Critique : Les Trois mousquetaires Milady

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Les Trois mousquetaires Milady

France, 2023
Titre original : –
Réalisateur : Martin Bourboulon
Scénario : Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte, d’après le roman de Alexandre Dumas
Acteurs : François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris et Pio Marmaï
Distributeur : Pathé
Genre : Aventures
Durée : 1h55
Date de sortie : 13 décembre 2023

3/5

A chaque époque son adaptation du célèbre roman de Alexandre Dumas. Avec ses particularités contemporaines et son aspiration d’être fidèle à l’histoire chevaleresque des quatre mousquetaires, tout en la remettant au goût du jour. A ce niveau-là, Les Trois mousquetaires Milady remplit plus que convenablement son contrat. Le film de Martin Bourboulon déborde d’action, d’intrigues machiavéliques et d’une camaraderie entre hommes qui sait saupoudrer l’héroïsme à l’état pur du récit d’une très fine couche d’ironie.

Bref, c’est un film à grand spectacle comme on n’en fait malheureusement plus trop dans notre cher pays en particulier et en Europe en général. En même temps – et excusez-nous notre ignorance littéraire –, cette aventure dispose de tous les aspects d’une œuvre de transition. Comme s’il restait encore plein de choses à raconter sur l’amour tragique de D’Artagnan, la vengeance terrible de Athos, ainsi que les futures vies respectives d’homme du clergé et de mari braillard de Aramis et Porthos.

Sauf que la prochaine dose d’épopée dans la grande tradition française changera quelque peu de cadre, à travers la sortie du Comte de Monte-Cristo avec Pierre Niney qui vient d’être avancée à fin juin de cette année-ci. Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte, seulement scénaristes ici, en assureront également la réalisation. Espérons-le avec le même panache et un peu moins de superficialité que ce volet-ci, aux multiples rebondissements certes, mais sans véritable souffle épique, ni envergure romanesque.

Dans toute sa splendeur technique, on croirait en effet assister à une série de luxe sur grand écran, dans laquelle les personnages pullulent et les coups de théâtre savamment rythmés ponctuent un récit quasiment dépourvu de temps mort. Or, c’est justement du côté de cette frénésie jamais à court de souffle que réside peut-être la légère faiblesse la plus marquante de ce film divertissant. Car en se refusant le moindre temps de réflexion, le récit brasse très large, là où un éventail moins ample d’intrigues aurait sans doute été préférable.

© 2023 Julien Panié / Chapter 2 / M6 Films / Pathé Distribution Tous droits réservés

Synopsis : En 1627, le jeune mousquetaire D’Artagnan n’a qu’un objectif en tête : retrouver sa bien-aimée Constance, enlevée à la suite d’un attentat commis contre le roi Louis XIII. Toutefois, la prisonnière qu’il libère du château du comte de Chalais n’est pas l’ancienne dame de compagnie de la reine, mais la mystérieuse Milady. Celle-ci complote pour le compte du cardinal Richelieu, quitte à devenir la cible préférée des camps catholiques et protestants qui s’affrontent à La Rochelle, dans ce qui risque de devenir une nouvelle guerre de religion. Pendant ce temps, le sage Athos doit prendre congé de son jeune fils pour repartir en campagne et le fougueux Aramis recherche l’homme qui aurait mise enceinte sa sœur Mathilde, prête à entrer dans les ordres.

© 2023 Ben King / Chapter 2 / M6 Films / Pathé Distribution Tous droits réservés

En guise de support de vulgarisation de l’Histoire ancienne de la France, on pourrait certainement imaginer pire que Les Trois mousquetaires Milady. Rien que grâce à l’accent qui y est mis sur l’effort physique et par conséquent l’héroïsme des acteurs, ainsi que sur un esprit de solidarité entre soldats qui constitue la colonne vertébrale du roman de Alexandre Dumas, bon nombre de jeunes spectateurs y trouveront de quoi s’identifier, voire de découvrir leur intérêt pour un passé lointain. Sans oublier l’inévitable retour aux sources littéraires de l’histoire, c’est-à-dire la remontée cyclique des ventes du texte original.

Après, est-ce bien suffisant pour justifier tous ces moyens engagés, afin de rendre plus accessible un récit qui avait bercé l’enfance de multiples générations successives de lecteurs ? Toujours est-il que de nouvelles adaptations de cette légende populaire n’apparaissent que tous les vingt ou trente ans. Ce qui veut dire que notre époque est en quelque sorte contrainte de se définir à travers celle-ci.

