Critique : Sages-femmes

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Sages-femmes 

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Léa Fehner
Scénario : Léa Fehner, Catherine Paillé
Interprètes : Héloïse Janjaud, Khadija Kouyaté, Myriem Akheddiou, Quentin Vernede,
Distribution : Geko Films
Durée : 1h38
Genre : Drame
Date de sortie en salles : 30 août 2023

4/5

Elevée dans le milieu du théâtre sous chapiteau, passée par la Fémis dans le département scénario, Léa Fehner avait obtenu en 2009 le Prix Delluc du Premier film avec Qu’un seul tienne et les autres suivront, son premier long métrage. Les ogres, son deuxième long métrage, film sur le milieu du théâtre itinérant qu’elle connaissait parfaitement, a dépassé les 100 000 entrées. Sages-femmes est son 3ème long métrage. Ce sont les gros soucis rencontrés il y a 12 ans à la naissance de son premier enfant qui l’ont amenée à « plonger dans ce monde avec ses armes de cinéaste ». Coproduit par Arte France, Sages-femmes a été diffusé sur Arte le 21 avril dernier.

Synopsis : Louise et Sofia, deux jeunes sages-femmes passionnées, rejoignent leur premier poste dans une maternité publique. Mais à peine débarquées, les deux amies se heurtent aux cadences folles d’un service au bord de l’explosion. Entre euphorie des naissances et angoisse de mal faire, des vocations s’abîment, d’autres se renforcent. Leur amitié saura-t-elle résister à pareille tempête ?

Au cœur d’une maternité

« Félicitations, vous avez tué le plus beau métier du monde » peut on lire sur une pancarte brandie lors d’une manifestation de sages-femmes  qu’on peut voir en guise d’épilogue de Sages-femmes. En effet, l’hôpital public qui faisait la fierté de notre pays, est de plus en plus régi par une logique comptable avec une volonté à peine cachée de la part des gouvernements successifs de favoriser le recours au privé et les sages-femmes ne supportent plus d’avoir dû se transformer en maltraitantes, obligées qu’elles sont, par manque de personnel, de prendre en charge jusqu’à 4 accouchements en même temps. Cela, le film de Léa Fehner ne manque pas de le montrer et, ce faisant, de le dénoncer, mais Sages-femmes est plus que cela : c’est aussi un film sur les forces et sur les failles d’un personnel admirable, sur l’entraide indispensable pour arriver à tenir bon dans ce contexte de moyens insuffisants mais aussi sur les tensions inévitables dans un tel environnement au bord de la rupture. C’est par l’arrivée de deux jeunes sages-femmes qui viennent occuper leur premier poste dans le service Maternité d’un hôpital public que commence le film. Manifestement, celles qui vont devenir leurs collègues n’ont pas le temps de vraiment s’occuper d’elles et la présentation des lieux est pour le moins expéditive. On en retient surtout : « là, ce sont les toilettes, si, un jour, tu as le temps de pisser » ! Fraichement diplômées après cinq années de formation, Louise et Sofia sont amies, elles partagent le même appartement mais elles ont des caractères très différents. Autant Sofia semble sûre d’elle-même, tout de suite prête à prendre des initiatives, autant Louise est indécise dans ses prises de décision et elle a du mal, face aux patientes, à cacher ce qu’elle ressent. Toutefois, avec finesse, Sages-femmes montre que rien n’est jamais définitif, dans un sens comme dans l’autre : un épisode critique peut désarçonner Sofia et Louise va s’avérer être une jeune femme capable de prendre confiance en elle petit à petit, capable d’arriver à « dépasser sa peur de se tromper ».

Très proche du documentaire, avec un souci d’exactitude qui se manifeste dans tout ce que le film montre de la vie de la maternité, Sages-femmes n’oublie pas de prendre par moment un petit ton comique de bon aloi, avec, en particulier, le gag récurrent de Valentin, un externe présent sur les lieux et qui demande sans arrêt aux sages-femmes l’autorisation d’assister à un accouchement. Avec, également, l’arrivée tonitruante de la mère de Reda, un des seuls hommes de la maternité, venue pour prendre en main l’accouchement de sa fille. C’est avec elle que va se dérouler ce qui est, peut-être, la plus belle scène du film : alors qu’elle a été priée par Louise de quitter la pièce où a lieu l’accouchement, elle suit sur un écran de contrôle les battements du cœur de l’enfant qui va naître et elle s’affole, face à son fils, lorsque le signal s’arrête … jusqu’au moment où elle comprend que le signal s’est arrêté parce que l’enfant est né !

Un long travail collectif, une interprétation de haut niveau

Sages-femmes est le fruit d’un long travail collectif impliquant Léa Fehner, Catherine Paillé, sa coscénariste, les interprètes du film et, tout particulièrement, les élèves et anciens élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique qui représentent la plus grande partie du casting et, bien sûr, un grand nombre de sages-femmes auprès desquelles la réalisatrice a vécu en immersion pendant plusieurs mois, qui ont enrichi le scénario en puisant dans leur expérience professionnelle et ont, pour certaines, apporté leur contribution lors de la réalisation et même durant la période du montage. La qualité de l’interprétation est à la même altitude que le film lui-même : très, très haute. Héloïse Janjaud et Khadija Kouyaté interprètent avec bonheur les deux rôles principaux : on avait déjà aperçu la première dans de petits rôles, en particulier dans Les goûts et les couleurs de Michel Leclerc alors que la seconde trouve dans Sages-femmes  une première chance d’exposer un talent qui s’avère très prometteur.

On remarque aussi la prestation de Myriem Akheddiou, l’interprète de Bénédicte, une sage-femme d’expérience qui, dans une scène bouleversante, s’épanche sur tout ce qu’elle ne supporte plus dans l’exercice d’un métier qui était pourtant pour elle une véritable vocation, le pire étant de ne plus pouvoir bien traiter les gens. Quant à Quentin Vernede, il apporte un sens du comique fort sympathique dans le rôle de Valentin, l’externe qui a du mal à se faire admettre dans le service. En fait, c’est l’ensemble de la distribution qui a droit à des louanges, tellement on sent combien a été grande l’implication de tous les interprètes et combien ils ont travaillé pour assimiler les gestes des véritables professionnels impliqués dans ce moment extraordinaire qu’est la naissance d’un enfant. A ce propos, un petit message pour les âmes sensibles masculines qui rechignent à assister à l’accouchement de leur compagne : on assiste à pas mal de véritables accouchements dans le film. Messieurs, ne ratez pas ces moments merveilleux ! On notera que ce film réalisé au départ pour Arte, chaîne de télévision, a été réalisé en cinémascope ce qui donne une raison de plus pour aller le voir en salle, sur grand écran. Ou le revoir …

Conclusion

Le film sur l’hôpital est devenu un véritable genre. Sages-femmes en fait partie, film de fiction avec une approche documentaire très bien travaillée en amont, et ce film qui ne se cache pas d’être politique tout en étant d’une grande humanité vient se placer tout en haut en terme de qualité grâce à une superbe réalisation et un ensemble d’interprètes particulièrement impliqué.e.s.

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