Critique : Ma vie Ma gueule

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Ma vie Ma gueule

France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Sophie Fillières
Scénario : Sophie Fillières
Interprètes : Agnès Jaoui, Angelina Woreth, Édouard Sulpice
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h39
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 18 septembre 2024

3.5/5

Synopsis :  Barberie Bichette, qu’on appelle à son grand dam Barbie, a peut-être été belle, peut-être été aimée, peut-être été une bonne mère pour ses enfants, une collègue fiable, une grande amoureuse, oui peut-être… Aujourd’hui, c’est noir, c’est violent, c’est absurde et ça la terrifie : elle a 55 ans (autant dire 60 et bientôt plus !). C’était fatal mais comment faire avec soi-même, avec la mort, avec la vie en somme…

Une femme dépressive qui aime la vie

C’est forcément en marchant sur des œufs qu’on se lance dans la critique d’un film sur une femme qui aime la vie tout en étant dépressive, réalisé par une femme que la vie a quittée alors que le film venait d’être tourné mais n’avait pas encore été monté. Cette femme, Sophie Fillières, a fait partie de la première promotion de la Femis, section réalisation. Elle a été réalisatrice, actrice, scénariste, et elle s’est éteinte le31 juillet 2023 à l’age de 58 ans. Ce sont ses deux enfants, Agathe et Adam Bonitzer, qui ont assuré la post production auprès du chef monteur François Quiqueré et Agnès Jaoui, l’interprète du rôle principal, celui de Barberie Bichette, n’a rien trouvé à redire aux choix qu’ils ont faits. Il y a sans doute beaucoup de Sophie Fillières dans cette Barberie Bichette, souvent surnommée Barbie, ce qu’elle n’apprécie guère. En tout cas, avec ce personnage dépressif et à fleur de peau, on retrouve dans ce film le goût pour l’autodérision et un côté décalé, à la fois drôle, instable et hypersensible, deux des facettes qui ont toujours été la marque de fabrique de la réalisatrice. Créatrice dans une agence de pub, Barberie écrit aussi des poèmes dont certains, parait-il, ont été publiés. Elle a des expressions qui lui sont propres, elle se parle souvent à elle-même et, pour elle, il n’y a qu’un seul prénom pour l’ensemble du personnel de l’hôpital de jour qu’elle fréquente : « Fanfan ». 

Comme Sophie Fillières, Barberie Bichette vit séparée du père de ses 2 enfants, un garçon et une fille, Junior et Rose, les rapports avec le premier étant meilleurs qu’avec la seconde qui ne se prive pas de dénigrer sa mère auprès de ses amis. Et puis, comme Sophie Fillières, Barberie Bichette a une sœur. Celle de la réalisatrice, Hélène Fillières, tout comme sa sœur réalisatrice, actrice et scénariste, est bien connue des cinéphiles. Par contre, de la sœur de « Barbie », interprétée par Valérie Donzelli, on ne connaitra pas le prénom.

Ma vie Ma gueule s’inscrit dans la tendance du moment, le film divisé en un certain nombre de chapitres. Ici, il y en a 3, poétiquement appelés « Pif », « Paf » et « Youkou ! ». Des 3, le premier, « Pif », est le plus drôle. On y retrouve en particulier des séances absolument désopilantes avec un psy. Le registre de « Paf », le deuxième chapitre, est plus sombre, plus déchirant, une forme de pathos se substituant à l’humour, même si pointent encore, de temps en temps, des moments qui font rire. Quant au troisième, « Youkou ! », il voit Barberie se diriger vers l‘Ecosse, avec de nouveau pas mal d’humour et d’autodérision mais aussi beaucoup de poésie, à la rencontre d’une vieille connaissance et des paysages somptueux de ce pays.

L’aisance d’une grande comédienne

Avant de tourner Ma vie Ma gueule, Sophie Fillières et Agnès Jaoui ne se connaissaient pas. On ne sait pas sur quels critères précis la réalisatrice s’est basée pour faire le choix de la comédienne. Par contre, une chose est sûre : Agnès Jaoui a investi ce rôle d’une femme dépressive se raccrochant coûte que coûte à la vie avec la même aisance que celle dont elle avait preuve dans le rôle d’une mère bipolaire dans son film précédent,  La vie de ma mère de Julien Carpentier. L’aisance de la comédienne est telle qu’on a souvent l’impression qu’il y a beaucoup d’improvisation de sa part. Tout faux : tout était écrit, à la virgule près ! Afin de permettre à Agnès Jaoui de mieux se mettre dans la peau d’un personnage avec lequel elle avait beaucoup de moins commun, Sophie Fillières lui a fourni une partie de sa garde-robe et a demandé à son psychanalyste de jouer son propre rôle dans le film. Un autre personnage joue son propre rôle dans Ma vie Ma gueule : Philippe Katerine, dont la notoriété a fait un grand bond en avant depuis la cérémonie d’ouverture des JO et que Barbie rencontre à 2 reprises, à Paris puis en Ecosse. Il n’est pas interdit de penser que « Youkou ! », le titre du 3ème chapitre, a quelque chose à voir avec le ukulélé de Philippe Katherine. En tout cas, ce comédien-chanteur très décalé avait vraiment toute sa place dans ce film attachant dans lequel l’absurde flirte avec l’émotion et qui a fait l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes lors du dernier Festival de Cannes.

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