Une définition qui passe avant tout par le motif de la fuite en avant. Inutile de compter les plans de cavaliers chevauchant à travers des paysages pittoresques ou ceux où François Civil et ses compères foncent à toute allure vers le prochain foyer de danger : il n’y a pratiquement que cela au fil des près de deux heures de récit. Ce mouvement perpétuel – un peu trop souvent à la limite de la frénésie qui s’alimente elle-même – emmène tout sur son passage. Attention, nous n’avons pas écrit qu’il l’écrase ! Parce que malgré tout, nos codes de lecture contemporains nous ont parfaitement préparés à pareil rythme déchaîné.

Il est alors juste dommage que la mise en scène n’ait pas trouvé le temps d’y aménager quelques parenthèses plus mesurées. Elles auraient pu être susceptibles de nous faire ressentir de vraies émotions pour les personnages, au lieu de les suivre dans leur course folle vers une fin, qui n’en est pas tout à fait une.

© 2023 Julien Panié / Chapter 2 / M6 Films / Pathé Distribution Tous droits réservés

La structure condensée du récit oblige en effet à faire passer sans s’attarder des pans entiers de l’histoire, potentiellement riches d’un manichéisme moins sommaire que celui dans lequel baigne le ton du film. Bien sûr, Louis Garrel et Vicky Krieps en couple royal sont parfaitement à même d’exprimer au cours d’apparitions éclair tout le poids de responsabilité et de fragilité hiérarchique qui pèse sur eux. Ils sont plutôt bien entourés par Ralph Amoussou en nouveau venu parmi les mousquetaires à l’autorité naturelle et par Julien Frison en frère du roi et suprême comploteur. Toutefois, cette partie de l’intrigue demeure presque à l’état embryonnaire, tant les frasques des héros occupent la scène. A moins que ce ne soit, au contraire, la synergie assez bancale de ces derniers, qui nous fait regretter le traitement expéditif d’un fond historique des plus complexes …

Participer à une production d’envergure, de surcroît en deux volets, basée sur un univers étroitement lié à la culture française, quoi de mieux pour asseoir son prestige en tant qu’acteur, n’est-ce pas ? Le calcul ne s’avère guère payant pour les quatre mousquetaires sans peur, ni inhibition. Ils subissent tous ce que l’on pourrait appeler le syndrome Astérix, à savoir leur intégration corps et âme dans un contexte de fiction si connu, qu’aucun trait de personnalité n’en ressort indemne.

Cela vaut autant pour François Civil, globalement convenable comme jeune premier ardent quoique sensiblement moins charmant que dans la plupart de ses films antérieurs, que pour Vincent Cassel, le vieux sage de la bande, qui fait le job, comme on dit, mais sans réinventer ce personnage à l’autorité crépusculaire. Quant à Romain Duris et Pio Marmaï, ils s’en sortent encore un peu moins bien, réduits respectivement à de la bouffonnerie sympathique et à de la figuration à peine améliorée.

Et si, dans cette décharge incessante de testostérone cinématographique, le meilleur rôle revenait en fin de compte aux femmes ? On n’ira pas jusqu’à proclamer Les Trois mousquetaires Milady manifeste féministe. Pourtant, seules Eva Green en dragon malveillant et Lyna Khoudri en innocente malmenée parviennent à y incarner un peu plus que des personnages fortement stéréotypés. Pas étonnant, dès lors, que leur sort n’a rien d’enviable, sans réellement ébranler l’édifice patriarcal sur lequel était fondé à l’époque de Dumas le monde dans son ensemble. Ce qui démontre de même que la relecture contemporaine d’histoires maniables au fil du temps n’est pas encore tout à fait prête à sauter ce pas important.

© 2023 Julien Panié / Chapter 2 / M6 Films / Pathé Distribution Tous droits réservés

Conclusion

Le deuxième volet de l’adaptation du célèbre roman de Alexandre Dumas par De La Patellière, Delaporte et Bourboulon ne relève ni du sacrilège, ni du coup de maître insoupçonné. Les qualités et les défauts des Trois mousquetaires Milady se situent quelque part entre ces deux extrêmes. A l’image d’un film ayant clairement opté pour l’action musclée et au demeurant raisonnablement exécutée, au détriment d’une posture plus posée et romanesque. Tous les participants s’en sortent avec les honneurs, même si une telle distribution prestigieuse nous avait donné l’espoir d’interactions un peu plus substantielles que l’éternelle rengaine du combat à la vie, à la mort.

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