysage ; une facette opportuniste ou réaliste (c’est selon !) chez Paul, qui finira par admettre que le projet d’hôtel de luxe est fédérateur et par dire à Max qu’il n’est pas assez réaliste. Sauf que cette histoire permet au spectateur de s’interroger sur la qualité principale (ou son plus gros défaut ?) de Max : est-il tenace ? obstiné ? persévérant ? entêté ? acharné ? opiniâtre ? Quel que soit le mot choisi, Tant que le soleil frappe dresse un beau portrait d’un homme qui veut aller jusqu’au bout de son idée, qui ne renonce pas quel que soit le prix à payer.

Swann Arlaud

Dans le dossier de presse du film, Philippe Petit affirme que, lorsqu’il est spectateur d’un film, il aime qu’on laisse de la place à son imagination, qu’on fasse confiance au hors-champ. C’est pourquoi il présente Max comme étant un homme ayant fait quelque chose de fâcheux sur un chantier tout en s’interdisant de nous donner le moindre détail sur cette erreur. Par contre, ce petit « détail » dans la carrière de Max permet à Paul de lui dire que, des erreurs, tout le monde en fait dans sa vie et qu’il préfère travailler avec un type brillant qui a fait une connerie il y a 10 ans, plutôt qu’avec un homme irréprochable, la différence étant que l’homme irréprochable n’a toujours pas fait sa connerie alors que pour Max, au moins, c’est fait ! A méditer, pour sûr !

A la vision du film, le choix de Swann Arlaud pour se glisser dans la peau de Max apparait tout à fait judicieux, ce comédien qui prend une place de plus en plus importante dans le cinéma hexagonal s’avérant aussi juste dans le côté persévérant de son personnage qu’en père de famille aimant et en épicurien fêtard. A ses côtés, Sarah Adler, qui joue Alma et qu’on vient de voir dans Tel Aviv – Beyrouth, Grégoire Oestermann dans le rôle de Paul et Pascal Rénéric dans celui de Gaspard apportent leurs qualités de comédiens professionnels à leurs rôles respectifs. Concernant un certain nombre de rôles, le réalisateur a tenu à les attribuer à des habitants du quartier dans lequel il tournait ou à des professionnels interprétant leur propre rôle, comme Michel Nabet, le chef jardinier du parc où Max gagne sa vie, et Djibril Cissé jouant son propre rôle d’ancien grand footballeur reconverti dans les affaires.

Conclusion

Pour son premier long métrage de fiction en tant que réalisateur, Philippe Petit fait preuve d’un talent bien affirmé en arrivant à greffer intelligemment de nombreux thèmes importants sur une histoire plutôt banale au départ. Est-ce la ville de Marseille qui veut cela, mais après l’éclosion d’Emmanuel Mouret, natif de la ville et souvent comparé à Eric Rohmer, il n’est pas interdit de trouver des points communs entre Tant que le soleil frappe et le cinéma de ce même Eric Rohmer.

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