Critique : Quelques minutes après minuit

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Quelques minutes après minuit

Etats-Unis, Espagne, Canada, UK, 2016
Titre original : A monster calls
Réalisateur : Juan Antonio Bayona
Scénario : Patrick Ness
Acteurs : Lewis MacDougall, Felicity Jones, Sigourney Weaver
Distribution : Metropolitan FilmsExport
Durée : 1h48
Genre : Fantastique, Drame
Date de sortie : 4 janvier 2016

4/5

Juan Antonio Bayona est à la fois le protégé de Guillermo del Toro, qui produit son premier film (L’orphelinat, 2007), et considéré par certains comme le « nouveau Spielberg ». Le réalisateur espagnol, qui n’en est qu’à son troisième film (après The impossible, sorti en 2012) n’est pourtant pas dans l’hommage plutôt « tape-à-l’œil » comme peuvent l’être J.J. Abrams et son Super 8  ou comme les frères Duffer, à l’origine de la récente série Stranger Things. Bayona lui se concentre sur des thèmes chers à Spielberg, notamment le rapport à l’enfance. Avant de partir sur les traces du maître pour la suite de Jurassic World, le jeune cinéaste nous offre un film fantastique, dans lequel un enfant / jeune adolescent se lie d’amitié avec un monstre pour surmonter les dures épreuves de son quotidien. Et, ironie du sort, le résultat est meilleur en tout point que le BGG de Spielberg, à l’argument semblable !

Synopsis officiel : Conor a de plus en plus de difficultés à faire face à la maladie de sa mère, à l’intimidation de ses camarades et à la fermeté de sa grand-mère. Chaque nuit, pour fuir son quotidien, il s’échappe dans un monde imaginaire peuplé de créatures extraordinaires. Mais c’est pourtant là qu’il va apprendre le courage, la valeur du chagrin et surtout affronter la vérité…

Un nouvel espoir (face à la maladie)

La comparaison entre les deux films n’a pourtant pas vraiment lieu d’être, même si les deux sont adaptés d’un roman classé jeunesse : de Roald Dahl pour le premier, de Patrick Ness pour le second. C’est d’ailleurs ce dernier qui signe l’adaptation de son oeuvre à l’écran. Loin d’être un film pour enfant, Quelques minutes après minuit est un conte sur le deuil. Car c’est pour traverser l’épreuve que constitue le cancer de sa mère que Conor sympathise avec l’arbre centenaire qui se dresse fièrement au fond de son jardin. Un arbre qui lui explique qu’il lui racontera trois histoires, avant que Conor raconte lui-même une histoire terrifiante et éminemment personnelle à son nouvel ami. Cependant, les scènes avec l’arbre sont minoritaires dans le film : ce qui importe à Bayona, c’est le lien qui unit la mère à son fils, lien que le « monstre » n’est là que pour souligner. Il faut dire que tous deux sont brillamment interprétés. Lewis MacDougall (Conor), dont c’est la seconde apparition sur grand écran, porte le film sur ses épaules, constituant un véritable vecteur émotionnel pour le spectateur. Et dans le rôle de sa mère malade, on retrouve Felicity Jones, qui le mois dernier était à l’affiche de Rogue one : a star wars story. Voir une actrice comme elle touchée par la maladie, à contre-emploi de ses autres prestations, ne fait que renforcer l’empathie qu’on a envers les deux protagonistes. Mention spéciale aussi pour la grand-mère, interprétée par Sigourney Weaver, qu’on avait elle aussi l’habitude de voir dans d’autres rôles !

Quelques larmes après minuit ?

Certains ont crié au tire-larme, et si pour ma part le film ne m’a pas touché au point de de faire déverser un flot de larmes dans la salle de cinéma, il me semble injuste de qualifier Bayona de sentimentalisme primaire. Au contraire, le cinéaste manie avec brio les émotions de ses personnages, et si inévitablement la situation peut nous amener à verser quelques larmes, il ne sombre jamais dans la facilité. Il nous montre à quel point accepter qu’un être cher puisse s’en aller peut être difficile, et Conor et sa mère passent la majorité du film à se battre contre le destin – et non pas à l’accepter en s’apitoyant sur leur sort. Pour en revenir à l’aspect « monstre » du film, le synopsis officiel évoque « un monde imaginaire peuplé de créatures extraordinaires », mais il est pourtant question d’un seul monstre, une vieil arbre interprété (en motion capture) par Liam Lesson. Il nous est révélé explicitement qu’il s’agit d’un pur élément de l’imagination de Conor, ce qui n’enlève pas pour autant le cachet fantastique du film ; représentant le for intérieur du jeune homme, il s’agit tout comme les autres personnes du récit d’un personnage complexe. En plus d’être une aide pour Conor, il permet aussi d’introduire deux séquences en aquarelle, véritables contes au sein même du conte qu’est le film. Esthétiquement sublimes, elles viennent renforcer le flot d’émotions qui parcourt le long-métrage.

Conclusion

Malgré ses qualités, le long-métrage de Bayona n’a pas su trouver son public en dehors du pays d’origine du réalisateur : le film est en tête du box-office de 2016 en Espagne, avec près de 3,5 millions d’entrées. Un succès ibérique amplement mérité, Bayona réussissant à livrer un film poignant qui n’est pourtant jamais tire-larme. Et même si comme Conor vous avez un monstre au fond de vous, sûrement qu’une petite larme perlera au coin de votre œil pendant la séance …

https://www.youtube.com/watch?v=ODSaYINfC6Q

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