Indiana Jones et le cadran de la destinée
États-Unis, 2023
Titre original : Indiana Jones and the Dial of the Destiny
Réalisateur : James Mangold
Scénario : Jez Butterworth, John-Henry Butterworth, David Koepp et James Mangold, d’après des personnages créés par George Lucas et Philip Kaufman
Acteurs : Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Antonio Banderas et Karen Allen
Distributeur : The Walt Disney Company France
Genre : Aventure
Durée : 2h35
Date de sortie : 28 juin 2023
2,5/5
Pour certains spectateurs, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal avait d’ores et déjà été l’Indiana Jones de trop. Sorties une vingtaine d’années après la conclusion de la trilogie initiale, ces aventures-là avaient néanmoins su nous séduire par leur extravagance spectaculaire et leur surenchère pleinement assumée. Encore une fois quinze ans plus tard, on a bien du mal à répondre à la question essentielle sur la raison d’être de cette quatrième suite de l’univers imaginé jadis par Steven Spielberg et George Lucas.
Car si Indiana Jones et le cadran de la destinée s’efforce vaillamment à respecter toutes les règles de sa recette maintes fois éprouvée, le film de James Mangold ne réussit à aucun moment d’être autre chose que la résurrection passablement laborieuse d’un univers qu’on aurait préféré garder dans nos bons souvenirs nostalgiques. Au lieu d’être un chant de cygne digne ou – pourquoi pas ? – joyeusement irrévérencieux pour ce personnage mondialement connu et apprécié, cette fresque d’aventure s’apparente à un enchaînement de passages obligés, avare en cohérence scénaristique et en séquences d’anthologie.
Le problème principal de ce premier blockbuster hollywoodien de la saison estivale 2023, qui ne laisse d’ailleurs augurer rien de bon pour la suite, est que son personnage principal s’avère plus passif que jamais dans son éternelle fuite en avant pour cause de dépassement personnel par les événements. L’air invariablement blasé de Harrison Ford n’y change rien, bien au contraire ! Et ce ne sont pas non plus quelques blagues fatiguées sur son âge avancé, des références tout aussi poussives aux films précédents et des personnages secondaires globalement sans saveur qui seraient susceptibles de rendre le récit plus vigoureux. Toutefois, le comble de la frustration est atteint, face au constat plutôt amer que des comédiens et des rôles au potentiel moins caricatural, comme ceux de Karen Allen et de Antonio Banderas, doivent se contenter d’un passage presque éclair à l’écran.
Synopsis : Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Indiana Jones et son ami, le professeur Basil Shaw, tentent de voler un artéfact archéologique d’une valeur inestimable aux nazis en pleine déroute. Un quart de siècle plus tard, le vieil aventurier se sent au bout du rouleau face à sa retraite prochaine et au divorce de la femme de sa vie Marion. Sa filleule Helena Shaw, fraîchement diplômée dans le domaine de prédilection de son père, tente de lui remonter le moral en lui proposant de résoudre ensemble l’énigme du cadran de la destinée. Mais d’autres forces maléfiques s’intéressent également à l’objet mystérieux, dont le machiavélique docteur Schmidt, engagé par le gouvernement américain pour faciliter le premier alunissage.
Trop vieux pour tout ça
Fait prisonnier dès les premières minutes d’Indiana Jones et le cadran de la destinée, notre vieux héros passera les deux heures et demie qui suivent à essayer de se défaire de ses entraves plus ou moins symboliques. L’aspect relativement positif de cette course contre la montre aux innombrables bifurcations abracadabrantes, c’est qu’elle demeure jusqu’à la fin égale à elle-même, c’est-à-dire prise au piège d’un divertissement à l’emballement superficiel. Aucun répit n’y est accordé ni aux chercheurs de trésors anciens, ni aux spectateurs soumis au régime strict d’une course-poursuite après l’autre.
Or, les décors et les dispositifs de ces affrontements haletants à toute vitesse n’ont strictement rien d’original, comparés à tous ceux ayant auparavant fait la gloire de l’univers d’Indiana Jones. Pire encore, ils étirent artificiellement l’action, pendant que le statu quo entre les deux camps adverses évolue à peine. En effet, tout ou presque est dit dès la longue séquence d’introduction, rendue esthétiquement très laide par le rajeunissement à coups d’effets spéciaux de Harrison Ford. Plus de vingt minutes pour orchestrer le genre d’opération secrète vue et revue des centaines de fois dans des films de guerre encore plus tendancieux que celui-ci : d’entrée de jeu, la mise en scène de James Mangold ne réussit point à nous rendre son douzième long-métrage plus attrayant.
