Réparer les vivants
France : 2016
Titre original : –
Réalisation : Katell Quillévéré
Scénario : Katell Quillévéré, Gilles Taurand d’après le roman de Maylis de Kerangal
Acteurs : Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Anne Dorval
Distribution : Mars Films
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie : 1 novembre 2016
3/5
A 36 ans, Katell Quillévéré n’en est jamais qu’à son 3ème long métrage, mais, après le très intense Un poison violent et l’inégal Suzanne, on attendait avec une certaine impatience Réparer les vivants, son adaptation cinématographique du roman homonyme de Maylis de Kerangal.
Synopsis : Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, c’est l’accident. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…
L’heure des choix
Simon, leur fils de 17 ans, se trouvant en état de mort cérébrale à la suite d’un accident de voiture au retour d’une sortie de surf avec des copains, Vincent et Marianne se retrouvent face au choix suivant : accepter ou ne pas accepter que des organes soient prélevés sur le corps de Simon et permettre ainsi de relancer la vie de grands malades. Au même moment, une cardiologue cherche à convaincre Claire, une femme de 50 ans, que son cœur malade la condamne à une morte certaine dans un délai très court et que, seule une greffe du cœur peut la sauver. Certes, Claire aime la vie, elle aime ses fils, elle aime Anne, une pianiste réputée qu’elle n’a pas vue depuis longtemps, mais, est-il vraiment souhaitable de s’opposer à la nature qui semble dire que sa vie est arrivée à son terme ?
Des hauts et des bas
Quand le titre d’un film annonce à l’avance ce qui va se passer, il n’est pas nécessaire de rentrer dans de grands mystères lorsqu’on évoque le déroulement de l’histoire. Réparer les vivants est un plaidoyer vibrant pour le don d’organes, avec un aspect documentaire présenté avec force et intelligence : le rôle de l’infirmier coordonnateur qui va chercher, avec tact, à convaincre les parents d’accepter le prélèvement d’organes ; les hésitations tout à fait naturelles de ces derniers, qui viennent d’apprendre que leur fils est en état de mort cérébrale et à qui on demande très vite si ils acceptent que des organes soient prélevés sur ce corps qui, d’une certaine façon, continue à vivre ; les questions que posent les parents sur l’identité, révélée ou non, des éventuels receveurs, sur le choix des organes à prélever ; les hésitations et les questions en provenance de Claire, celle qui va recevoir le cœur ; la cellule de dispatching des organes ; la chaîne humaine qui se met en place pour transporter l’organe ; les deux opérations, celle du prélèvement et celle de la greffe, filmées sans aucunement chercher à ménager les spectateurs. Toute cette partie du film est une belle réussite, tout à la fois hymne à la vie, cette vie qui va finir par passer du corps d’un jeune sportif à une femme plus âgée, et document sur la réparation d’un corps, exécutée par une équipe de professionnels dont la précision des gestes laisse pantois. Belle réussite aussi que certains moments de grande émotion, tel celui où Vincent et Marianne viennent dire à Thomas, l’infirmier coordonnateur, qu’ils acceptent le don d’organes.
Le problème du film, c’est le reste ! Que la réalisatrice ait jugé indispensable de ménager le spectateur en glissant des pauses entre des scènes très fortes, on le comprend, mais quel genre de pause et des pauses de quelle durée ? Dès le début du film, on ne peut s’empêcher de trouver le temps long, avec ces adolescents qui roulent, qui sur son skate-board, qui sur son vélo, avec ces scènes de surf qui n’en finissent pas, avec cette métaphore de la mer qui enveloppe les corps, une métaphore assez lourde qu’on retrouvera d’ailleurs plus tard. Ensuite, tout au long du film, chaque scène forte est suivie de pauses qui s’avèrent le plus souvent beaucoup trop longues et qui font retomber complètement la tension qu’on prenait plaisir à ressentir. Trop longues ou complètement inutiles : on se demande ainsi ce qu’apporte au film la pause sur les états d’âme de l’infirmière Jeanne ! Comme dans Suzanne, on reste avec l’impression mi-figue mi-raisin d’un film dans lequel la réalisatrice sait vous emmèner vers des sommets d’émotion pour mieux vous laisser tomber dans la banalité, brutalement, sans sommation.
