Critique : L’Histoire de Souleymane (Deuxième avis)

0
161

L’Histoire de Souleymane

France – 2024
Réalisateur: Boris Lojkine
Scénariste: Boris Lojkine ; Delphine Agut
Casting: Abou Sangare ; Alpha Sow ; Nina Meurisse
Distributeur: Pyramide Distribution
Genre : Drame
Durée : 1h33 min
Date de sortie : 9 octobre 2024

4/5

Vous aurez tôt fait de lire, pour vous “teaser”, que l’histoire de Souleymane est un film “important”, que son histoire nous dit vraiment quelque chose sur notre société, qu’elle donne la parole à ceux qui ne l’ont pas. Encore et encore, j’aimerais vous recommander de la distance et de la prudence quant aux notions de vérité et d’influence au cinéma. Je crois qu’un film n’a pas le pouvoir d’affirmer quelque chose. Un film pose une question, présente des représentations éphémères et interroge la trace qu’elles ont laissé en nous. Heureusement, pour moi, l’histoire de Souleymane a ceci de très beau qu’elle ne crie pas, qu’elle raconte doucement. La confrontation d’un être si doux dans un monde si rapide et percutant m’a ouvert les oreilles pour entendre vraiment son histoire.

Synopsis : Tandis qu’il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d’asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n’est pas prêt.

J’avoue bien volontiers que ces dernières années un épuisement, voire une frustration m’a gagné face à certains drames dits “sociaux” quand ceux-ci présentaient des gentils et des méchants; pressés de distribuer les rôles. C’est qu’ils semblaient vouloir me rassurer à tout prix: “Tu es quelqu’un de bien/ tu comprends ce monde qui souffre/ toi au moins, tu n’es pas du côté des salauds”. Manquant souvent de précaution dans l’artifice de leur politique, ces spectacles pouvaient frôler dangereusement avec un didactisme que je déteste par-dessus tout au cinéma, tant il semble vouloir emprisonner mon imagination et en dicter les frontières.

C’est morcelé par l’émotion que je suis sorti vendredi dernier de l’avant première du film qui ne sortira en salles en Belgique que le 17 décembre prochain. L’émotion ne m’a pas quitté et j’aimerais vous encourager à voir en salles ce qui restera certainement comme un de mes grands moments de 2024.

Il m’a semblé voir quelque chose de novateur dans le film, qui a permis ma résonance avec lui.

C’est donc la possible renaissance d’une forme de drame que je croyais tellement recyclée qu’elle en devenait inopérante et qui trouve ici un souffle par l’artifice du son. Qui aurait dit qu’au lieu de noyer le drame sous les bruits impitoyables de la ville, l’on pouvait à l’inverse en taisant les bruits, nous rapprocher du personnage? Dans une douceur cotonneuse et rêveuse, Bros Lojkine ne nous hurle pas son message, qu’on croira d’ailleurs avoir trop vite compris pour que la fin vienne délivrer toute la complexité qui semblait manquer. Sans jamais d’agressivité, à l’image de Souleymane qui nous apparaît passif sur la première moitié, le film révèle toute sa détermination dans la deuxième.

Tout le discours du film ne se construit pas dans une confrontation, mais plutôt dans une ouverture de l’espace. Un drame qui n’est pas anxiogène mais plutôt une invitation à partager le cadre tous ensemble. Le fond et la forme de cette démarche de collectivité va atteindre une résonance tout à fait marquante pour moi dans la dernière scène du film, dont je me remets encore tout juste.

En respectant la complexité de tous ces personnages, “L’histoire de Souleymane” fait de son vrai sujet l’artifice narratif du cinéma, lieu du mensonge des images, qui ne bougent que dans notre œil pour imiter la vérité. Souleymane, comme le cinéma, c’est à la fois l’histoire qu’on raconte bien fort pour tout le monde et celle qu’on chuchote, tout doucement, juste pour les amis.

Conclusion

En respectant la complexité de tous ces personnages, “L’histoire de Souleymane” fait de son vrai sujet l’artifice narratif du cinéma, lieu du mensonge des images, qui ne bougent que dans notre œil pour imiter la vérité. Souleymane, comme le cinéma, c’est à la fois l’histoire qu’on raconte bien fort pour tout le monde et celle qu’on chuchote, tout doucement, juste pour les amis.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici