Critique : Message from the king

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Message from the King

Etats-Unis, 2015
Titre original :
Réalisateur : Fabrice Du Welz
Scénario : Oliver Butcher, Stephen Cornwell
Acteurs : Chadwick Boseman, Luke Evans, Teresa Palmer plus
Distribution : The Jokers / Les Bookmakers
Durée : 1h42
Genre : Thriller
Date de sortie : 10 mai 2017

Note : 3/5

Fabrice du Welz est un cinéaste passionnant à plus d’un titre. Avec son premier long métrage, Calvaire (2004), il livrait une authentique bombe qui allait traumatiser pas mal de fans de cinéma de genre avec son mélange inédit de romantisme tordu et d’horreur frontale, le tout dans une ambiance étrange et dérangeante. Un classique instantané possédant encore aujourd’hui toute son aura. La suite de sa carrière aura été tout aussi radicale, le cinéaste ne sacrifiant jamais ses visions à des impératifs commerciaux. Un esprit d’artiste incontrôlable qui fait sa singularité, mais l’a cantonné à un cinéma confidentiel, pour un petit public d’irréductibles. Avec le polar Colt 45, il espérait changer de style, pour un film qu’il envisageait comme sa version personnelle des polars hardcore américains des 70’s, au style rugueux et impitoyable. L’expérience douloureuse avec son producteur Thomas Langmann l’aura mené vers le radical Alleluia. Il retrouve alors son plaisir de filmer, malgré une exploitation pour le moins limitée. Tout ça nous amène au film qui nous intéresse aujourd’hui, que l’on peut sans aucun mal voir comme son polar hard-boiled dont il rêve depuis longtemps et qui constitue sa première expérience aux Etats Unis. Réalisé avec un budget que l’on devine serré, en très peu de temps (28 jours), on se doute bien qu’il ne s’agit pas d’un projet personnel pour le cinéaste, d’autant qu’il est arrivé très tard sur le projet, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas mis toute son âme, comme on s’en rendra très rapidement compte.

Synopsis : En provenance de Cape Town, Jacob King débarque à Los Angeles à la recherche de sa sœur disparue Avec un billet retour pour l’Afrique du Sud sept jours plus tard, et 600 dollars en poche. Au bout de 24 heures, il découvre que sa sœur est morte dans des circonstances étranges…


Une rage bouillonnante

Le pitch, très accrocheur et d’une simplicité imparable, permet à peu près tous les traitements possibles. Entre les mains d’un vulgaire tâcheron, on aurait pu se retrouver devant un nanar digne de Steven Seagal ou d’une production Besson de bas étage. Mais avec Du Welz à la barre, on trouve immédiatement une ambiance poisseuse qui colle à la peau et laisse le temps aux personnages d’exister sous nos yeux. Si les enjeux sont clairement exposés dès le début du film, cela n’empêche pas le cinéaste de travailler réellement la caractérisation de ses protagonistes principaux, et cela tombe bien, car avec Chadwick Boseman ou Teresa Palmer, il a trouvé les comédiens idéaux pour nous faire éprouver une réelle empathie et nous donner envie de les suivre. Lui avec son visage décidé à priori impassible mais rempli de mille nuances, réussissant à nous faire ressentir le mélange de rage extrême bouillonnant en lui, ainsi que sa profonde tristesse face au sort de sa sœur qu’il n’a su protéger de la cruauté du monde (à ce titre, la scène où il découvre le corps de cette dernière ayant subi des tortures abjectes est assez intense). Elle en jeune mère faisant quelque peu office de sœur de substitution pour notre anti héros, et très émouvante sans avoir besoin de tomber dans les excès lacrymaux. Leurs dialogues sont justes, sobres, et font exister leurs personnages sans emphase.

Cependant, malgré toutes ces qualités qui font la singularité du film, on ne peut s’empêcher d’espérer un peu plus de brutalité digne des vigilante movies auxquels il se réfère. Car, malgré son atmosphère putride faisant passer Los Angeles pour une cité suintant le danger à chaque coin de rue, comme si les gens « normaux » étaient forcément destinés à devenir les victimes de monstres sans scrupules à visage humain, la langueur quelque peu excessive finit par devenir lassante, faute de réel crescendo dramatique.

Un manque de folie dans la mise en scène…

On connaissait le cinéaste pour ses audaces stylistiques hallucinantes, et on espérait qu’il en serait de même ici, même dans le cadre d’un film américain. Mais hormis le fait d’avoir réussi à imposer le tournage en 35mm, et une scène d’hallucination courte mais efficace, on sent bien l’urgence dans laquelle le film a été tourné. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose à tout point de vue, cet agenda très serré entraînant forcément une énergie de chaque instant, et un aspect brut convenant bien à l’histoire racontée. Mais on aimerait un peu plus de folie et de cadrages composés, car la mise en scène reste trop banale, manquant d’audace, malgré une photographie réussie. Le montage un peu trop cut dans les scènes d’affrontements à mains nues empêche de savourer pleinement ceux-ci, malgré la fureur dont fait preuve son personnage principal lorsqu’il s’agit de punir ses adversaires. Cette frustration se ressentira notamment lors du climax, manquant clairement de ce grain de folie qui aurait rendu le film vraiment inoubliable.

Mais on peut tout de même reconnaître à du Welz de n’avoir pas perdu sa faculté à filmer des moments de violence sans complaisance, restituant bien l’effet de cette brutalité sur les personnages, et ne cherchant pas à nous la rendre jouissive. Même si l’on comprend l’envie de vengeance du personnage et que notre côté primaire nous donne envie de voir les « pourris » souffrir, on comprend que personne ne ressort grandi d’une telle sauvagerie, surtout lorsque l’on voit le regard terrifié d’une fillette face à un déchaînement de violence. C’est donc avec un sentiment mitigé que l’on sort de la salle, reconnaissant les qualités indéniables, mais avec l’impression que le cinéaste n’a pu faire le film qu’il aurait voulu. Comme on le sait, l’étape de la post production est rarement satisfaisante pour les cinéastes tournant aux Etats Unis, lorsqu’il ne s’agit pas de productions totalement indépendantes. On a aucun mal à imaginer que Fabrice du Welz n’a pas pu imposer toutes ses idées, et a du composer avec un système pouvant être pénible pour les réalisateurs ayant un minimum d’ambition artistique.

 

Conclusion

Néanmoins, nulle trace d’une catastrophe comme l’était Colt 45, et on trouve de très beaux restes dans ce film imparfait, mais laissant des sensations assez physiques lorsqu’on y repense après coup.

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