Critique : La Voie de l’ennemi

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La Voie de l'ennemi afficheLa Voie de l’ennemi

Etats-Unis / France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Rachid Bouchareb
Scénario : Rachid Bouchareb, Olivier Lorelle, Yasmina Khadra, d’après l’oeuvre de José Giovanni
Acteurs : Forest Whitaker, Harvey Keitel, Brenda Blethyn
Distribution : Pathé Distribution
Durée : 2h00
Genre : Policier
Date de sortie : 7 mai 2014

Note : 3/5

À voir à partir de ce soir sur Canal + à 20h55, ce film noir plutôt réussi a été tourné sur le continent américain par Rachid Bouchareb qui transpose le film de José Giovanni «Deux hommes dans la ville» dans le cadre désertique de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

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Synopsis : William Garnett sort de prison après dix-huit années d’enfermement après le meurtre d’un policier. Converti à l’islam, il aspire désormais à une vie simple. En liberté conditionnelle, il est suivi par Emily Smith, agent de probation à poigne mais bienveillante qui doit s’assurer de la réussite de sa réinsertion. Leur tâche sera compliquée par l’hostilité du shérif Bill Agati qui n’a pas pardonné la mort de son adjoint et un ancien complice qui veut le faire replonger.

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Brenda Blethyn est Jean Gabin

L’ambiance mexicaine sied parfaitement à cette histoire de rédemption impossible et au destin si noir de William Garnett, un homme au passé violent qui espère avoir droit à une seconde chance après de graves erreurs de jeunesse. Il trouve rapidement un travail, une compagne et un nouvel avenir, avec des ambitions modestes, semble possible. Tout est remis en cause par le harcèlement de deux hommes sortis d’un passé qu’il espérait enterré. Forest Whitaker reprend le rôle tenu par Alain Delon, Harvey Keitel celui de Michel Bouquet et Brenda Blethyn se glisse dans la peau de … Jean Gabin !

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Même si la comparaison est absurde, elle n’en est pas moins amusante mais très vite, Bouchareb fait oublier cette dimension anecdotique du projet. La comédienne anglaise révélée par Secrets et mensonges de Mike Leigh impressionne en femme à poigne. Après l’avoir déjà dirigée, déjà avec brio aux côtés de Sotigui Kouyaté, dans London River, Rachid Bouchareb a tenu la promesse qu’il lui avait faite de lui écrire un rôle où elle porterait une arme. Elle est étonnamment crédible même lorsqu’elle nettoie son arme de service en écoutant du Barbara et tient la dragée haute à Harvey Keitel malgré les vaines tentatives d’intimidation du vétéran.

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Un duel sans vainqueur possible

Grâce à son interprétation et un excellent travail de caractérisation des personnages, il n’est pas d’un seul bois. Agati est un homme posé qui respecte scrupuleusement la loi, se montre affecté par la tragédie des émigrés illégaux venus du Mexique et ne tolère pas les écarts à la loi mais ne s’est pas remis de l’assassinat de son collègue, ce qui obscurcit son jugement. Il se révèle obtus et agressif dans son rapport à celui dont il doute viscéralement de la sincérité mais la sienne, en dehors de cet accroc à son respect total de la loi, révèle une intransigeance coupable. C’est un duel sans vainqueur qui se dessine, son opposition à Garnett étant plombée par son aveuglement. Forest Whitaker souligne parfois avec excès la colère qu’il canalise difficilement mais c’est au service de son personnage. Son premier sourire d’homme libre, ses premiers sentiments amoureux depuis près de vingt ans, son bonheur de circuler sur les routes sur une moto symbole de liberté sauvage, sont servis par sa douleur rentrée. Hélas, pas de conte de fées ici mais une tragédie dont est en partie responsable Luis Guzman en petit caïd envahissant qui tente de le faire replonger. Si ce truand est insupportable, l’acteur lui donne ce qu’il faut de profondeur pour ne pas agacer et n’a pas besoin d’en faire trop pour inquiéter.

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Conclusion

Malgré les craintes face à cette idée d’adapter un récit qui semble très français écrit par l’un des meilleurs ex-taulards devenus auteurs de romans ou de scénarios, Rachid Bouchareb signe un drame noir très honorable porté par un beau trio de comédiens superbement dirigés, ce qui est d’autant plus admirable que l’on connaît leur talent certes mais aussi leur capacité à surjouer, Whitaker autant que Keitel. Leur justesse enrichit nettement le propos.

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