Pepe
République Dominicaine, Namibie, Allemagne, France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Nelson Carlo de Los Santos Arias
Scénario : Nelson Carlo de Los Santos Arias
Interprètes : Jhon Narváez, Fareed Matjila, Harmony Ahalwa
Distribution : Shellac
Durée : 2h02
Genre : Drame
Date de sortie : 1er janvier 2025
3.5/5
Synopsis : Pablo Escobar c’est 30 milliards de dollars, 5000 meurtres, 80% du trafic mondial de cocaïne… et 1 hippopotame : voici l’épopée fantastique de Pepe, de la Namibie à Medellín.
N’est-ce pas particulièrement agréable de commencer une nouvelle année avec un film qui ne cesse de vous surprendre, de vous envouter ? Figurez vous que, si vous vous êtes contenté de lire le synopsis, eh bien, après en avoir regardé les 5 premières minutes, vous n’avez toujours aucune idée de ce dont Pepe va vous parler. Pourquoi cet hippopotame sur l’affiche ? Pourquoi ces références à Pablo Escobar, ce célèbre baron de la drogue colombien responsable de milliers de morts et qui perdit la vie en 1993 ? Si vous vous apprêtez à voir ce film et que vous n’allez pas plus loin dans la lecture de cet article, vous bénéficierez à plein de ces effets de surprise évoqués plus haut, de cet envoutement face à une histoire. Si vous continuez cette lecture, vous aurez à coup sûr une vision différente, mais tout aussi agréable, de Pepe. A vous de faire le choix !
En fait, ce que peu d’européens savent, c’est que Pablo Escobar avait décidé d’avoir son propre zoo dans une hacienda au cœur de la Colombie, l’Hacienda Nápoles qu’il avait fait construire dans la commune de Puerto Triunfo, près du Río Magdalena, ce qui l’avait amené en 1981 à faire importer clandestinement de nombreux animaux sauvages depuis l’Afrique, dont 3 hippopotames. Bien entendu, le troupeau s’est petit à petit agrandi. A la mort de Pablo Escobar, les animaux de son zoo ont été répartis dans les divers zoos du pays, à l’exception des hippopotames, trop difficiles à transporter. Laissé dans la nature, le troupeau, devenu le seul troupeau sauvage d’hippopotames en dehors de l’Afrique, s’est encore agrandi au point de donner naissance à des problèmes de hiérarchie entre les mâles. En effet, dans un troupeau d’hippopotames, il ne peut y avoir qu’un seul mâle dominant, d’où des combats entre mâles, combats dont les perdants sont tués ou contraints à l’exil avec une femelle. L’un de ces perdants a descendu le Rio Magdalena pour se retrouver à Puerto Barrio, à des dizaines de kilomètres de son troupeau d’origine, dans une ville où personne ne connaissait l’existence des hippopotames. Pris pour un monstre, ce pauvre animal, appelé Pepe, a été abattu.
C’est à sa façon que le réalisateur dominicain Nelson Carlo de Los Santos Arias raconte dans son film l’histoire de Pepe et de ses congénères. Ou, plutôt non, le réalisateur est responsable de ce qu’on voit mais c’est Pepe lui-même qui, en voix off d’outre-tombe, raconte cette histoire, en commençant par la vie des hippopotames dans leur environnement naturel en Namibie, au sud-ouest de l’Afrique, en poursuivant par leur arrivée sur le sol sud-américain en direction de l’Hacienda Nápoles puis par le combat ayant entrainé l’exil du narrateur et les troubles causés par sa présence auprès de la population de Puerto Barrio, ceux là même que Pepe appelle les « 2 pattes ».. Manifestement, Nelson Carlo de Los Santos Arias ne s’est rien interdit dans la réalisation de son film et on ne peut que s’en féliciter. On est tout à la fois dans un film de fiction, souvent drôle, parfois tragique, dans un documentaire sur les hippopotames et dans un film expérimental. Pepe commence sa narration dans la langue afrikaans, une des langues parlées en Namibie, et la continue en espagnol. On entend même parler allemand avec un car de touristes venus observer les hippopotames de Namibie. Le format du film ? Il n’y en a pas, ou, plutôt, il y en a plusieurs, et ils changent très souvent. Il y a de magnifiques images prises depuis un drone, mais aussi, entre autres, des images très terre à terre de dispute conjugale ainsi que des images prises de nuit en infrarouge. Et puis, ce film instructif et poétique est aussi, mais sans en avoir l’air, un film politique. Après tout, dans l’histoire de l’humanité, il n’y a pas que des hippopotames qu’on a transportés d’Afrique en Amérique et, à sa façon, Pepe nous parle de la traite des esclaves et de la colonisation d’un continent. En fait, ce très beau film qui a permis à son réalisateur d’obtenir l’Ours d’argent de la meilleure réalisation lors de la Berlinade 2024, ne souffre que d’un seul petit défaut : sa durée. Il aurait gagné à être raccourci d’un bon quart d’heure, en raccourcissant par ci par là un certain nombre de scènes.