Critique Express : Manas

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Manas

Brésil : 2024
Titre original : –
Réalisation : Marianna Brennand
Scénario : Camila Agustini, Carolina Benevides, Marianna Brennand, Marcelo Grabowsky, Antonia Pellegrino, Felipe Sholl
Interprètes : Jamilli Correa, Fátima Macedo, Rômulo Braga
Distribution : Bodega Films
Durée : 1h41
Genre : Drame
Date de sortie : 26 mars 2025

3.5/5

Synopsis : Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l’île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée ; mais, sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s’effondrer, révélant un monde d’exploitation et d’abus qui gangrènent sa communauté. Elle est déterminée à se protéger et à accéder à un avenir meilleur…

Une fiction très documentée

C’est dans l’île de Marajó, au nord du Brésil, que nous faisons la rencontre de Marcielle, 13 ans, que tout le monde appelle Tielle, une adolescente qui semble vivre une vie très simple mais sans problème majeur au sein d’une famille dont tout, a priori, laisse penser qu’elle est aimante : un père, Marcilio, qui se voit en homme de Dieu, une mère, Danielle, une femme soumise à son mari, enceinte d’un petit frère ou d’une petite sœur, une petite sœur, Carol, et 2 frères. Et puis, il y a aussi Claudia, la sœur ainée, qui a quitté la famille.  La famille vit dans une petite cabane construite sur le bord du fleuve et tout le monde dort dans la même pièce, dans des hamacs ; le père chasse et pêche ; la vie d’une adolescente comme Tielle se partage entre l’école, l’insouciance partagée avec ses  camarades et les aller-retours en barque vers les bateaux ancrés à proximité afin de gagner un peu d’argent en vendant à des marins le produit de la pêche ; et toute la famille est présente lors des offices religieux qui se déroulent dans un incroyable déchainement d’appels à Dieu. Très vite, l’envers du décor de ce beau tableau va apparaitre au grand jour et on va comprendre pourquoi Claudia a quitté la famille : un beau jour, le hamac de Tielle étant devenu inutilisable, Marcilio dit à sa fille de dormir avec lui. Il lui propose aussi d’aller chasser avec lui. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre ce qui se passe entre Marcilio et Tielle, ce qui s’est passé entre Marcilio et Claudio et ce qui se passera à court terme, si rien n’est fait, entre Marcilio et Carol. Comme dit Danielle, fataliste, à Tielle : il y a des choses qu’on ne peut pas changer. Et puis, on prend conscience que n’est pas seulement dans la vente de produits de la pêche que les adolescentes habitant au bord du fleuve se font de l’argent en allant sur les bateaux : eh oui, inceste et prostitution sont monnaie courante dans cette population qui ne cesse de faire appel à Dieu, et la police s’avère impuissante face à ces phénomènes.

C’est en Californie que la brésilienne Marianna Brennand a fait ses études de cinéma. Après un documentaire sur le coco, une musique et une danse brésiliennes, originaires du nord-est du pays, elle a réalisé Francisco Brennand, un long-métrage documentaire consacré à Francisco Brennand, son grand-oncle, un sculpteur et céramiste de grande réputation. Lorsque Marianna Brennand a eu vent de l’exploitation sexuelle des jeunes filles dans plusieurs régions de l’Amazonie, elle a d’abord envisagé de réaliser un documentaire sur ce sujet. Très vite, elle a compris qu’il serait impossible d’obtenir une parole franche et sincère de la part de jeunes filles ayant subi de telles violences. Elle a donc décidé de réaliser son premier long métrage de fiction. Un film ayant pour titre Manas, un mot portugais dont la traduction est « soeurs », un film à la photographie somptueuse, un film qui compte Walter Salles et les frères Dardenne parmi ses producteurs associés, un film soutenu par l’association Attac et qui a reçu le Prix du scénario lors de l’édition 2024 des Rencontres cinématographiques de Cannes, le Prix de la réalisation lors de la Giornate degli autori de 2024, l’équivalent vénitien de la Quinzaine des cinéastes cannoise, et le Prix du public au Festival des 3 continents à Nantes. On sent que Marianna Brennand  a fait un gros travail de recherches sur l’exploitation des enfants et adolescent(e)s  en Amazonie, et ce premier film de fiction a souvent un parfum de documentaire. Dans ce film parfois un peu trop didactique, il est dommage que l’on devine un peu trop vite ce qui va se passer. Par contre, on se félicite du choix de la suggestion et de l’ellipse fait par la réalisatrice : on ne voit jamais les abus subis par Tielle, on les devine, ce qui, en fait, s’avère beaucoup plus fort.  Quant à  la comédienne débutante Jamilli Correa, choisie pour interpréter le rôle de Tielle à l’issue d’un long casting réservé à des adolescentes originaires de la région dans laquelle se déroule l’action, sa prestation est si juste qu’on est forcément en empathie avec elle.

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