Critique : Karmapolice

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Karmapolice

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Julien Paolini
Scénario : Julien Paolini, Manolis Mavropoulos,  Syrus Shahidi
Interprètes : Syrus Shahidi, Alexis Manenti, Karidja Touré
Distribution : A Vif Cinémas
Durée : 1h21
Genre : Policier, Drame
Date de sortie : 17 juillet 2024

3.5/5

Synopsis : Angelo, flic idéaliste, veut changer de métier. Il se jette corps et âme dans les histoires de son quartier afin de rééquilibrer son karma. L’histoire d’une amitié et d’une emprise dans le Paris de Château Rouge ; une ode aux invisibles, à la contrebande et aux poètes de la rue ; une équipée humaniste, plongée électrique dans le sillon du film noir.

Une plongée dans un Paris populaire

Il fut un temps où les réalisateurs français aimaient aller poser leur caméra dans un quartier populaire parisien et s’efforçaient de tirer le maximum de l’atmosphère qui s’en dégageait. Certes, Paris n’est pas complètement absent de la production hexagonale récente mais les lieux de tournage actuels sont plus souvent des quartiers chics que des quartiers populaires. Il fut un temps où les réalisateurs français aimaient instiller une dose plus ou moins importante de fantastique dans leurs œuvres que ce soit des films à caractère social, des polars ou des mélodrames. Depuis quelques années, on observe un retour vers une utilisation du fantastique dans la production française, que ce soit de façon homéopathique ou de façon plus chargée. Pour son second long métrage, Grand Prix du Festival de Cognac 2023, le réalisateur franco-italien Julien Paolini a choisi de se lancer sur les traces de ce double passé du cinéma hexagonal avec, bien sûr, un regard tout à fait contemporain et, en tête,  tout l’apport du cinéma new-yorkais ce ces 50 dernières années en matière de restitution cinématographique de la vie dans une grande métropole.

Le quartier qu’il a choisi, c’est Chateau Rouge, dans le 18ème arrondissement, un quartier cosmopolite et haut en couleur dans lequel il a habité pendant 15 ans. Un quartier avec, en particulier, une rue, proche de la Goutte d’Or, la rue Dejean, qu’il qualifie de « studio à ciel ouvert, reflétant une vision de la France et de son cinéma, celui de la multiculture ». Après un générique de début accompagné d’une sorte de diaporama de photos en noir et blanc, le film prend de la couleur avec un survol du marché de la rue Dejean et la rencontre d’Angelo et de Pauline en train d’aménager dans un appartement du quartier. Si on comprend très vite que Pauline aspire à ce que leur séjour dans cet appartement prêté et qui ne lui plaît guère ait une durée la plus courte possible, on met plus de temps à comprendre que Angelo, qui lui se plaît bien dans le quartier, est un policier en disponibilité depuis plus de 2 mois suite à une bavure qui ne cesse de l’obséder, un policier dont la vocation vacille, ce que son collègue Kemar n’arrive pas à comprendre. Dès les premières images du film, il nous a été précisé que « La loi du karma définit que pour atteindre la libération, le nirvana, chaque être en souffrance doit revivre sa souffrance jusqu’à trouver la réponse ». C’est exactement ce que vit Angelo.

En attente de cette réponse, Angel, comme on l’appelle dans sa brigade, déambule dans le quartier et se rapproche d’un marginal tout en gouaille que tout le monde appelle « Poulet » : « il arrondit les angles, un peu comme un flic, d’où poulet ». Une explication à laquelle on peut croire, ou ne pas croire, en se demandant en fait si ce sobriquet ne vient pas plutôt de la rue Poulet, perpendiculaire à la rue Dejean ! En tout cas, ce Mr Poulet qui fait la manche pour pouvoir se payer des clopes est très actif dans un centre social qui offre de la nourriture aux plus démunis et qui pourrait permettre à Angelo de redorer son karma en aidant et en rendant service.  Et puis, il y a ces bruits qu’Angelo entend au travers des murs de son immeuble, il y a cette voisine dont Angelo pense qu’elle a besoin d’aide et qui la refuse, il y a Anselme, ce marchand de sommeil, figure de l’économie parallèle qui se développe dans ces quartiers populaires de Paris et pour la peinture de laquelle Julien Paolini a fait appel à un réalisme magique sombre et raffiné.

Pseudo polar et véritable film d’atmosphère, ce film dont Julien Paolini a écrit le scénario avec l’écrivain Mano, de son vrai nom Manolis Mavropoulos, et le comédien Syrus Shahidi, réussit le tour de force d’être à la fois très attachant (grâce à des scènes pleines d’une grande fraîcheur et, surtout, grâce aux personnages qu’on y rencontre) et très irritant (par exemple, quelques scènes inutilement allongées, telle la scène de bagarre entre Angelo et son collègue et ami Kemar). Une certitude toutefois : à l’instar de Milo Chiarini (Mon milieu), Julien Paolini s’avère être un réalisateur à même de donner un sang nouveau au cinéma français. La distribution ne comprend aucun très grand nom mais s’avère d’une grande cohérence  et parfaitement adaptée à l’atmosphère recherchée par le réalisateur. On y retrouve le coscénariste Syrus Shahidi, déjà titulaire du rôle principal dans Amare Amaro, le premier long métrage de Julien Paolini, et qui interprète ici le rôle d’Angelo. Le rôle de Poulet est impeccablement interprété par Alexis Manenti, un comédien qu’on voit de plus en plus (Les misérables, Dalva, Le ravissement, …) et qui ne déçoit jamais. Quant à l’interprète de Pauline, il s’agit de Karidja Touré qu’on avait découverte il y a 10 ans dans Bande de filles.

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