
Storia di vacanze
Italie, 2020
Titre original : Favolacce
Réalisation : Fabio D’Innocenzo, Damiano D’Innocenzo
Scénario : Fabio D’Innocenzo et Damiano D’Innocenzo
Avec : Elio Germano, Barbara Chichiarelli, Lino Musella
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie : 13 octobre 2021
3/5
Avec sa voix off légèrement manipulatrice et ironique, le second long-métrage des frères D’Innocenzo (après Frères de sang) débute sous des auspices laissant croire au retour de la comédie féroce à l’italienne, avec sa galerie de personnages médiocres filmés avec un mauvais esprit faisant apparaître beaucoup de sarcasme, pour progressivement nous placer dans une situation de plus en plus inconfortable, les cinéastes ayant l’art de bien cacher leur jeu.

© 2020 Angelo Turetta / Pepito Produzioni / Amka Films / Le Pacte Tous droits réservés
Synopsis : La chaleur de l’été annonce les vacances prochaines pour les familles de cette paisible banlieue pavillonnaire des environs de Rome. Des familles joyeuses, qui parviennent à créer l’illusion de vraies vacances malgré leurs faibles moyens. Des familles normales. Enfin presque. Car leurs enfants vont bientôt pulvériser le fragile vernis des apparences…

Sous une loupe grossissante
Prenant place dans une petite banlieue pavillonnaire des environs de Rome, le film nous présente plusieurs personnages semblant tous macérer une frustration qu’ils gardent bien enfouie en eux, mais éclatant à coups de comportements abusifs et réflexions sordides. Jamais totalement méchants, mais clairement envieux et ne se satisfaisant pas de leur vie, cet état d’esprit délétère et sans doute un peu inconscient finit par déteindre sur les enfants de chacun semblant tous quelque peu déboussolés, pour ne pas dire déséquilibrés. Quelque chose se trame, mais nous somme loin du compte face à la torpeur volontaire de la mise en scène s’installant dans un dispositif formaliste assez radical, les scènes s’étirant jusqu’à instiller un malaise en forme de poison lent nous contaminant jusqu’au plus profond de nous, à un point quasiment asphyxiant.
Peu plaisant, le film l’est incontestablement, et il semblerait que les frères D’Innocenzo en aient fait un véritable parti pris. Comme tout film assumant un formalisme poussé comme ici, sur la base de personnages symbolisant la médiocrité humaine en donnant l’illusion de regarder tout ce petit monde à la loupe grossissante en entomologistes humains peu empathiques, celui-ci aura autant d’admirateurs que de détracteurs zélés. Car si la mise en scène est suffisamment brillante pour tenir captivé tout du long, en dépit de la langueur volontairement pesante de l’ensemble à base de plans fixes étirés sur des situations malaisantes au possible, il faut un petit moment lorsque le film se termine pour aller au-delà de cette brillance formelle et essayer de comprendre ce qui a pu motiver les cinéastes à raconter cette histoire.

Une farce ricanante et dérangeante
Débutant donc en forme de farce ricanante aussi dérangeante que réellement décapante (notamment un repas où des parents demandent à leurs rejetons brillants à l’école de déballer leurs bulletins scolaires, ces derniers s’exécutant de manière laconique), le récit bascule rapidement du point de vue total des enfants, comme réceptacles de toute la frustration ambiante, et devant donc faire comme ils peuvent pour évoluer dans ce milieu peu porteur d’espoir. Et c’est là que le film devient réellement glauque, lorsque l’on comprend que ces enfants qui devraient avoir l’avenir devant eux et en tête de faire mieux que leurs parents, finissent par assimiler cette désespérance environnante pour adopter des comportements dangereux pour eux et leur entourage, pas nécessairement par esprit de chaos, mais simplement par un désespoir ayant déjà propagé son venin.

Conclusion
Il n’est pas interdit de penser à la misanthropie de cinéastes tels que Michael Haneke ou même Yorgos Lanthimos, même si la mise en scène est au final bien différente. Mais dans cette manière d’observer un monde s’écroulant par la défaillance des uns, donnant l’impression d’une absurdité sans espoir, ils s’inscrivent dans la mouvance de ce cinéma volontairement peu aimable et laissant un sale goût dans la bouche.
Et ce n’est pas ce final en forme d’ultime rire étouffé qui viendra nous contredire, semblant encore appuyer sur la plaie béante en raccordant au début du film qui nous en montrait déjà l’issue à sa manière, sans que l’on en prenne la pleine mesure, et qui à travers un ultime sourire d’un de ses protagonistes, dit tout de cette horrible indifférence au malheur, de gens trouvant leur énergie de vivre dans le bazar ambiant. Pas très réjouissant tout ça, mais le cynisme est tel qu’il est permis d’en rire de manière sournoise. Cruel et stimulant, donc, mais la perplexité dans laquelle de nombreux spectateurs seront placés sera tout sauf fortuite.