Critique : La Salle des profs

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La salle des profs

Allemagne, 2023
Titre original : Das Lehrerzimmer (DE)
Réalisateur : Ilker Çatak
Scénario : Johannes Duncker ; Ilker Çatak
Acteurs : Leonie Benesch ; Leonard Stettnisch
Distributeur : Tandem Films
Genre : Drame
Durée : 1h39
Date de sortie : 6 mars 2024 (France)

3/5

Les Oscars du meilleur film international sont souvent l’occasion de découvrir des formes efficaces venues du monde entier. La surprise est d’autant plus grande quand le film est aussi original que cette “Salle des profs”, représentant l’Allemagne cette année.

Drame haletant, mélangeant le “stress immersif” des frères Safdie avec un drame social sur le corporatisme scolaire et même, dans une certaine mesure le film d’enquête, le film nous a embarqué dans son rythme nerveux, en particulier dans sa première moitié.

Derrière ses effets de mise en scène dynamiques et son utilisation audacieuse du son, le film peint une réalité scolaire où le devoir de bien faire et les intérêts égoïstes des parents priment parfois sur le bien-être d’enfants instrumentalisés, maladroits dans l’expression de leur parole, outil tout puissant décidant le destin des adultes.

Dans sa deuxième partie, nous avons pu tout de même regretter que le propos du film ne s’économise pas de quelques maladresses qui ne lui permettent pas d’atteindre son plein potentiel dramatique.

Synopsis : Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes.

Dès les premières minutes du film, l’utilisation d’une musique aux notes répétitives et inquiétantes associées à un montage saccadé est d’une efficacité redoutable. Cette mise en scène de thriller crée l’enjeu qui ouvrira le film: il y a eu un vol dans l’école!

Ce fait divers, qui fait pourtant partie du quotidien de la vie scolaire, va étouffer les personnages, semant la suspicion, renforçant la sensation que quelque chose de grave va exploser. Un travail sonore habile sur le mixage des voix nous les rend proches, provoquant le sursaut au moindre haussement de ton.

C’est à travers le point de vue de Carla, professeure investie et soucieuse de ses élèves, que nous vivrons chaque question de la classe, chaque interaction avec la hiérarchie. Nous ne quitterons pas Carla tout au long du premier tiers du film. C’est elle qui est garante de protéger la salle de classe de l’intrusion de cette enquête. Autour d’elle, le bâtiment gris et métallique contrastant avec la lumière blanchâtre crée certainement un cocon aseptisé anxiogène. Tout est réuni pour que le drame se déploie.

Sans gâcher les rebondissements de l’intrigue, nous pouvons dire qu’elle se complexifie quand Carla n’est plus seule à mener l’enquête à son terme. Les scènes ne perdent pour autant rien de leur efficacité même si un certain sentiment de mise à distance s’infiltre petit à petit, desserrant l’étreinte, nous permettant de prendre du recul sur les évènements.

La passivité de Carla face à sa hiérarchie, bien que compréhensible, est heureusement compensée par le charisme impeccable de Leonie Benesch, brillante, qui réussit à tenir le film dans sa deuxième moitié où l’intrigue va baisser en tension, surtout à cause d’une volonté d’enfiler de trop nombreux thèmes au chausse-pied.

Dans sa conclusion, le film prend heureusement le temps de respirer, pour montrer honnêtement ce qui l’intéresse vraiment: ces enfants perdus dans le drame des adultes, inconscients du pouvoir qu’ils ont sur le cours des événements.

Il est possible que le film fasse preuve d’un peu trop d’audace dans sa forme, voulant mélanger beaucoup de thèmes et risquant le point de vue en s’éloignant de son personnage principal. Il réussit pour autant la grande majorité de ses effets et sait ne pas s’éterniser pour se conclure sur une belle émotion.

Conclusion

“La salle des profs”, troisième long-métrage de son réalisateur, réussit presque tout ce qu’il entreprend. Sa première moitié, glaçante dans son rythme, propose un mélange des genres rafraîchissant qui nous a cloués sur nos sièges. Si le film ne réussit pas tout à fait à maintenir sa tension jusqu’au bout, gageons que cette proposition venue d’Allemagne saura vous faire réfléchir à nos rapports au travail sans manichéisme et sans temps mort. Nous lui souhaitons bonne chance pour les Oscars.

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