Critique : La pie voleuse

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La pie voleuse

France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Robert Guédiguian
Scénario : Robert Guédiguian, Serge Valletti
Interprètes : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h41
Genre : Drame
Date de sortie : 29 janvier 2025

3.5/5

Synopsis : Maria n’est plus toute jeune et aide des personnes plus âgées qu’elle. Tirant le diable par la queue, elle ne se résout pas à sa précaire condition et, par-ci par-là, vole quelques euros à tous ces braves gens dont elle s’occupe avec une dévotion extrême… et qui, pour cela, l’adorent… Pourtant une plainte pour abus de faiblesse conduira Maria en garde à vue…

Une voleuse à qui on pardonne ?

La dernière fois que Robert Guédiguian avait posé sa caméra à l’Estaque, le quartier du nord de Marseille dont il est originaire, c’était en 2011 pour Les neiges du KilimandjaroLa pie voleuse, le 24ème long métrage du réalisateur, nous ramène dans ce quartier attachant dont l’atmosphère, dont les liens entre les habitants ont forcément changé en 14 ans. C’est dans un fait divers que le réalisateur et Serge Valletti, son coscénariste, sont allés puiser le point de départ de La pie voleuse, l’histoire d’une auxiliaire de vie dans la bonne soixantaine qui vole de l’argent  aux personnes plus âgées qu’elle dont elle a la charge, peu à chaque fois mais de façon très régulière. Voler, mais c’est très mal ! C’est très mal, mais la littérature et le cinéma nous ont déjà présenté des voleurs de façon très sympathiques, le plus célèbre étant Arsène Lupin, le personnage créé par Maurice Leblanc. Un personnage qui ne vole le plus souvent que des individus qui se sont enrichis de façon illicite ou immorale ou qui sont, au minimum, beaucoup plus riches que le commun des mortels. Mais, concernant les vols commis par Maria, il ne s’agit pas de voler les riches pour donner aux pauvres : il s’agit de vols effectués dans les économies de personnes âgées et ne roulant pas particulièrement sur l’or et dont Maria va faire un usage personnel. Pas de doute, ce que fait Maria, c’est vraiment très mal ! C’est très mal, mais est-ce totalement condamnable ? Maria fait son travail avec beaucoup de dévouement et les vieux chez qui elle travaille lui sont très attachés, au point que si elle leur demandait un petit supplément à son salaire, ils répondraient certainement de façon favorable, mais Maria se sent incapable de se résoudre à une telle démarche. Bien souvent, elle en fait plus que ce qui lui est demandé et, pourtant, elle est payée des clopinettes. Lorsqu’elle est appelée en urgence par une vieille dame en panique à cause d’un orage, elle accourt aussitôt mais n’est pas payée en heures sup pour autant. Pour Maria, les petits larcins qu’elle commet, c’est un peu sa façon de récupérer ces heures supplémentaires non payées.

En fait, pour Guédiguian, la famille des vols est vaste et il ne faut surtout pas considérer de la même façon « un vol crapuleux, commis avec violence et saccage et un petit larcin effectué en état de nécessité ». De plus, la définition d’état de nécessité doit être observée avec attention : ce qui est nécessaire à un individu se limite-t-il à une nourriture suffisante, un toit pour s’abriter et un habillement correct ? Est il choquant d’y faire entrer l’accès à la culture et la possibilité de se faire plaisir de temps en temps ? Maria est-elle plus particulièrement condamnable du fait que les petits larcins qu’elle commet lui servent à permettre à son petit-fils d’apprendre le piano et, de temps en temps, à satisfaire son plus grand plaisir : manger une demi-douzaine d’huitres tout en écoutant un concert d’Arthur Rubinstein ?

La « troupe » de Guédiguian presque au grand complet

Vous vous doutez bien que Maria n’est pas le seul personnage de La pie voleuse et le questionnement sur son éventuelle culpabilité va titiller plusieurs autres protagonistes du film, chacun apportant sa propre lecture sur le sujet. Comme c’est souvent le cas chez Guediguian et, plus encore, dans les films qu’il tourne à l’Estaque, La pie voleuse est un film choral dans lequel on retrouve la bande de comédiens et de comédiennes que le réalisateur a réunie autour de lui. Sans avoir des dons de voyance particulièrement développés, vous avez déjà compris que l’interprétation de Maria, cette auxiliaire de vie, a été offerte à Ariane Ascaride, et c’est un de ses plus beaux rôles. Au plus proche de Maria, il y a Bruno son mari, interprété par Gérard Meylan, un homme qui est au chômage et qui passe son temps à perdre de l’argent en jouant aux cartes avec des « amis » dans un bistrot du quartier. Maria et Bruno, ont eu une fille, Jennifer, magnifiquement interprétée par Marilou Aussilloux, une nouvelle venue dans la « troupe » de Guédiguian. Jennifer est mariée avec Kevin, un chauffeur routier interprété par Robinson Stévenin que son travail amène à être souvent absent. Jennifer et Kevin sont les parents du petit-fils de Maria, ce garçon attiré par le piano et que sa grand-mère tient à aider par tous les moyens. Parmi les personnes dont s’occupe Maria, le « chouchou » de Maria, c’est Mr Moreau, un homme au grand cœur interprété par Jean-Pierre Darroussin. Mr. Moreau a un fils, Laurent, interprété par Grégoire Leprince-Ringuet, avec lequel l’entente est loin d’être parfaite : changement de génération, changement de mentalité ! Avec sa femme Audrey, interprétée par Lola Neymark, Laurent tient une agence immobilière et ce qui l’intéresse le plus chez son père, c’est sa maison ! Ce sont des décisions prises par ce couple lorsqu’il va s’apercevoir des larcins de Maria que risquent de naitre des poursuites judiciaires contre cette dernière.  C’est avec émotion qu’on voit la dernière apparition de Jacques Boudet à l’écran : ce comédien qui fut présent dans la plupart des films de Guédiguian est décédé en juillet dernier à l’âge de 89 ans. Il interprète Mr. Toulouse dans La pie voleuse, un homme dont la femme attend depuis toujours le retour de son amour de jeunesse et se rend régulièrement devant une pâtisserie située en haut de la Canebière dans l’espoir de le retrouver.

Un peu long à vraiment démarrer, La pie voleuse, ce nouveau conte de l’Estaque, se situe un cran en-dessous par rapport à Marius et Jeannette et à Les neiges du Kilimandjaro, les chefs d’œuvre qui l’ont précédé. Toutefois, un film seulement moyen de Robert Guédiguian a toujours plus d’intérêt que la plupart des autres films qui sortent au même moment. Et puis, il y a la magnifique lumière captée par Pierre Milon, le Directeur de la photographie, qui n’a pas oublié combien l’Estaque a été prisé par les impressionnistes. Et puis, il y a l’arrivée remarquable de Marilou Aussilloux dans la bande de Guédiguian. Et puis il y a l’adieu rempli d’émotion à Jacques Boudet.

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