Une grande qualité : le jeu des comédien(ne)s
Si les spectateurs sont en droit de regretter la nonchalance dont fait preuve la réalisatrice pour conduire son récit ainsi que certains à-côtés de l’histoire principale qui s’avèrent trop longs, voire totalement inutiles, on ne peut que tirer un grand coup de chapeau à la fois à la direction d’acteurs et aux comédiens eux-mêmes : Emmanuelle Seigner et Kool Shen sont bouleversants en parents dévastés par le chagrin, Tahar Rahim campe à la perfection un infirmier coordonnateur plein d’humanité, Anne Dorval une mère de famille au cœur défaillant et hésitante quant à son avenir, Alice Taglioni une pianiste réputée (en fait, elle se destinait à une carrière de pianiste avant de devenir comédienne !), etc. On se montrera beaucoup, beaucoup plus sévère avec la musique d’Alexandre Desplat, à la fois médiocre et trop présente. Et on regrettera que Frank Beauvais, le conseiller musical habituel de Katell Quillévéré, n’ait pas continué ce qu’il avait fait pour Un poison violent : sortir des sentiers battus dans son choix des chansons.
Plaidoyer très utile en faveur du don d’organe, Réparer les vivants ne peut pas, pour autant, être considéré comme un grand film de cinéma, des faiblesses scénaristiques et de trop nombreuses baisses de régime interrompant régulièrement l’intérêt qu’on peut lui porter. Sans parler de la musique horripilante d’Alexandre Desplat ! Partie sur les chapeaux de roue avec Un poison violent, Katell Quillévéré confirme malheureusement l’impression ressentie dans Suzanne : elle est toujours capable du meilleur, mais elle n’arrive pas, elle n’arrive plus à en faire preuve sur toute la durée d’un film !
Voilà, pour ma part, ce que je publiais sur FB. RÉPARER LES VIVANTS de Katell Quillévéré, inspiré du roman de Maylis de Kerangal. Á mes yeux il ne suffit pas de belles images impressionnantes parfaites, de cadres sans défaut, d’acteurs sans reproche et d‘un scénario à vous serrer le cœur pendant 1h40 pour arriver à un film que je garde, rare. Ça, on ne s’ennuie pas ! J’ai même cru devoir bientôt consulter pour mon cœur. Au sortir j’ai utilisé une ruse : ai-je envie de revoir ce film ? Une resucée ? Non. La messe est dite. Sorti des indiscutables perfections générales du film, le montage itou, la lumière, parfaite, redescendu des émotions et annulant mon rdv chez le cardiologue… ma mémoire gardait des clichés qui m’ont serré le bide, sorte de roman photo sublimé.
Bien que ce film, loin d’être « petit » par la multitude d’acteurs de renommé et de soutiens non négligeables possède de belles idées et de subtiles trouvailles intelligentes et prometteuses, c’est un film qui souffre d’un montage bancal, sans surprise, juxtaposant des histoires auxquelles on a beaucoup de mal à croire. Trop de clichés! L’histoire d’amour entre la mère malade et une grande pianiste, le père qui en larmes, au lieu de rester au chevet de son fils – dans le comas – retourne travailler, l’infirmière surmenée qui fantasme dans l’ascenseur de l’hôpital et d’autres banalités font basculer bien souvent le film dans un « documentaire » proche de Plus Belle La vie que des promesses que le sujet laissait entrevoir. Il aurait fallu un peu plus de subtilité dans l’écriture du scénario et un peu plus de rigueur dans le montage. Le titre est pourtant magnifique mais ne suffit pas à faire un grand film. Très déçue…