Les Choses humaines
France, 2021
Titre original : –
Réalisateur : Yvan Attal
Scénario : Yaël Langmann et Yvan Attal, d’après le roman de Karine Tuil
Acteurs : Ben Attal, Suzanne Jouannet, Charlotte Gainsbourg et Mathieu Kassovitz
Distributeur : Gaumont
Genre : Drame judiciaire
Durée : 2h19
Date de sortie : 1er décembre 2021
3/5
Quel type de procès Yvan Attal compte-t-il faire avec son nouveau film ? Celui d’une masculinité désormais en crise, qui se croyait tout permis et qui a du mal à s’adapter à la nouvelle donne de la parole libérée des femmes ? Celui de cette dernière, justement, qui – à force d’avoir été ignorée pendant si longtemps – peut avoir tendance à se déchaîner brutalement ? Ou bien, dans une sorte d’amalgame entre ces deux points de vue opposés, le propos du film viserait-il à tendre plus globalement la glace à notre civilisation contemporaine, si prête au jugement sommaire ?
Il y a un peu de tout cela dans Les Choses humaines. Car le septième long-métrage du réalisateur cherche certes la polémique, avec son sujet hélas bien dans l’air du temps. Simultanément, le récit a fort à faire pour éviter de pointer bêtement le doigt vers une culpabilité présumée, un risque récurrent du genre formaté du film à procès.
Le principal enjeu de l’intrigue n’est ainsi pas nécessairement de prouver les intentions malveillantes de l’accusé. Aucune satisfaction ne découle par conséquent de l’annonce du jugement au bout de deux heures et quart de film. La narration s’emploie davantage à mesurer les dégâts collatéraux causés par cette affaire sordide. Il en résulte un récit à mi-chemin entre la subtilité de l’approche et la frilosité de prendre clairement position. Contrairement au récent La Fille au bracelet de Stéphane Demoustier, dont le regard presque froid sur la mise en examen d’une adolescente pour meurtre avait plutôt su nous subjuguer, la distance affective et morale envers les faits est foncièrement variable ici. Tout un chacun y a donc voix au chapitre, avec tout ce que cela implique en termes de confessions pathétiques et autres constats sur l’état du monde et des mœurs en France.
Synopsis : Un étudiant brillant promis à un avenir radieux aux États-Unis, Alexandre Farel revient en France, afin d’assister à une remise de prix à son père Jean, célèbre présentateur de télévision. Puisque ce dernier reste toujours aussi indisponible, son fils passe la soirée avec sa mère Claire, une essayiste féministe, et son nouveau compagnon Adam. La fille adolescente de ce dernier, Mila, se joint à eux et finit par accompagner Alexandre à une fête d’étudiants bien arrosée. Le lendemain matin, la police judiciaire débarque dans l’appartement luxueux des Farel pour procéder à une perquisition et placer Alexandre en garde à vue, suite au dépôt de plainte par Mila pour viol.
Un petit garçon gentil
Malgré tous les efforts valeureux pour nuancer le propos par la suite, le fait de commencer l’intrigue par le point de vue de lui et non sa version à elle en dit long sur les intentions supposées de Les Choses humaines. Rien d’anormal hélas à cette suprématie du discours masculin, tacitement admise, ni à cette piste d’identification tracée d’emblée dont l’effet pervers est de voir dès lors des victimes partout. Sans oublier le petit détail, guère sans importance, que le rôle clé du jeune prodige, précipité de son piédestal de privilège, est interprété par Ben Attal, le fils du réalisateur. Un choix de casting heureusement assez probant, d’autant que la réserve à la fois distinguée et arrogante du personnage entre dans un rapport d’opposition nullement manichéen avec le jeu plus à fleur de peau de Suzanne Jouannet dans le rôle de celle par qui le scandale arrive. www.newcasinos-au.com/casinos/minimum-deposit
Un scandale qui ne tarde pas à ébranler ce beau monde de l’intelligentsia médiatique jusque dans ses fondations. Toutefois, cette dégringolade sociale ou tout au moins celle de la réputation s’opère d’une manière un peu trop schématique. L’intervention à la radio du personnage de la mère, habitée avec une intensité théâtrale par Charlotte Gainsbourg – vous l’aurez deviné, la mère de Ben Attal dans la vie –, a ainsi pour vocation de préparer le terrain à sa prise de conscience douloureuse que tous ces beaux discours passent à la trappe, une fois que son propre enfant sera mis sur le banc des accusés. De même, le personnage du père, Pierre Arditi en grand seigneur du petit écran sur le déclin, sert avant tout à colporter les préjugés de la vieille garde sur la gent féminine, quitte à devenir persona non grata de l’environnement médiatique soi-disant éclairé.
Une justice sans états d’âme
Dans ce jeu de l’opposition sociale optimale, également à l’œuvre du côté de la famille de Mila, les instances judiciaires prennent une fonction vaguement régulatrice. Elles suivent en quelque sorte un cours plus long que le temps du film. D’où cette coupure narrative béante de près de trois ans entre la mise en accusation et le procès. Et elles ne font qu’exacerber les prises de position hâtives et les frictions au sein d’un microcosme qu’on aurait pu croire à peu près fonctionnel au début du film. Plus rien ne demeure en effet de la belle entente initiale. Surtout pas le couple en apparence si fusionnel que Claire formait alors avec le père de Mila, Mathieu Kassovitz une fois de plus abonné à l’emploi du géniteur aussi bienveillant qu’impulsif.
Ce mode désincarné des rouages de la justice devient largement apparent lors de la dernière partie du film. Bien qu’il vaille mieux faire abstraction du montage en parallèle par intermittence de l’action de la nuit fatidique et des plaidoiries enflammées de la part des avocats – Judith Chemla contre l’accusé et Benjamin Lavernhe en sa faveur –, ce dernier chapitre a l’avantage de ramener la polémique au niveau salutaire des faits. Or, tout le dilemme de l’appréciation légale se trouve là, il existe effectivement une zone importante de gris dans ce genre d’affaire d’agression sexuelle.
Un problème que ni le scénario, ni la mise en scène ne cherchent à résoudre à tout prix. Peu importe alors, en fin de compte, si Alexandre va être condamné ou pas, Les Choses humaines a d’ores et déjà contribué de façon adéquate à cette thématique brûlante, en en soulevant sans cesse sa nature première, faite d’un tas de contradictions subjectives.
Conclusion
Il ne nous viendrait jamais à l’esprit de traiter Les Choses humaines de grand film moral. Néanmoins, Yvan Attal sait y interroger pas sans finesse les mécanismes du jugement collectif, qui prennent malheureusement trop souvent le pas sur les rouages lents et pesants de la justice française. En dépit de sa facture un peu trop sage, voire sèchement académique au cours du procès final, et du soupçon persistant de népotisme, il s’agit d’un film en quête d’une vérité qu’il sait pertinemment hors de sa portée. Est-ce de la lucidité de la part du réalisateur ou un effet annexe nullement prémédité ? Cela nous importe peu finalement, face à un film sachant rester constamment à deux doigts de la provocation gratuite.