Critique : Le Disciple

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Le disciple

le-disciple-afficheRussie : 2016
Titre original : (M)uchenik
Réalisation : Kirill Serebrennikov
Scénario : Kirill Serebrennikov d’après Martyr, pièce de Marius von Mayenburg
Acteurs : Petr Skvortsov, Viktoriya Isakova, Svetlana Bragarnik
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h58
Genre : Drame
Date de sortie : 23 novembre 2016

4/5

Connu surtout pour ses mises en scène théâtrales, le réalisateur russe Kirill Serebrennikov n’est pas pour autant un nouveau venu sur le grand écran, même si aucun de ses films précédents n’avait fait l’objet d’une distribution dans notre pays. Le disciple a été présenté à Cannes 2016 dans la sélection Un Certain Regard et il a obtenu le Prix François Chalais, « récompensant un film qui traduit au mieux la réalité de notre monde ». Plus important encore, il a profondément marqué les spectateurs !

Synopsis : Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique, bouleverse sa mère, ses camarades et son lycée tout entier, par ses questions.
– Les filles peuvent-elles aller en bikini au cours de natation ?
– Les cours d’éducation sexuelle ont-ils leur place dans un établissement scolaire ?
– La théorie de l’évolution doit-elle être enseignée dans les cours de sciences naturelles ?
Les adultes sont vite dépassés par les certitudes d’un jeune homme qui ne jure que par les Écritures. Seule Elena, son professeur de biologie, tentera de le provoquer sur son propre terrain.

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Une crise de foi

L’intégrisme religieux, notre pays est bien placé pour en connaître les funestes conséquences. Bien entendu, chez à peu près tout le monde, la première religion qui vient actuellement à l’esprit lorsque est prononcé le mot « intégrisme », c’est la religion musulmane. Dieu sait pourtant (mais, au fait, le sait-il vraiment ?) que, malheureusement, depuis des siècles, l’intégrisme existe dans toutes les religions et Le disciple est là pour nous le rappeler. Adapté de Martyr, une pièce du dramaturge allemand Marius von Mayenburg, Le disciple est un film dont l’action se déroule dans l’oblast de Kaliningrad, une enclave russe entre Pologne et Lituanie, anciennement allemande sous le nom de Königsberg.. La religion dont parle le film est donc la religion orthodoxe. On y rencontre Veniamin, un lycéen qui, pris d’une crise de mysticisme se traduisant par une lecture assidue de la Bible, va commencer par refuser de se rendre au cours de natation, le port du bikini par les jeunes filles lui paraissant relever de la dépravation. Citant par cœur des versets de la Bible, Veniamin va se radicaliser de plus en plus, s’opposant de plus en plus à ses professeurs, remettant en cause les cours d’éducation sexuelle et la théorie de l’évolution, faisant preuve d’antisémitisme et rejetant l’homosexualité, c’est évident ! Son inconscience va même jusqu’à proposer à un de ses condisciples dont une jambe est plus longue de l’autre de réaliser un miracle pour le guérir. Et en face, que se passe-t-il : une très grande lâcheté, le corps enseignant entrant dans le jeu de Veniamin, ne voyant dans tout cela qu’une crise passagère, qui disparaîtra aussi vite qu’elle est arrivée. Seule Elena, une professeure de biologie va avoir le courage de s’opposer à lui, lui faisant remarquer que les arguments tirés de la Bible qu’il annone sans aucun sens critique sont relatifs à un monde qui existait il y a 2000 ans.

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De longs plans-séquences

« La religion impose des réponses. L’art consiste à poser des questions », affirme Kirill Serebrennikov , qui, par ailleurs, pratique le bouddhisme. En Russie comme aux Etats-Unis, la religion est omniprésente et le réalisateur ne peut que se féliciter d’avoir pu adapter pour le cinéma la pièce de Marius von Mayenburg, ce qui lui a permis de s’attaquer de façon frontale à ce sujet. Quant au dramaturge, c’est la lecture de la Bible qui lui a inspiré cette pièce, une lecture bien entendu très différente de celle effectuée par Veniamin. En fait, ce qu’il a recherché, ce sont les phrases pouvant avoir un double sens, les  phrases ambigües pouvant, selon le contexte, dire une chose ou son contraire. C’est à partir de ces phrases qu’il a construit sa pièce. Pour  Kirill Serebrennikov, il était important que ces phrases apparaissent à l’écran, ainsi que leur origine. Au final, si le film montre qu’il n’y a guère d’espoir à trouver dans les religions, il montre aussi que, malheureusement, ce sont celles et ceux qui s’opposent à leur emprise néfaste qui, dans le monde actuel, courent le risque de se voir mis sur la touche. Quant à la réalisation, elle fait souvent appel à de longs plans-séquences. D’après le réalisateur, ce choix est motivé par la paresse qu’il a de faire des champs-contre-champs. On n’est pas forcément obligé de le croire ! En tout cas, la réalisation arrive à écarter le spectre si souvent décrié du théâtre filmé. Une petite anecdote concernant le titre original, (M)uchenik : en russe, uchenik signifie élève, ce qu’est Veniamin, alors que muchenik signifie martyr, ce qu’il pense être devenu, et qui est le titre de la pièce de Marius von Mayenburg.

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Des interprètes inconnus dans notre pays

Pour nous français, les interprètes de Le disciple sont tous des inconnus. Il n’en est pas de même, parait-il, pour les russes, les comédiens tenant les rôles des adultes étant tous très connus dans leur pays. Les adolescents eux, n’avaient aucune expérience cinématographique mais avaient déjà joué dans des pièces de théâtre. En tout cas, force est de reconnaître que Petr Skvortsov, qui interprète le rôle de Veniamin, dégage une bien belle intensité et le film lui doit beaucoup. On notera que, parmi les musiques qu’on entend dans le film,   Kirill Serebrennikov a tenu à glisser un morceau interprété par le groupe Laibach, groupe phare du collectif d’art politique slovène Neue Slowenische Kunst, un groupe très controversé un peu partout dans le monde et interdit de diffusion sur les ondes en Russie, leur musique étant considérée comme trop agressive et susceptible de provoquer de mauvaises pensées…

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Le disciple est un exemple de plus de ces films qui débarquent à Cannes au mois de mai, réalisés par des cinéastes dont on ne sait rien et qui prennent les spectateurs à la gorge dès la première image pour ne plus les lâcher jusqu’à la fin. Autant dire qu’après avoir savouré Le disciple, on va attendre avec une certaine impatience le prochain film de Kirill Serebrennikov, en espérant que les idées réactionnaires qui, actuellement, se propagent un peu partout dans le monde ne finissent pas par avoir raison de ces réalisateurs qui ont le courage d’appeler un chat un chat.

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