La Proie nue
Etats-Unis, 1966
Titre original : The Naked Prey
Réalisateur : Cornel Wilde
Scénario : Clint Johnston, Don Peters
Acteurs : Cornel Wilde, Gert van den Bergh, Ken Gampu
Distribution : Paramount
Durée : 1h36
Genre : Drame, Aventures
Date de sortie : 20 juillet 1966
Note : 3,5/5
Nommé à l’Oscar du scénario original (face à Blow-Up d’Antonioni et La Grande Combine de Billy Wilder tous battus par Un homme et une femme de Claude Lelouch) malgré une histoire apparemment minimaliste de traque sans dialogue ou presque, ce cinquième long-métrage de l’acteur Cornel Wilde est une variation étonnante sur le thème de l’orgueil de l’homme occidental perdu dans un monde qu’il méprise et croit maîtriser.
Synopsis : Un safari en Afrique… Suite au refus du financier d’une expédition de faire un cadeau à une tribu rencontrée au hasard et ce, malgré les recommandations fortes du guide, la troupe est attaquée et massacrée. Désormais seul survivant, le guide est relâché sans armes sans chaussures sans rien, quasiment nu, par la tribu pour être chassé.
Une chasse qui sort de l’ordinaire
Dans ce récit d’aventures qui sort de l’ordinaire, tout en évoquant Les Chasses du Comte Zaroff, la survie ne dépend pas du résultat d’un combat au corps à corps de cet homme avec ses premiers poursuivants quand il n’est pas encore fatigué mais de la façon dont il parviendra ou pas à maîtriser la nature qui l’entoure. Comment se nourrir de la flore qu’on ne connaît que mal sans être empoisonné ? Comment attraper des spécimens comestibles de la faune hostile ? Comment trouver de l’eau quand la soif vous serre ? Un film énergique aux dialogues réduits à leur plus strict minimum. De l’humour souvent, comme dans le montage parallèle entre un singe qui résiste aux attaques d’un félin sauvage, suivi de la tentative difficile pour l’homme seul d’attraper une sorte de dindon local.
Une famille bien étrange
Cornel Wilde interprète avec sobriété la faim qui le tenaille pendant une longue partie de cette fiction au style rare. Également réalisateur de cette proie nue, tournée intégralement en Afrique (en Rhodésie sous influence tout de même), il maîtrise le rythme de cette histoire qui évite un regard trop paternaliste du colonisateur sur le colonisé. Il en subsiste des restes dans l’attitude de ce personnage mais sa vision curieuse du monde soulignée sans trop d’artifice par le cinéaste/acteur reste plutôt généreuse. Les poursuivants ne sont pas exempts d’un regard parfois convenu (ils sont bien lents à rattraper le ‘héros’) mais ils existent face à la caméra bienveillante de Cornel Wilde. L’attitude des hommes blancs est si détestable et riche en préjugés que le massacre puis la traque leur donne presque le rôle de protagonistes positifs que leurs proies. La violence, affichée à l’écran ou latente, est particulièrement impressionnante, et annonce le cinéma mondo à l’italienne entre faux documentaire et fiction assumée pour la liberté de ton et de fond qu’elle offre.
Conclusion
La Proie nue est une fiction filmée comme un documentaire animalier, dans un scope superbe, l’homme traqué en étant le sujet même si l’approche n’en est pas pour autant naturaliste. Une part de décalage fantastique domine la tonalité du récit, un fantastique métaphysique à l’occidentale plus qu’une approche de conte propre au continent. Un tour de force impressionnant, cinquante ans après sa réalisation. A voir sur Paramount Channel en ce mois de mars 2015.