Par amour
Italie, 2015
Titre original : Per Amor Vostro
Réalisateur : Giuseppe M. Gaudino
Scénario : Giuseppe M. Gaudino, Isabella Sandri, Lina Sarti
Acteurs : Valeria Golino, Massimiliano Gallo, Adriano Giannini
Distribution : Bellissima Films
Durée : 1h49
Genre : Drame
Date de sortie : 13 avril 2016
2/5
Que peut-on faire par amour et jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? Voilà la question que tout un chacun se pose un jour ou l’autre dans sa vie, et que Giuseppe M. Gaudino met à l’honneur dans son film. Intitulé Per amor vostro (traduit en français par Par amour), ce film franco-italien, fut le 4e film italien présenté à la Mostra de Venise, après L’Attesta de Pietro Messina, Sangue del mio sangue de Marco Bellocchio et A Bigger Splash de Luca Guadagnino. Vingt ans après son unique long métrage Giro di lune tra terra e mare, ce documentariste nous offre un nouveau long métrage au scénario prometteur.
Synopsis : C’est au cœur de Naples, que nous découvrons l’histoire touchante d’Anna (Valéria Golino). Anna est une femme tourmentée, fragilisée par un contexte familial et marital difficile. Des parents pénibles, un enfant handicapé, un mari (Massimiliano Gallo) mafieux et violent… Anna rêve d’autre chose… Son nouveau travail de « prompteuse » (elle est chargée d’écrire sur des affichettes les répliques des comédiens) lui ouvre de nouvelles perspectives qui lui permettront de briser son carcan et de s’envoler vers la liberté.
Une femme particulièrement touchante
Anna est incarnée par Valéria Golino et ce de manière magistrale, cette interprétation lui a valu à la Mostra de Venise, la coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine, sans doute une des justifications de sa présence dans le jury du Festival de Cannes en 2016. Valeria Golino fournit une interprétation poignante, basée sur un véritable travail de micro-physionomie (regards extrêmement expressifs, battements de cils, plissements du front). La comédienne offre au spectateur le portrait particulièrement touchant et attachant d’une femme à bout de souffle, pleine de rêves. Anna nous touche par sa sensibilité, sa fragilité et ce qu’elle subit : les brimades de son mari, de ses voisins dépouillés par celui-ci, de ses parents (Virginia Da Brescia et Roberto Corcione) qui ne lui reconnaissent que peu de mérite, le handicap de son fils, malgré tout pesant, et son travail dans lequel on l’observe encore à l’arrière plan, vivant par procuration ces rôles qu’elle n’incarnera pas, disparaissant derrière ses affiches.
Une mise en scène symbolique
Il est évident que Giuseppe M. Gaudino effectue dans ce film un véritable travail sur la mise en scène, souvent proleptique. Après un générique intrigant qui mélange gros plans visages, fondus, images mystiques, négatifs et musique, nous découvrons toute la tonalité du film avec ce choix du noir et blanc et Anna qui tente en vain d’ouvrir un volet, pour atteindre, la mer, la couleur, la liberté. L’alternance entre la couleur et le noir et blanc, courante au cinéma (L’Enfer de Clouzot), est ici pleinement, justifiée. La couleur s’apparente, tant aux souvenirs de jeunesse d’Anna et à sa témérité d’antan, qu’à ses fantasmes teintés d’amour et de liberté. L’usage du noir et blanc durant les plans avec son amant (Adriano Giannini) est un choix narratif, nous faisant comprendre qu’elle ne s’approche pas de sa libération. Le premier plan du film contient en lui la clé du film, lorsqu’Anna tente d’ouvrir ce volet et le referme en partie sur elle, se privant ainsi de la liberté qui lui revient. Ce plan est la métaphore de sa vie, puisqu’Anna s’est asservie par amour depuis son enfance jusqu’à ses quarante ans. Elle choisit par amour fraternel d’être punie pour un vol qu’elle n’a pas commis et par amour pour son mari de subir des remarques désobligeantes qui la rabaissent et lui ont fait perdre toute confiance en elle, ainsi qu’elle l’explique à Ciro (Salvatore Cantalupo). La culpabilité participe aussi à son état de servitude, elle est subtilement évoquée par l’intermédiaire de voisines dans la cage d’escalier, et plus tard dans le film de manière frontale par son mari qui l’accuse de la surdité de son fils. Surdité qui serait un châtiment de dieu, parce qu’elle a pris la pilule. On voit dès lors resurgir dans ce film, toute la religiosité propre à l’Italie. Mais Giuseppe M. Gaudino ne s’arrête pas là, et crée une analogie marquée entre Anna et la piéta, femme sainte par ses souffrances. Les souffrances et la privation de liberté que subit Anna sont visibles, par le choix de plans rapprochés, voire de gros plans. Les longues focales choisies par Matteo Corro, le directeur de la photographie, traduisent brillamment cette sensation d’oppression vécue par Anna. Ces cadrages corrélés à des décadrages et des brouillages sonores évoquent une sensation de malaise, une oppression telle qu’elle entraîne des symptômes physiques. Ce choix notamment sonore nous rappelle bien entendu le célèbre plan final de La Rue de la honte.
Trop, c’est trop…
Malgré des propositions intéressantes sur le plan formel, ce film est indigeste. Il multiplie les topos usés : mafia, mari violent, absence de liberté, préférence de la vie à la liberté (voir Hegel et sa Dialectique du maître et du valet), analogie avec un oiseau en cage/libre, happy end, analogie à la piéta… Ce film aurait pu être plaisant malgré tout si Giuseppe M Gaudino ne mélangeait pas tous les styles. Passant du néorealisme à un style documentaire (avec de nombreux mouvements de caméra, filmant parfois Anna de dos à la manière des Dardenne) à une sorte de comédie musicale multipliant les interventions de la musique qui fait souvent doublon avec les paroles ou les gestes des acteurs. D’autres moments sont beaucoup plus théâtraux et/ou comiques, voire baroques, se rapprochant du 8 ½ de Fellini. Cette multiplication des genres est d’autant plus indigeste qu’elle est corrélée à la multiplication des temporalités (souvenirs passés, onirisme, réalité actuelle) et à cette alternance entre la couleur et le noir et blanc. Enfin, notons que si l’analogie à la piéta est évoquée implicitement, elle l’est à de nombreuses reprises explicitement avec l’usage du digital painting, transformant Anna en icône et ce de manière répétée. Giuseppe M. Gaudino surligne et re-surligne ses idées, à l’image de la musique systématiquement coupée lorsque Gigi Scaglione (Massimiliano Gallo) rentre chez lui.
Conclusion
L’interprétation pourtant magistrale de Valéria Golino ne suffit pas à sauver ce film qui, en voulant conjuguer beaucoup trop d’ingrédients, nous lasse et nous perd en chemin.
https://vimeo.com/159196506
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