Critique Express : Le soleil se lèvera

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Le soleil se lèvera

Iran, France : 2023
Titre original : Aftab mishavad
Réalisation : Ayat Najafi
Scénario : Ayat Najafi
Distribution : DHR distribution / A Vif Cinemas
Durée : 1h25
Genre : Documentaire
Date de sortie : 12 mars 2025

3.5/5

Synopsis : Téhéran, octobre 2022. Une troupe de théâtre répète la comédie grecque Lysistrata d’Aristophane. Au cours d’une scène où les vieillards prennent d’assaut l’Acropole conquise par les femmes d’Athènes, la troupe apprend qu’elle est encerclée par la police anti-émeute qui marche autour du bâtiment pour réprimer une grande manifestation.

C’est peu dire que l’arrivée du spectateur dans Le soleil se lèvera du réalisateur iranien Ayat Najafi n’est pas des plus faciles : pourquoi ne voit on que les bas des corps, jambes, pieds, chaussures, des femmes qu’on entend s’exprimer ? Pourquoi cette forme de volupté lorsque des jambes se frôlent ? Pourquoi, de temps en temps, les images deviennent-elles floues ? Pourquoi ces passages du noir et blanc à la couleur et vice versa ? A quoi correspond ce qu’on entend : il est question d’Athènes alors qu’on croyait être à Téhéran ! Et puis petit à petit, on se laisse gagner par l’atmosphère du film et on comprend ce qui se passe : si l’on parle d’Athènes, c’est parce qu’on assiste à une répétition de la pièce de théâtre Lysitstrata du dramaturge grec Aristophane, une pièce écrite en 411 av. J.-C. et qui est souvent considérée comme étant la première pièce féministe de l’histoire.  Pensez donc : dans cette pièce, les femmes de Grèce, désirant que leurs maris arrêtent la guerre en cours, lancent une grève du sexe, une grève qu’elles ne cesseront qu’à la fin du conflit. On prend vite conscience que, autour de l’endroit où se déroule la répétition,  se produisent des manifestations, des manifestations sévèrement réprimées par la police. De nombreuses questions se posent : doit on laisser la possibilité d’entrer à des manifestant(e)s, au risque de voir arriver des policiers ? N’y a-t-il pas une forme d’indécence à continuer cette répétition alors qu’une révolution est peut-être en train de se dérouler et que des hommes et, surtout, des femmes sont l’objet de violences policières ? Ne serait il pas préférable de sortir et de se mêler aux manifestant(e)s ? Et puis, pourquoi est-il fait mention de Ayat Najafi, le réalisateur du film, pourquoi est-il traité de touriste par la metteuse en scène, un touriste opportuniste désireux de « prendre une pose intellectuelle » ? N’y a-t-il pas trop de sentimentalisme dans le film, que ce soit dans le choix des costumes ou dans les dialogues ? Mais alors, Le soleil se lèvera est-il vraiment un documentaire sur une répétition d’une pièce de théâtre dans le contexte très particulier de qui ressemble fort à une révolution ?

Venu du théâtre expérimental, l’iranien Ayat Najafi s’est aperçu qu’il pouvait atteindre plus de spectateurs par le cinéma qu’en tant que metteur en scène de théâtre. Deux films qu’il a réalisés lui ont permis de conforter cette impression : Football under cover, réalisé en 2008 avec l’allemand David Assmann, film qui raconte l’organisation d’un match de football féminin entre une équipe de football venant d’Allemagne et un équipe iranienne, et No land’s song, sur l’interdiction faite aux femmes iraniennes, depuis 1979, de chanter en public. Etabli en Allemagne depuis près de 10 ans, et animé par son désir de se confronter aux changements intervenus dans son pays et qu’il avait manqués, un scénario qu’il avait écrit et qui racontait une lutte entreprise par des femmes l’a convaincu en 2022 d’aller tourner ce film en Iran. Arrivé sur place, il a essuyé un net refus de la part du Ministère de la Culture iranien, mais comme ce refus ne s’est pas accompagné d’une arrestation, il a décidé de rester et de tourner clandestinement son film. Et c’est alors qu’a commencé la révolution « Femme, vie, liberté », suite à la mort de Mahsa Amini, intervenue le 16 septembre 2022. Cela l’a amené à tourner un autre film, Le soleil se lèvera, très directement lié à la situation. Si, dans ce film, on ne voit avec précision aucun visage, c’est que, interprètes, techniciens et réalisateur, toutes et tous risquent au moins 10 ans de prison. Et c’est dans une valise diplomatique que le disque dur de ce film a pu sortir. Lorsque Le soleil se lèvera se termine, ce film qui bénéficie du soutien d’Amnesty International et de Arts for Human rights, ce film dans lequel on a peut-être eu du mal à entrer, on a un sentiment de plénitude, celui d’avoir assisté à une œuvre à l’esthétique très particulière et d’une grande force.

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