L’histoire de ma femme
Hongrie, Allemagne, Italie, France : 2021
Titre original : A feleségem története
Réalisation : Ildiko Enyedi
Scénario : Ildiko Enyedi, d’après le roman de Milán Füst
Interprètes : Léa Seydoux, Gijs Naber, Louis Garrel
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 2h49
Genre : Drame, Romance
Date de sortie : 16 mars 2022
3.5/5
Deux films ont particulièrement marqué la peu prolifique carrière de la réalisatrice hongroise Ildiko Enyedi : Mon XXe siècle, présenté dans la section Un Certain de Regard du Festival de Cannes 1989 et qui s’était vu décerner la Caméra d’Or ; Corps et âme, Ours d’Or du Festival de Berlin 2017. Pour la première fois de sa carrière, Ildiko Enyedi n’est pas l’autrice d’un scénario original pour son dernier film, L’histoire de ma femme. En effet, il s’agit d’une adaptation d’un roman portant le même titre écrit par son compatriote Milán Füst et publié en 1942. L’histoire de ma femme était en compétition au dernier Festival de Cannes.
Synopsis : Jakob est capitaine au long cours. Un jour, il fait un pari avec un ami dans un café : il épousera la première femme qui en franchira le seuil. C’est alors qu’entre Lizzy…
L’histoire d’un couple
Il arrive qu’un amour fou suive un chemin tortueux pour, d’abord, se concrétiser et, ensuite, s’égarer dans un sentiment malfaisant : une jalousie maladive. Prenez le cas de Jakob Störr : au cours d’une rencontre dans un café, ce capitaine au long cours, ce quadragénaire à qui on a dit que le mariage serait la meilleure solution pour le guérir de ses tourments physiques et psychologiques, annonce brutalement à son interlocuteur qu’il va épouser la première femme qui entrera dans l’établissement. Cette femme, c’est Lizzy et Jakob tient parole en se présentant auprès d’elle. A la fois perplexe et amusée par la proposition, Lizzy l’accepte assez rapidement. De sa part, intérêt ou coup de foudre ? De la part de Jakob, la naissance d’un sentiment amoureux tout à fait sincère. Le principal problème du couple, c’est que Jakob est toujours capitaine au long cours et, de ce fait, très souvent absent pour des périodes prolongées. Il sait, bien sûr, que, durant ces périodes, Lizzy ne reste pas cantonnée seule dans leur appartement parisien et il se persuade très vite que Lizzy le trompe régulièrement durant ses absences alors que lui-même, de son côté, a des tentations qu’il réfrène tant bien que mal. Si Lizzy le trompe, ce pourrait être, pense-t-il, avec Dedin, un de ses amis, un écrivain avec lequel Jakob a une relation très tendue. En fait, Jakob, qui impressionne par son calme et son professionnalisme lorsqu’il officie en tant que capitaine sur un bateau, est un homme que la vie en société, sur la terre ferme, a tendance à désarçonner.
Pas de lassitude pendant près de 3 heures
Coproduction entre la Hongrie, l’Allemagne, l’Italie et la France, film sur la jalousie tourné en langue anglaise par une réalisatrice hongroise et mettant sur le devant de la scène un trio constitué d’une comédienne française, d’un comédien néerlandais et d’un comédien français, le spectateur plein d’a priori se décidant quand même à aller voir L’histoire de ma femme pourra craindre de se retrouver face à un gros pudding tout aussi indigeste qu’international. Même si cet écueil n’est pas totalement évité, le talent, le professionnalisme de Ildiko Enyedi arrivent à écarter pour le spectateur toute forme de lassitude durant les 169 minutes que dure le film. Film sur la jalousie, certes, mais également film sur l’importance de la confiance mutuelle dans un couple, L’histoire de ma femme est déroulé sous la forme de 7 chapitres qui racontent l’évolution de la relation entre Jakob et Lizzy, chaque chapitre ayant un titre en relation avec cette évolution. Un procédé qui, mine de rien, devrait permettre d’éviter au film de recevoir le jugement qui, pour certains, représente l’infamie suprême : film académique ! De plus, la réalisatrice a l’habileté, tout au long du film, de laisser planer le doute quant à la sincérité des sentiments de Lizzy pour Jakob : alors que ce dernier est de plus en plus persuadé que sa femme le trompe allègrement, le spectateur a plutôt l’impression, sans en avoir la certitude absolue, que c’est lui qui se trompe et que sa femme l’aime vraiment.
Un excellent trio
En juillet dernier, Léa Seydoux faisait partie de la distribution dans 4 films présentés durant le Festival de Cannes : Tromperie d’Arnaud Desplechin en sélection Cannes Première et trois films en lice dans la compétition officielle; France de Bruno Dumont, The french dispatch de Wes Anderson et L’histoire de ma femme, dans lequel elle joue le rôle de Lizzy. Autant le jeu de Léa Seydoux était exagéré et sans véritable saveur dans France, autant il s’avère convaincant dans L’histoire de ma femme. Une métamorphose qu’on peut attribuer à la différence dans la direction des comédiens entre Bruno Dumont et Ildiko Enyedi ! Jouant le rôle de Jakob, le mari de Lizzy, on connait peu le comédien néerlandais Gijs Naber, un comédien dont le physique et le jeu font penser au danois Mads Mikkelsen. Tout comme Léa Seydoux, on voit beaucoup Louis Garrel sur les écrans en ce moment. Il est ici Dedin, l’ami de Lizzy en qui Jakob voit un amant potentiel de sa femme et force est de reconnaitre qu’il habite très bien son rôle. Quant au Directeur de la photographie, Marcell Rév, auteur d’une belle photographie, il est également hongrois et il a travaillé avec Barry Levinson, avec son fils Sam Levinson et sur 2 films de Kornél Mundruczó, White God et La lune de Jupiter.
Conclusion
On pourrait craindre le pire face à ce film de 2 h 49 et très international dans sa production, sa réalisation et sa distribution. Heureusement, la réalisatrice hongroise Ildiko Enyedi a su rendre très digeste ce film sur la jalousie et sur l’importance de la confiance au sein d’un couple. En têtes d’affiche, on trouve Gijs Naber, un comédien néerlandais qu’on connait peu, aux côtés de Léa Seydoux et de Louis Garrel, que, par contre, on connait bien ! Ils sont excellents tous les trois.