Critique : Les oiseaux de passage

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Les oiseaux de passage

Colombie, Danemark, Mexique : 2018
Titre original : Pájaros de verano
Réalisation : Ciro Guerra, Cristina Gallego
Scénario : Maria Camila Arias, Jacques Toulemonde
Interprètes : José Acosta, Carmiña Martínez, Jhon Narváez
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 2h05
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 10 avril 2019

3.5/5

Lorsque, en 2015, L’étreinte du serpent est arrivé à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, il s’agissait du 3ème long métrage du réalisateur colombien Ciro Guerra. Curieusement, le deuxième, Les voyages du vent, probablement le meilleur, n’est jamais sorti dans notre pays. Par contre L’étreinte du serpent a vraiment lancé la carrière internationale de Ciro Guerra  et il est revenu à Cannes l’an dernier, avec Les oiseaux de passage, film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, réalisé avec Cristina Gallego, son épouse et la productrice de ses 2 films précédents.

Synopsis : Dans les années 1970, en Colombie, une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l’honneur des familles tente de résister à l’avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C’est la naissance des cartels de la drogue.

Une dot exorbitante

A l’extrême nord de l’Amérique du Sud, à cheval sur la Colombie et le Venezuela, la péninsule de Guajira est une région désertique qui abrite le peuple indigène des Wayuus, une société matriarcale organisée en clans. C’est dans un épisode très particulier de l’histoire de ce peuple que nous introduit Les oiseaux de passage, la « bonanza marimbera », une période d’exportation de marijuana vers les Etats-Unis entre 1970 et 1980.

Au début, était une histoire d’amour, une histoire de mariage. Alors que, dans un village,  se déroule une danse de la yonna, danse pleine de couleur dans laquelle l‘homme représente le vent et les femmes la force, un jeune homme, Rapayet, annonce à Zaida, sa cousine, qu’il souhaite l’épouser. Problème : la dot exigée par les futurs beaux-parents, les chefs du clan, est exorbitante : des chèvres, des vaches, des colliers en grande quantité. Pour arriver à satisfaire leur demande, Rapayet ne voit qu’une solution : se lancer avec son associé Moisés dans le trafic de marijuana en se  mettant en cheville avec des « gringos ». Un trafic qui va apporter un monticule d’argent, mais aussi une montagne de gros soucis, surtout après que Leonidas, le frère de Zaida, ait initié une véritable guerre avec un clan voisin en se rendant coupable d’une action particulièrement condamnable.

Film poétique et film noir

Comme dans L’étreinte du serpent, Ciro Guerra, cette fois-ci en collaboration avec Cristina Gallego, son épouse, nous invite à assister à la rencontre de populations indigènes de la Colombie, très peu touchées dans le passé par le colonialisme ibérique, avec une autre forme de colonialisme, celui organisé par les Etats-Unis. Toutefois la Colombie est vaste et la nature y est protéiforme : alors que L’étreinte du serpent se déroulait dans la jungle exhubérante de l’Amazonie, c’est dans la région désertique de la péninsule de Guajira que se déroule Les oiseaux de passage. C’est en 2006 et 2007, en faisant des repérages dans cette région pour Les voyages du vent, dont une scène, déjà, se déroulait durant la « bonanza marimbera », que les premiers contacts ont été pris par les deux réalisateurs avec les populations locales. Des contacts qui leur ont permis de constater que les codes culturels des Wayuus avaient de nombreux points communs avec ceux de la mafia. Les oiseaux de passage est le fruit de cette constatation, tout à la fois un film sur la naissance des cartels de la drogue, un film montrant les ravages causés par une recherche exacerbée du profit, un film mélangeant rites ancestraux et comportements mafieux, film poétique et film noir, un film se déroulant dans un désert d’Amérique du Sud, avec une guerre entre des clans indigènes devenus rivaux reprenant les schémas des guerres new-yorkaises entre des clans mafieux tels qu’on les connait au travers des films de Martin Scorsese.

Des comédiens professionnels et des non professionnels

Au départ, les réalisateurs avaient en tête de ne faire tourner que des comédiens originaires de la péninsule de Guajira. D’un autre côté, s’imposait pour eux la présence de comédiens professionnels pour les rôles principaux. Très vite, il leur a bien fallu se rendre à l’évidence : il n’y a pas de comédiens professionnels parlant la langue des Wayuus. Au final, le casting mélange comédiens professionnels et non professionnels, certains des comédiens professionnels, tels José Acosta (Rapayet) et Carmiña Martínez (Ursula, la matriarche du clan) étant bien originaires de la péninsule de Guajira. Quant à la très belle photo, on la doit à David Gallego, déjà présent sur L’étreinte du serpent.

Conclusion

Dans les deux films précédents de Ciro Guerra, Les voyages du vent et L’étreinte du serpent, son épouse Cristina Gallego était créditée en tant que productrice mais elle y jouait déjà un rôle important dans le processus de création. Dans Les oiseaux de passage, un pas supplémentaire a été franchi : c’est ensemble que Ciro et elle ont réalisé ce film. Arriver à faire cohabiter dans un même film une approche ethnologique concernant un peuple autochtone d’Amérique du Sud et les schémas d’un film de gangsters « à la Scorsese » n’avait rien d’évident au départ. On peut considérer que la réussite est presque totale.

 

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