Critique Express : Toxicily

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Toxicily

France : 2022
Titre original :Toxic Sicily
Réalisation : François-Xavier Destors
Scénario : François-Xavier Destors, Alfonso Pinto
Distribution : JHR Films
Durée : 1h16
Genre : Documentaire
Date de sortie : 18 septembre 2024

3.5/5

Synopsis : En Sicile, au Nord de Syracuse, l’un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe empoisonne depuis 70 ans l’environnement et les hommes. « Mieux vaut mourir d’un cancer que mourir de faim », entend-on sur la plage qui borde la raffinerie. Dans un contexte d’omerta et de résignation, le film donne la parole à ceux qui luttent et qui survivent au cœur d’un territoire sacrifié sur l’autel du progrès et de la mondialisation.

Lorsqu’un documentariste décide de se lancer, au travers d’une enquête menée sur les désastres écologiques et humains causés par un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe, dans la réalisation d’un film interrogeant les spectateurs sur « notre manière d’habiter le monde, sur ce que nous sommes capables d’accepter pour survivre, sur notre rapport au travail et sur la coexistence parfois toxique des hommes et des usines », plusieurs voies sont a priori envisageables : faire appel à des experts qui expliqueraient comment on a pu en arriver à la situation actuelle et, éventuellement, comment on peut en sortir ; interroger celles et ceux qui subissent cette situation mais aussi les industriels et les autorités pour qu’ils nous parlent des actions qu’ils ont éventuellement entreprises pour améliorer la dite situation ; un mixte de tout cela. Concernant l’interrogation des industriels et des autorités, on peut parler de mission impossible : même quand il leur arrive de faire des efforts pour respecter les normes environnementales, les pétroliers n’aiment pas trop qu’on vienne les titiller sur des problèmes d’environnement ; en plus, le complexe pétrochimique qui fait l’objet du film se trouve en Sicile, et il y a quand même l’ombre de la mafia qui rode dans le coin.  Quant aux spécialistes, François-Xavier Destors et Alfonso Pinto considèrent que, pour plein de raisons, ils sont dépassés.

C’est donc auprès de citoyens de la région qu’ils ont mené leur enquête. Après tout, ce sont eux seuls, étant les victimes et les acteurs, qui sont les sentinelles de ce territoire. Ce territoire, c’est une bande de 20 kilomètres de long sur la côte est de la Sicile, entre Syracuse et Augusta, sur laquelle sont venues s’installer de nombreuses usines.  Tout a commencé en 1949,  mais c’est entre 1970 et 1980 que les installations se sont multipliées. Des arrivées bien accueillies au début puisqu’elle permettait un nouveau type d’accès au travail, à côté de ce que la culture des oliviers et des orangers offrait jusque là. Aujourd’hui, tout le monde sait que la pollution a engendré une énorme augmentation des cas de cancer et de nombreuses malformations génétiques. Tout le monde sait, mais arriver à ce que les citoyens s’expriment sur le sujet est une tâche difficile. Comme il est dit dans le film, « ceux qui parlent prennent des risques ».  La peur règne, ne serait ce que la peur de perdre son emploi. Une version optimiste du choix qu’ont aujourd’hui les jeunes, c’est « tu finis là-dedans ou tu te barres ». Une version plus noire, c’est « tu as le choix entre le cancer ou la faim ». Le film nous permet quand même de rencontrer des personnes courageuses et engagées, par exemple le père Don Palmiro. C’est dès le début des années 80 que ce fils du premier secrétaire du Parti Communiste d’Augusta, devenu prêtre, a commencé à dénoncer la situation catastrophique de la région. Depuis 2014, le 28 de chaque mois, il consacre une messe aux victimes de cancers. Doit on être surpris d’apprendre qu’il y a 4 ans, lui qui était archiprêtre de l’église mère d’Augusta, il a perdu son poste et qu’il exerce aujourd’hui en dehors de la ville au sanctuaire de la donna ? Ce film courageux et instructif sur un exemple parmi d’autres des méfaits engendrés par une politique libérale excessive, on le doit à un duo. N’hésitant pas à mettre sur un même pied génocide et écocide, François-Xavier Destors termine avec ce film une trilogie qu’il avait commencée il y a 10 ans avec Rwanda, la surface de réparation, film dans lequel il racontait une autre histoire du génocide à travers les stades de football, et qu’il avait continuée en 2019 avec Norilsk, l’étreinte de glace, un documentaire sur la plus grande ville au Nord du monde et une des plus polluées de la planète. Quant à Alfonso Pinto, il est né à Palerme, à l’autre bout de la Sicile. Il est géographe et chercheur, spécialiste de l’anthropocène.

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