Critique : Les moissonneurs

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Les moissonneurs

Afrique du Sud : 2018
Titre original : Die Stropers
Réalisation : Etienne Kallos
Scénario : Etienne Kallos
Interprètes : Brent Vermeulen, Alex van Dyk, Juliana Venter
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h46
Genre : Drame
Date de sortie : 20 février 2019

4/5

C’est à 46 ans que le gréco-sud africain Etienne Kallos réalise son premier long métrage, après plusieurs court-métrages appréciés dans de nombreux festivals. Les moissonneurs faisait partie de la sélection Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes.

Synopsis : Afrique du Sud, Free State, bastion d’une communauté blanche isolée, les Afrikaners. Dans ce monde rural et conservateur où la force et la masculinité sont les maîtres-mots, Janno est un garçon à part, frêle et réservé. Un jour, sa mère, fervente chrétienne, ramène chez eux Pieter, un orphelin des rues qu’elle a décidé de sauver, et demande à Janno de l’accepter comme un frère. Les deux garçons engagent une lutte pour le pouvoir, l’héritage et l’amour parental.

L’arrivée d’un nouveau « frère »

L’Afrique du Sud, en pleine « ceinture biblique » du pays, un monde rural en plein cœur de la culture afrikaner. A l’horizon, ce ne sont que champs de maïs, fermes et églises, beaucoup d’églises. Dans une de ces fermes, Jan et Marie forment une famille très pieuse, avec leur fils Janno, un adolescent,  et les enfants de leur fille, morte jeune. Dans cette famille, il est indispensable de prier. C’est ainsi que, pour le père, si un enfant a des cauchemars, c’est qu’il n’a pas prié avant de se coucher. Quant à la mère, elle affirme sereinement que, sur terre, « on n’est pas là pour comprendre, on est là pour croire ».

Un beau jour, la famille accueille Pieter, un adolescent orphelin un peu plus jeune que Janno, un enfant qui avait été abandonné par une mère prostituée dès l’âge de 13 ans et qui s’était retrouvée enceinte à 15 ans. Beaucoup plus que Jan, c’est Marie qui a voulu adopter ce gamin, dans le but de le sauver. Il s’avère que, ce faisant, elle n’a pas imaginé le trouble que l’arrivée de ce « frère » au caractère et au comportement particulièrement difficiles et qui n’hésite pas à fréquenter le monde de la nuit dès qu’il le peut, va entraîner chez Janno, gros travailleur, très obéissant, mais également fragile et qu’on sent taraudé par des tendances homosexuelles.

Les rapports difficiles entre deux « frères »

Bien que dorénavant installé aux Etats-Unis, Etienne Kalos a tenu à réaliser son premier long métrage dans son pays d’origine et il a choisi de s’intéresser plus particulièrement à une famille de fermiers afrikanders. Des représentants de cette population blanche arrivée en Afrique du Sud  au milieu du 17ème siècle, population très pieuse et qui s’exprime en afrikaans, une langue très proche du néerlandais. Une population qui, dans sa majorité, s’est opposée très longtemps à la fin de l’apartheid et qui vit dans la peur depuis son abrogation : peur d’être expropriée de ses terres en faveur de la majorité noire, peur face aux meurtres dont ils sont, parfois, les victimes.

C’est dans ce contexte que Etienne Kalos a placé les rapports entre deux adolescents dont une mère adoptive veut faire deux frères. Janno voudrait entrainer Pieter vers les vertus du travail et vers la religion, Pieter entraine Janno dans la « vraie vie », dans un lieu où on rencontre des noirs et des chinois, où on entend de la musique et où on danse. C’est lorsque Pieter revient, apparemment métamorphosé, d’un camp d’été de rééducation que la situation devient intenable pour Janno, jaloux de voir ses parents porter davantage d’attention à Pieter qu’à lui-même, inquiet sur son avenir au sein de sa famille.

Beaucoup de souffle dans ce film

La beauté des paysages du Free State, magnifiée par le Directeur de la photographie polonais  Michal Englert, l’atmosphère qu’il a créée avec le réalisateur, le grand souffle qu’on ressent lors de la projection, tout cela rappelle les  films réalisés par Peter Weir, Bruce Bereford ou Gillian Armstrong à la grande époque du cinéma australien,  dans les années 80.

Le côté très conservateur de la société afrikaner a rendu difficile le casting des deux adolescents, dont le réalisateur tenait à ce qu’ils aient l’âge de leurs rôles. C’est seulement 10 jours avant le tournage que le choix s’est porté sur Brent Vermeulen, un citadin fan de hip-hop, pour interpréter Janno et sur Alex Van Dyk, fils de fermiers de la région du Cap, pour le rôle de Pieter. Dans le rôle des « parents » de ces deux « frères », on trouve Juliana Venter (Marie), qui a surtout tourné dans des téléfilms, et Morne Visser (Jan), qu’on a vu récemment tenant le rôle de Hansi Coetzee dans Forgiven de Roland Joffé. Une interprétation globalement très solide !

Conclusion

Le cinéma sud-africain apparait peu souvent sur nos écrans, d’autant plus s’agissant de films dans lesquels on parle majoritairement en afrikaans. Ce premier long métrage de Etienne Kalos est une très belle réussite, aussi bien au niveau du thème abordé, les rapports entre deux adolescents que tout sépare a priori et dont on veut faire deux frères, que de la beauté des images et de la qualité de l’interprétation.

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