Critique : L’enfant rêvé

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L’enfant rêvé

France : 2020
Titre original : –
Réalisation : Raphaël Jacoulot
Scénario : Raphaël Jacoulot
Interprètes : Jalil Lespert, Louise Bourgoin, Mélanie Doutey
Distribution : Paname Distribution
Durée : 1h47
Genre : Romance, Drame
Date de sortie : 7 octobre 2020

3.5/5

Depuis 2005, un long métrage tous les 5 ans : Raphaël Jacoulot est un réalisateur qui tourne peu. Pour son 4ème film, il a posé sa caméra dans sa région d’origine, la Franche-Comté, dans une nature magnifique qu’il connait bien, celle du Jura français. En partant de la description du désir de paternité, il a étendu son propos au comportement déboussolé d’un homme qui n’en peut plus de voir ses choix de vie constamment dictés par d’autres. 

Synopsis : Depuis l’enfance, François a consacré sa vie au bois. Celui des arbres des forêts du Jura, qu’il connait mieux que personne. Il dirige la scierie familiale avec sa femme Noémie, et tous deux rêvent d’avoir un enfant sans y parvenir. C’est alors que François rencontre Patricia, qui vient de s’installer dans la région. Commence une liaison passionnelle. Très vite, Patricia tombe enceinte. François vacille…

L’enfant rêvé existe-t-il ?

« L’enfant dont vous rêvez n’existe pas ». C’est ce que s’entendent dire François et Noémie Receveur lors d’un entretien avec une assistante sociale venue visiter leur lieu d’habitation dans le cadre d’une procédure d’adoption. Depuis qu’ils ont fait connaissance, très jeunes, François et Noémie Receveur ont toujours voulu avoir un enfant. Malheureusement pour eux, toutes les tentatives ont été vaines malgré le passage par la PMA. Noémie ne supportant plus les piqures de la stimulation ovarienne, elle a décidé de mettre tout le monde devant le fait accompli en parlant d’adoption au cours d’une réunion familiale, sans même en avoir parlé auparavant avec son mari. Comme, en plus, les conditions économiques difficiles de la filière bois ont fait que Noémie a dû injecter de l’argent personnel dans la scierie qu’ils exploitent tous les deux, devenant de ce fait majoritaire dans une entreprise dont les origines se trouvent dans la famille de François, ce dernier prend conscience une fois de plus qu’il n’a pas de prise sur ses choix de vie, que d’autres décident pour lui : par exemple, cette scierie dont son père lui a donné les clés, avait-il rêvé d’en reprendre l’exploitation, lui qui, certes, aime la forêt et les arbres, mais n’a pas du tout l’étoffe d’un entrepreneur ?

Cet enfant dont il rêve, ou, plus exactement, ce fils dont il rêve, peut-il le trouver par l’adoption ? Son véritable désir n’est-il pas celui d’un enfant dont il serait le père biologique, un fils à qui il transmettrait son amour de la forêt, un fils qu’il appellerait Lucien, en souvenir de son grand-père. Et voilà que, dans le cadre de l’adoption, on lui pose plein de questions sur les raisons de ce désir d’enfant, qu’on lui demande « quand vous vous imaginez avec votre enfant, vous voyez quoi ? ». Des questions qui l’amènent à s’interroger sur lui-même, sur son propre parcours. Et voilà que, dans cette période de doute et d’interrogations, arrive dans sa vie Patricia, une femme venant de la ville, mariée, mère de deux enfants, avec qui l’attirance mutuelle est quasiment instantanée et qui, en plus, se retrouve très vite enceinte.

Un drame va arriver : quand ? où ? qui ?

Une scierie avec tout ce matériel potentiellement source de blessures graves, la forêt, source de beauté et de calme, avec ses mélanges d’ombre et de lumière mais qui peut parfois se révéler très inquiétante, tous les ingrédients sont dès le départ présents dans le film de Raphaël Jacoulot pour instiller une certaine tension chez le spectateur. Un drame va finir par arriver, c’est sûr, mais quand, dans quelles conditions, qui touchera qui ? D’autant plus que les précautions prises par François et Patricia pour cacher leur liaison au reste du monde et, en particulier, à leurs conjoints respectifs sont pour le moins très légères. Certes, cette absence de filtre sérieux est nécessaire pour aboutir à la conclusion du film, mais cela fait partie des 3 ou 4 « petites » invraisemblances qu’on remarque dans le film. Toutefois, la plus importante se trouve sans doute dans la certitude qu’affiche Patricia quant à qui attribuer la paternité de l’enfant qu’elle commence à porter : François ! En effet, comment Philippe, son mari, va-t-il accueillir la nouvelle si cette certitude affichée par Patricia vient du fait qu’à l’époque de la conception, ses rapports amoureux avec son mari étaient en stand-by ? Comment Patricia peut-elle être certaine que François est le père si ce n’était pas le cas ?

Même si L’enfant rêvé a pour thème principal ce qui se passe au sein du trio François/Noémie/Patricia, le réalisateur a choisi également de nous introduire dans la famille Receveur, une famille dans laquelle les rapports entre François et Claude, son père, ne sont pas toujours au beau fixe, dans laquelle Anne, la sœur de François, affiche une rancœur tenace d’avoir vu son frère lui être préféré dans le partage des biens familiaux et qui n’a de cesse de faire en sorte que son fils Anthony soit dans la course pour la succession.

Un très bon trio

Pour interpréter le rôle de François, un personnage qui s’exprime peu, d’apparence très calme, presque nonchalant tout en étant capable de soudains accès de colère, peu à l’aise dans les affaires et qui semble préférer la compagnie des arbres à celle des hommes, le choix de Raphaël Jacoulot et de Brigitte Moidon, sa Directrice de casting, s’est porté sur Jalil Lespert. Pour interpréter Noémie, beaucoup plus vive, beaucoup plus douée pour les affaires, exprimant sans filtre ses émotions, c’est à Mélanie Doutey qu’il a été fait appel. Deux choix qui s’avèrent particulièrement heureux. Le rôle de Patricia, un rôle qui demande beaucoup de nuances dans le jeu, était sans doute le plus difficile à interpréter. L’ancienne Miss Météo du Grand Journal de Canal+ Louise Bourgoin s’en tire plutôt bien, présentant en plus l’avantage d’avoir été réellement enceinte au moment du tournage ! A côté de ce très bon trio, on trouve entre autres, dans des rôles secondaires (mais importants !), Jean-Marie Winling interprétant Claude et Garance Clavel interprétant Anne.

Dans un film dans lequel les 3 postes les plus importants de l’équipe technique (photo, montage, son) sont tenus par des femmes, on remarque tout particulièrement l’excellent travail de Céline Bozon, la Directrice de la photographie, qui, notamment, met bien en valeur les jeux d’ombre et de lumière offerts par la forêt jurassienne.

Conclusion

Par sa façon de nous introduire dans les ressentiments au sein d’une famille, par sa façon de générer une tension chez le spectateur à l’aide d’un certain nombre de détails, il n’est pas interdit de trouver à L’enfant rêvé un certain côté « chabrolien ». Grâce à d’excellents comédiens venant s’ajouter au thème de la paternité, grâce, également, à l’excellence de la photographie, et malgré quelques invraisemblances, L’enfant rêvé vient ajouter un maillon marquant à la filmographie de Raphaël Jacoulot.

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