Mountain
Israël : 2015
Titre original : Ha’har
Réalisation : Yaelle Kayam
Scénario : Yaelle Kayam
Acteurs : Shani Klein, Avshalom Pollak, Haitham Ibrahem Omari
Distribution : ASC Distribution
Durée : 1h23
Genre : Drame
Date de sortie : 4 janvier 2017
3/5
Née en 1979 à Tel Aviv, Yaelle Kayam a commencé par étudier l’anthropologie avant de bifurquer vers des études de cinéma entamées à Melbourne en 2004 et poursuivies en 2006 à Jérusalem. Son film de fin d’études, le court-métrage Diploma, a été sélectionné dans plus de 70 festivals et a obtenu une quinzaine de récompenses. Mountain est son premier long métrage et il a été primé aux festivals de Fribourg et de San Francisco.
Synopsis : Une jeune femme juive orthodoxe vit avec sa famille dans le cimetière juif situé sur le Mont des Oliviers à Jérusalem. Dans la journée, tandis que son mari et ses enfants sont à l’école, elle reste seule à la maison. Elle sort se promener dans le cimetière, tentant d’échapper aux interminables tâches domestiques.
Une nuit, emplie de frustration, elle sort furieuse de la maison et gravit le cimetière, courant jusqu’où ses jambes voudront bien la porter. Elle est alors le témoin d’une scène de sexe troublante. Hantée par cette image, elle commence à explorer ce nouvel univers que recèle la « montagne », tout en s’efforçant de ne rien laisser transparaître pendant sa vie quotidienne. Jusqu’à ce qu’elle n’y arrive plus.
Un couple qui bat de l’aile
Situé à l’est de Jérusalem, avec une vue dégagée sur le Mont du Temple / Esplanade des mosquées, Le Mont des Oliviers sépare la ville du désert de Judée. Depuis des siècles, ce lieu est le siège d’une véritable tradition funéraire et on y trouve le plus ancien cimetière juif au monde encore en activité. C’est en bas de ce cimetière, au bord de la route, qu’habite dans une maison en pierres une famille de juifs orthodoxes, Reuben, Tzvia, leurs 3 filles et leur fils. Tzvia est mère au foyer et son quotidien consiste à s’occuper des enfants et des tâches domestiques. Pour égayer ces journées moroses, il lui arrive de sortir se promener dans le cimetière ce qui lui permet parfois de renseigner des gens qui cherchent l’emplacement d’une tombe ou de rencontrer Abed, le gardien du site, un palestinien avec qui elle se permet, au grand dam de son mari, d’échanger quelques mots. Reuben, lui, est professeur dans une yeshiva et il travaille beaucoup. Pas le mauvais bougre, ce Reuben, en apparence toujours doux et calme, mais, manifestement, il ne désire plus vraiment sa femme et, tout aussi manifestement, celle-ci en souffre, en manque affectif et sexuel. Un sentiment qui va se trouver exacerbé lorsque, une nuit, Tzvia va rencontrer un monde se situant aux antipodes de sa propre vie, un monde constitué de prostituées et de dealers qui investissent chaque nuit le haut du cimetière.
Une femme en grande confusion
C’est d’abord un lieu, Le Mont des Oliviers, qui a été la première source d’inspiration pour Yaelle Kayam, un lieu dans lequel elle a passé de longs moments, un lieu où elle a fait des rencontres, dont celle d’un des gardiens du cimetière, un palestinien prénommé Abed, un lieu dont elle s’est petit à petit imprégnée. Là dessus est venue se greffer une autre source d’inspiration, une histoire qu’on trouve dans le Talmud, une histoire qui parle d’un homme qui ne désire plus sa femme et du combat mené par cette dernière pour réveiller son désir. En découle un film qui se concentre sur la vie morose d’une femme qui se trouve en quelque sorte enterrée vivante dans le cimetière près duquel elle habite. Une femme dont la vie se déroule à la fois dans des temps anciens, dans un intérieur sombre ressemblant à une grotte, et dans l’époque actuelle avec l’utilisation d’un four à micro-ondes et d’un téléphone portable. Une femme qui fume énormément et qui aspire à une autre vie, sans trop savoir comment parvenir à l’installer dans son foyer. Une femme à l’appétit amoureux non satisfait et qui, brutalement, découvre près de chez elle l’existence et les pratiques des prostituées. De quoi se retrouver en pleine confusion mentale !
Les choix de la réalisatrice
Pour interpréter le rôle de Tzvia, Yaelle Kayam a très vite ressenti le besoin de trouver une comédienne bien en chair. Un désir satisfait sans grande difficulté, le choix final se portant sur Shani Klein dont l’intensité et la sobriété du jeu s’avèrent des atouts décisifs pour le film. Pour le rôle de Reuben, les desiderata de la réalisatrice ont rendu la recherche très difficile : elle souhaitait un acteur qui soit à la fois séduisant, intelligent, gentil « mais d’une façon passive-agressive », doux et calme « mais avec quelque chose de tranchant ». Le choix s’est finalement porté sur Avshalom Pollak, un comédien qui jouait dans une série télévisée très populaire à la fin des années 90 et qui est devenu depuis un chorégraphe réputé. Quant à l’interprète d’Abed, Yaelle Kayam n’avait qu’un seul nom en tête, celui de Haitham Ibrahem Omari, qu’elle souhaitait voir passer du rôle de « terroriste palestinien effrayant » qu’il a joué dans Bethléem à celui de gentil palestinien, gardien d’un cimetière juif. On retrouvera bientôt ce comédien dans Tempête de sable, dans un rôle de mari et de père dans une famille de bédouins vivant dans le désert de Néguev.
Conclusion
Pas follement gaie la vie de Tzvia, avec ce mari qui la délaisse et le voisinage immédiat de sa demeure avec un vaste cimetière. Il n’empêche : ce premier long métrage de la réalisatrice israélienne Yaelle Kayam ne manque pas d’intéresser le spectateur au sort de cette femme en pleine confusion, grâce à une mise en scène tout en subtilité, un montage rigoureux et au jeu tout à la fois sobre et intense de Shani Klein.