Notre constat ne s’améliore guère par la suite, la relecture légèrement plus contemporaine de l’univers au moment des soulèvements sociaux divers et variés à la fin des années 1960 étant évacuée sans tarder au profit de l’éternelle rengaine du jeu du chat et de la souris. Ainsi, le professeur sur le déclin a tout juste le temps de se demander ce qui lui arrive, entre cadeau de départ de ses collègues sans valeur affective, lettre de divorce obnubilée par un café matinal fort alcoolisé et plus globalement le cours du monde actuel qui lui échappe totalement, avant qu’il ne soit embarqué contre son gré dans son ultime odyssée.
Thé tardif au harem
Une odyssée au goût de déjà-vu prononcé. Avec la verve narrative en moins qui rendait les films de Steven Spielberg si jouissifs, malgré le caractère profondément improbable de leurs histoires. Ici, les étapes de l’aventure se suivent et se ressemblent, peu importe qui mène la danse et sur quel continent. L’essoufflement guette dès lors à chaque virage.
D’autant plus que la relation entre la figure paternelle récalcitrante qu’Harrison Ford cultive depuis un certain temps et sa fille par procuration, Phoebe Waller-Bridge et son air d’effronterie mi-féministe, mi-cynique jamais développée jusqu’au bout, n’atteint pas le même degré de solidarité taquine que celle entre le mentor et son jeune acolyte Shia LaBeouf dans le film de 2008. Les aléas de ton qui risquent à plusieurs reprises de faire dérailler, au propre comme au figuré, cette alliance de circonstance, rendent dès lors le développement rudimentaire de la future génération d’aventuriers, sous les traits du jeune Ethann Isidore, d’autant plus regrettable.
Bref, on pensait en avoir fini avec cet hommage rendu sur le tard et d’une manière peu enthousiasmante à l’un des plus célèbres personnages du cinéma populaire des années ’80, surtout après la dernière parenthèse exagérément fantastique d’un récit, qui alternait jusque là sans cesse entre la grandiloquence du spectacle et de timides îlots plus calmes. Toutefois, l’ultime retour à l’introspection sous forme de retrouvailles avec un personnage clé de la saga – chapeau à Karen Allen d’avoir réussi à figurer en quatrième position au générique, alors qu’elle apparaît à peine dans le film, de quoi rendre jaloux le Marlon Brando de l’époque de Superman de Richard Donner ! – permet de clore tout ce bazar filmique sur une note plus doucement apaisante. Hélas, c’est trop peu et trop tard pour nous réconcilier avec une production dont la principale, voire l’exclusive raison d’être est commerciale.
Conclusion
Cela veut malheureusement dire l’ampleur de la déception que le seul moment où l’esprit original de l’univers Indiana Jones nous a saisi, c’était quand le thème musical légendaire de John Williams a rempli toutes les enceintes du cinéma Max Linder Panorama au début du générique de fin ! Car toute l’agitation antérieure s’est écoulée sans le moindre accroc, comme si l’ambition primordiale d’Indiana Jones et le cadran de la destinée consistait à apparaître aussi lisse que le visage de Harrison Ford au cours de la séquence initiale. Il en résulte un film aussi impersonnel qu’inoffensif, peut-être le reflet tristement exact d’un genre, qui attend depuis longtemps un coup de fouet aussi salutaire que l’a été la sortie des Aventuriers de l’arche perdue de Steven Spielberg il y a plus de quarante ans déjà …
Que de mauvaise foi dans cette critique !
Au-delà de l’idéalisation excessive des anciens opus de la saga, je trouve cette critique fortement biaisée et non pertinente, se contentant de tacler le film sur chaque aspect sans rien développer.
Le film est commercial ? Oui, comme les quatre précédents, rien de nouveau sous le soleil. Il n’est pas impersonnel, loin de là, on sent au contraire la patte du réalisateur Mangold dans le traitement désenchanté du personnage principal. Il est suffisamment rare aujourd’hui que des blockbusters prennent la peine de s’attarder sur le développement de leurs héros, critiquer à tort l’un des rares ayant l’audace de le faire, c’est malhonnête.
Le film constitue un excellent divertissement aux scènes d’action maîtrisées et pas plus étendues que dans les films de Spielberg. Le scénario n’est pas davantage incohérent que ceux des films précédents, la fin n’est pas non plus davantage fantaisiste que celles des opus 3 et 4. Les personnages secondaires sont bien retranscrits, l’ambigüité du personne d’Helena étant justement ce qui fait tout son intérêt.
On sent l’aigreur du critique ayant abordé le film avec un état d’esprit blasé, préférant correspondre aux attentes d’un public sur-nostalgique décriant toute nouvelle oeuvre plutôt qu’analysant sérieusement le film comme l’ont fait la plupart de ses collègues d’autres médias.
Très décevant d’être aussi fermé d’esprit.