Critique : La Carrière d’une femme de chambre

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La Carrière d’une femme de chambre

Italie, 1976

Titre original : Telefoni bianchi

Réalisateur : Dino Risi

Scénario : Bernardino Zapponi, Dino Risi & Ruggero Maccari

Acteurs : Agostina Belli, Cochi Ponzoni, Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi

Distributeur : Les Acacias

Genre : Satire

Durée : 1h57

Date de sortie : 11 décembre 2019 (Reprise)

2,5/5

Pendant la deuxième moitié des années 1970, les règlements de compte doux-amers avec l’âge d’or du cinéma étaient un sous-genre plutôt répandu. Du côté anglophone, cela a donné des films comme Le Dernier nabab de Elia Kazan, Fedora de Billy Wilder et Valentino de Ken Russell. Le temple italien de l’industrie du cinéma, Cinecittà, ne s’est pas vraiment sorti plus gracieusement de cet exercice nostalgique dans La Carrière d’une femme de chambre. Cette biographie imaginaire d’une petite parvenue vénitienne, qui monte dans l’ascenseur social jusqu’à ce que la grande histoire anéantisse ses projets d’amour, de gloire et de beauté nous a en effet laissé un arrière-goût quelque peu amer. Le positionnement de son propos paraît assez douteux ou en tout cas guère attrayant, tant la vilenie des personnages masculins n’y est point contrebalancée par une valeur rédemptrice quelconque du côté de leur pendant féminin. La mise en scène de Dino Risi se contente ainsi de suivre sans états d’âme notables les aventures de la jeune opportuniste au cœur du récit. Cette dernière ne se montre nullement pudique dans ses rapports sociaux et sexuels. Surtout pas quand il s’agit d’avancer dans une société romaine fasciste, plus que prête à succomber à ses charmes, si volontairement mis à la disposition d’hommes-crapules sans scrupules. Sauf que cette farce de mœurs affiche un ton trop hésitant entre la caricature féroce, le conte de fées salace et une simple évocation historique, truffée de coïncidences tirées par les cheveux, pour convaincre réellement.

© Dean Film / Les Acacias Tous droits réservés

Synopsis : L’inauguration du Festival de Venise en 1935 fait rêver la femme de chambre Marcella d’une carrière sous les feux des projecteurs. Le secrétaire de production Luciani, un client de l’hôtel où elle travaille, lui promet de la lancer dans le monde du cinéma, à condition qu’elle vienne le rejoindre à Rome. Puisque son père alcoolique a dépensé toutes ses économies, Marcella devra user d’un subterfuge pour pouvoir se rendre à la capitale. Elle feint d’accepter la demande en mariage de son fiancé Roberto, un modeste commerçant de fruits et légumes, mais seulement si les futurs mariés officialisent leur union à l’occasion d’un mariage collectif à Rome à l’honneur du Duce. Bien évidemment, le voyage ne se passe pas comme prévu et la future actrice devra emprunter plusieurs détours avant de voir son nom de scène Alba Doris apparaître en haut de l’affiche.

© Dean Film / Les Acacias Tous droits réservés

Pour les Italiens y en a plus

Et si la conséquence la plus durable et sournoise du mouvement #MeToo était que l’on se sent désormais obligé d’adopter une grille de lecture supplémentaire dont la vocation serait de passer au crible tous les écarts de conduite possibles contre la gente féminine ? En effet, plus de quarante ans après la sortie de La Carrière d’une femme de chambre, son machisme très latin assumé ne passe plus tellement. Car il lui manque un personnage féminin fort, susceptible de tirer profit de l’aveuglement libidineux qu’il provoque chez les hommes, au lieu d’en être à peine plus que la victime consentante, sans autre plan de carrière que de s’accrocher docilement à son amant du moment. Déjà croisée chez Risi deux ans plus tôt dans Parfum de femme, Agostina Belli a beau jouer cette femme pragmatique avec une certaine coquetterie, elle constitue néanmoins l’un des points faibles du film. Son amour maintes fois déçu pour Roberto, un individu dépourvu de quelque attrait que ce soit, sert de fil rouge hautement décousu et peu crédible à l’intrigue. Celle-ci aurait sans doute mieux fait de rendre son personnage féminin principal plus calculateur qu’à peine moins écervelé que le stéréotype pénible de la blonde sans ambition, ni jugeote. Dans l’état, Marcella ne réussit jamais tout à fait de se débarrasser de sa crédulité naïve, ni plus d’ailleurs que de son optimisme pathologique, l’un comme l’autre les indicateurs d’un volontarisme conjugué avec peu de finesse et encore moins de lucidité ici.

© Dean Film / Les Acacias Tous droits réservés

Ce sont des tireurs au cul

Cependant, aussi peu sophistiqué le portrait de cette actrice au talent discutable soit-il, sa vacuité vaut toujours mieux que l’approche acerbe qui deviendra tôt ou tard fatale à ses conquêtes masculines. Pour démontrer à quel point les hommes italiens sont des salauds invétérés, le scénario n’est en effet pas avare en termes de dérision fielleuse. Personne parmi ces coureurs de jupons infantiles et autres fils à maman attardés ne s’avère digne, sur la durée, de l’attention en premier lieu sexuelle et parfois vaguement ou plutôt fadement romantique de la part de Marcella, qui ne sait pas non plus trop ce qu’elle veut au fond de ces roméos perfectibles. La participation de Vittorio Gassman dans le rôle d’un charmeur du grand écran sur le déclin, plein de tics nerveux et de grandiloquence, et celle de Ugo Tognazzi dans un emploi encore plus saugrenu – si une telle chose est envisageable – comme commerçant ambulant, bossu et grotesque, ne font alors rien pour relever le niveau de cette galerie de prétendants uniformément pitoyables. Or, le trait est si forcé à ce niveau-là que l’humour vulgaire, faute d’un type de divertissement plus subtil, peine à opérer. Jusqu’au bout, la finalité dramatique du récit reste fâcheusement floue, jusqu’à cette ultime occasion ratée de trouver enfin un peu de quiétude, en guise de fin ouverte ou, depuis notre point de vue passablement frustré face à tant de désinvolture faussement cocasse, de dernier pied de nez à notre espoir de voir une conclusion plus percutante survenir de nulle part.

Conclusion

Le cinéma des téléphones blancs, très populaire dans l’Italie des années Mussolini, n’est pas vraiment passé à la postérité, contrairement à l’idéologie d’extrême droite dont le caractère néfaste continue hélas de gangrener la vie politique de nos voisins transalpins. La parodie de ces mélodrames à la vanité mondaine prononcée ne réussit pas vraiment dans La Carrière d’une femme de chambre. La satire aux pieds d’argile de Dino Risi a plus tendance à se prendre à son propre jeu de la mise en abîme de cette époque, frivole seulement en apparence, qu’à en fournir une relecture sincèrement narquoise. Dommage !

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