Critique : Gondola

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Gondola

Allemagne, Géorgie : 2023
Titre original : –
Réalisation : Veit Helmer
Scénario :  Veit Helmer
Interprètes : Mathilde Irrmann, Nino Soselia, Niara Chichinadze
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h22
Genre : Burlesque, Romance
Date de sortie : 24 juillet 2024

3.5/5

Synopsis : Dans les montagnes de Géorgie, un téléphérique relie un village à une petite ville dans la vallée. Deux jeunes femmes, Iva et Nino, y sont employées et leurs cabines se croisent une fois toutes les demi-heures, ce qui leur occasionne à chaque fois un moment de bonheur et de fête.

La bonne surprise de l’été

Pour qu’un couple puisse se former, passer par une étape au cours de laquelle les deux membres de ce futur couple apprennent à se connaître est d’une grande importance. On peut arriver à cette connaissance mutuelle par divers chemins. Dans Gondola, le réalisateur allemand Veit Helmer nous propose une approche particulièrement originale : des échanges visuels, forcément très brefs, lors des croisements de deux cabines d’un téléphérique appelé « Gondola », l’une qui descend, l’autre qui monte. Dans une des cabines, l’hôtesse s’appelle Nino, elle est titulaire du poste depuis un certain temps, elle est pétillante et elle aime jouer aux échecs avec son patron, un homme particulièrement odieux. Dans l’autre cabine, l’hôtesse s’appelle Iva, elle vient juste de revenir dans son village  où certains et, surtout, certaines ne l’ont pas accueillie avec une grande aménité et elle a obtenu le poste en étant la seule parmi les postulants à pouvoir enfiler la tenue d’hôtesse présentée par le patron. Nino ayant transféré le jeu d’échec dans une des gares du téléphérique afin de jouer avec Nino, les premiers échanges de cabine à cabine vont consister pour chacune des deux femmes à montrer à l’autre la pièce qu’elle vient de prendre. Mais Iva et Nino ne vont pas en rester là, s’amusant par exemple, dans le but d’impressionner l’autre, à transformer leur cabine qui en avion, qui en bateau, qui en fusée tout en adoptant la tenue vestimentaire allant avec. La musique va contribuer à les rapprocher encore plus, Nino au violon, Nina à la trompette, en arrivant à utiliser l’arrêt d’urgence des cabines pour entamer un duo en face l’une de l’autre, au grand dam du chef qui n’apprécie guère.

Gondola est un film sans aucun dialogue que l’allemand Veit Halmer a réalisé en Géorgie, pays où il avait déjà tourné Absurdistan, un long métrage qui n’est jamais sorti dans notre pays, et où il est professeur de cinéma à Tbilissi, sa capitale. L’action se déroule dans le sud-ouest du pays, dans la république autonome d’Adjarie. De part et d’autre de la vallée de l’Adjaristsaqali, Tago et Khoulo, deux villages à flanc de colline, se font face. Pour faciliter l’accès des habitants de Tago à Khoulo, le plus important de ces deux villages, un téléphérique a été construit en 1985, du temps où la Géorgie faisait partie de l’URSS, un téléphérique impressionnant avec une portée libre de près de 2 kilomètres passant à plus de 300 mètres au dessus du fond de la vallée. On espère pour sa rentabilité économique qu’il est dans la réalité davantage utilisé que ce qu’on voit dans le film : ne semblent l’utiliser régulièrement qu’une vieille paysanne revêche qui se montre particulièrement désagréable avec Iva et une fillette et un garçonnet qui doivent l’utiliser pour se rendre à l’école. Sinon, de temps en temps, peut se pointer un paysan ou un autre, dans le but, par exemple, de transporter une vache. Et puis, il y a ce vieil homme en fauteuil roulant à qui le chef refuse systématiquement l’accès au téléphérique avec la méchanceté qui le caractérise.

L’imagination est reine dans Gondola, le réalisateur allant jusqu’à inventer la cueillette de fruits à l’épuisette depuis une cabine de téléphérique. Une forme de délicatesse pleine de tendresse est reine dans Gondola avec ce petit garçon qui se prend un vent lorsqu’il cherche à faire parvenir une pâtisserie de sa confection à sa petite voisine grâce un mini-téléphérique qu’il a construit lui-même en utilisant les roues de son vélo mais qui va parvenir à se rapprocher de l’élue de son cœur avec l’aide de Iva ; avec ces paysans qu’on voit travailler en bas,  depuis les cabines qu’ils et elles saluent au passage et qui vont accompagner la musique de Iva et Nino avec leurs instruments de travail, scie, hache, bassines, etc. L’absence de dialogue peut permettre à chaque spectateur d’avoir sa propre interprétation de ce qu’on lui donne à voir. C’est ainsi qu’on peut penser que Iva est revenue dans son village suite au décès d’un membre de sa famille, lequel où laquelle l’avait précédée dans le poste d’hôtesse de cabine, et que la vieille femme revêche n’est autre que sa mère, avec qui elle aurait un différend important, mais ne vous sentez surtout pas obligé de partager ces hypothèses. Quant à formuler une hypothèse sur la raison qui pousse Nino et Iva à avoir une querelle d’amoureuses dès le début de leur liaison, bien fort.e est celui ou celle qui pourra en donner la raison ! Par ailleurs, le fait que le film soit muet ne signifie pas du tout que le son n’a aucune importance. C’est même tout le contraire, avec la mise en valeur, digne de Jacques Tati,  des sons les plus divers, tels, par exemple, le bruit du vent, des onomatopées cocasses et les craquements métalliques en provenance des rouages du téléphérique. Si, en effet, ce film fait penser à Jacques Tati, ainsi qu’à tous les maîtres du burlesque muet des débuts du cinéma, une autre grande figure du cinéma doit être évoquée : n’oublions pas que nous sommes en Géorgie, la patrie de Otar Iosseliani, et on retrouve dans Gondola cette loufoquerie poétique qui était la marque de fabrique de ce grand réalisateur.

Pleine de peps, La comédienne Mathilde Irrmann et la comédienne géorgienne Nino Soselia sont craquantes à souhait. Petite anecdote qui a son intérêt : Mathilde Irrmann est d’origine strasbourgeoise et elle vit à Berlin depuis 10 ans. Très active de l’autre côté du Rhin dans les actions de lutte contre le réchauffement climatique, elle a été condamnée récemment par la justice allemande pour des actions de désobéissance civile avec le mouvement Letzte Generation en avril 2022 à Francfort. Quant à la très belle photographie du film, on la doit au Directeur de la photographie russe Goga Devdariani.

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