Critique : Les filles d’Avril

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Les filles d’Avril

Mexique : 2017
Titre original : Las hijas de abril
Réalisation : Michel Franco
Scénario : Michel Franco
Acteurs : Emma Suárez, Ana Valeria Becerril, Enrique Arrizon
Distribution : Version Originale / Condor
Durée : 1h34
Genre : Drame
Date de sortie : 19 juillet 2017

3.5/5

A 38 ans, le réalisateur mexicain Michel Franco peut déjà être considéré comme un vieux routier du Festival de Cannes : ses débuts sur la Croisette datent de 2009, avec Daniel & Ana, son premier long métrage, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. En 2012, Después de Lucía obtient le Prix du Jury de la sélection Un Certain Regard. En 2015, c’est la consécration avec Chronic : sélectionné pour la compétition officielle, ce film obtient le Prix du scénario. Cette année, il était de nouveau à Cannes, dans la sélection Un Certain Regard, avec Les filles d’Avril, et à la clé, de nouveau, le Prix du Jury.

Synopsis : Valeria est enceinte, et amoureuse. A seulement 17 ans, elle a décidé avec son petit ami de garder l’enfant. Très vite dépassée par ses nouvelles responsabilités, elle appelle à l’aide sa mère Avril, installée loin d’elle et de sa sœur. À son arrivée, Avril prend les choses en mains, et remplace progressivement sa fille dans son quotidien… Jusqu’à franchir la limite.

Un début de film inhabituel pour Michel Franco, mais, la suite …

C’est avec un sentiment de surprise qu’on entre dans Les filles d’Avril, le nouveau film du mexicain Michel Franco : connaissant l’œuvre de cette sorte de Haneke mexicain, on s’étonne qu’un tel sentiment de douceur envahisse le début du film. Que lui est-il donc arrivé ? C’est ainsi qu’on rencontre Valeria, une jeune fille de 17 ans qui vit avec sa sœur Carla, une jeune femme neurasthénique dont le seul but dans l’existence semble être de perdre du poids. Détail important : Valeria s’est retrouvée enceinte des œuvres de son petit ami Mateo et le jeune couple a tenu à garder le bébé. Serions nous donc partis vers la peinture gentillette des problèmes rencontrés par un très jeune couple avec  l’arrivée inattendue d’un enfant ? Eh bien non, car Michel Franco, visiblement, s’est amusé à nous prendre en traitre et, petit à petit, par touches progressives, il va redevenir le Michel Franco que l’on connait, le Michel Franco qu’on aime … ou qu’on n’aime pas !

Pour ce faire, Michel Franco va convoquer Avril, la mère de Carla et de Valeria. Carla est née lorsque Avril avait 17 ans : cette dernière est donc particulièrement bien placée pour conseiller Valeria, sa seconde fille. Toutefois, cette femme, dont l’âge doit tourner autour de 50 ans et qui semble psychologiquement normale à première vue, n’aurait-elle pas un petit grain dans la tête ? Un manque de maturité ? Le désir de se croire toujours jeune ? Une certaine jalousie vis-à-vis de sa fille Valeria, qui vit un amour partagé avec un un beau jeune homme et qui va avoir la chance de se retrouver mère d’un beau bébé, qui sera prénommé Karen ? Lorsque vous mettez une telle femme devant la caméra de Michel Franco, vous pouvez vous attendre à voir arriver des actes que l’on qualifiera, pour faire court, de pervers. C’est bien sûr ce qui arrive et … pas question d’en dire davantage, ce serait dommage !

 

Au départ, deux observations

L’idée de l’histoire racontée dans Les filles d’Avril est venue à Michel Franco de deux observations : tout d’abord, la rencontre dans la rue d’une adolescente enceinte qui lui est apparue comme, à la fois, pleine d’espoir et terrorisée à l’idée d’affronter les conséquences de son futur accouchement ; ensuite, l’observation faite couramment des relations conflictuelles que certains parents ont avec leurs enfants, en particulier lorsqu’ils refusent le fait de vieillir. A partir de ces points de départ, on peut faire confiance à Michel Franco pour construire un film dérangeant sans jamais être glauque, un film qui, jusqu’au bout, va réserver son lot de surprises.

Si, dans ses films, Michel Franco cherche presque toujours à confronter les spectateurs à des aspects déviants de l’âme humaine, on le voit rarement s’intéresser aux aspects sociaux des histoires qu’il raconte. Certes, dans Les filles d’Avril, on comprend que la situation matérielle des deux sœurs et de Mateo n’est pas des plus brillantes mais cela est vite oublié et le film évolue toujours dans un environnement très « classe aisée », que ce soit à Puerta Vallerta ou à Mexico.

 

Julieta devient Avril

Ayant envisagé dans un premier temps de réaliser Les filles d’Avril aux Etats-Unis, Michel Franco a conservé de cette idée de départ le fait de faire jouer le rôle d’Avril par une actrice étrangère. Il a préféré qu’elle soit hispanophone et son choix s’est porté sur la comédienne espagnole Emma Suárez, Julieta à l’âge de 50 ans dans le film d’Almodovar. Rien à redire : elle traduit parfaitement toutes les ambigüités du personnage qu’elle interprète. Les autres comédiens sont très loin d’avoir la notoriété d’Emma Suárez, mais on ne les sent absolument pas écrasés par la présence de cette grande actrice à leurs côtés. Quant à la photo, on la doit au belge Yves Cape, déjà présent sur Chronic.

Conclusion

Michel Franco est un réalisateur qu’on retrouve toujours avec plaisir. Dans Les filles d’Avril, il commence par nous surprendre en ne montrant que des gens « anormalement normaux » pendant de nombreuses minutes. Mais on ne perdait rien pour attendre et la suite, connaissant l’individu, est à la hauteur de nos espérances, avec une très grande Emma Suárez dans le rôle principal.

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