Critique Express : La jeune femme à l’aiguille

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La jeune femme à l’aiguille

Danemark, Pologne, Suède : 2024
Titre original : Pigen med nålen
Réalisation : Magnus von Horn
Scénario : Line Langebek Knudsen, Magnus von Horn
Interprètes : Victoria Carmen Sonne, Trine Dyrholm, Besir Zeciri
Distribution : Bac Films
Durée : 2h02
Genre : Drame, Historique
Date de sortie : 9 avril 2025

4/5

Synopsis : Copenhague, 1918. Karoline, une jeune ouvrière, lutte pour survivre Alors qu’elle tombe enceinte, elle rencontre Dagmar, une femme charismatique qui dirige une agence d’adoption clandestine. Un lien fort se crée entre les deux femmes et Karoline accepte un rôle de nourrice à ses côtés.

 

Faut-il toujours prendre pour argent content ce que les dictons cherchent à nous dire ? Bien évidemment, la réponse est non ! Prenez le dicton qui affirme que « qui trop embrasse, mal étreint » :  est-il adapté à La jeune femme à l’aiguille, le film du réalisateur suédois Magnus von Horn présenté en compétition au dernier Festival de Cannes ? Concernant le premier volet du dicton, pas de doute, ce film embrasse beaucoup de sujets : la misère de la condition ouvrière,  les rapports de classe, le retour des gueules cassées après la première guerre mondiale, l’avortement, l’instinct maternel et un volet historique avec la présence d’un personnage qui a réellement existé, Dagmar Overbye, une tueuse en série danoise, à qui on attribue l’assassinat d’une vingtaine d’enfants entre 1913 et 1920. Le film est il « mal étreint » pour autant ? Sûrement pas ! L’histoire de Katerine, une ouvrière travaillant dans le textile, et de Dagmar, qui a sauvé Katerine lors d’une tentative d’avortement qui tournait mal, est certes souvent très dérangeante mais le film n’en est pas moins d’un grand intérêt et d’une perfection visuelle indéniable. Aucun des sujets abordés n’est traité avec désinvolture : c’est ainsi que le spectateur est sensibilisé à la misère de la condition ouvrière par les difficultés rencontrées par Katerine pour payer son loyer et qui se terminent par l’expulsion de son logement par son propriétaire ; les rapports de classe par le comportement de la mère du patron de Katerine, une baronne propriétaire de l’usine de textile où travaille Katerine, qui interdit à son fils d’épouser cette dernière alors qu’il est le père de l’enfant dont elle est enceinte ; le retour des gueules cassées par les problèmes rencontrés par le mari de Katerine pour retrouver un semblant de vie normale quand il refait surface alors que tout laissait supposer qu’il était mort ; l’instinct maternel par les liens qui se tissent entre Katerine et un bébé qui n’est pas le sien après qu’elle ait choisi d’abandonner le sien.

En ce qui concerne l’avortement et le volet historique, ce sont les sujets qui sont les plus approfondis par Magnus von Horn dans La jeune femme à l’aiguille. Le titre du film (exacte traduction du titre original danois) ne laisse aucun doute sur le type d’avortement que va tenter de s’infliger Katerine dans des conditions sordides. A la vision du film, les spectateurs ne manqueront pas de se partager en 2 camps : d’un côté, celles et ceux qui seront convaincu(e)s que le réalisateur montre son opposition à l’avortement, un acte forcément horrible ; de l’autre, celles et ceux qui seront convaincu(e)s qu’il est pour la légalisation de l’avortement, seul moyen d’éviter les pratiques horribles et éminemment dangereuses pour les femmes qui, coute que coute, ont fait le choix d’interrompre leur grossesse. Quant à l’évolution de la relation entre Katerine et Dagmar, elle est particulièrement intéressante à suivre, Dagmar étant loin d’apparaitre comme le monstre qu’elle est au début de cette relation : pour Katerine, c’est une femme qui lui a porté secours lors de sa tentative d’avortement, une femme secourable, pleine de compassion, qui, moyennant finance, s’occupe de placer les enfants dont leurs mères se révèlent incapables de les élever, une femme qui va accepter d’employer Katerine, qui lui a confié son bébé, lorsque celle-ci se révèlera incapable de payer ce qu’elle lui doit. Ce n’est qu’après une longue période que la vérité des crimes de Dagmar éclatera aux yeux de Katerine. Ces 2 femmes, Katerine et Dagmar, sont remarquablement interprétées par Trine Dyrholm, bouleversante de par son émotion retenue, et par Victoria Carmen Sonne, étonnante par sa capacité à dévoiler petit à petit sa véritable face, terrifiante. Pour réaliser ce film, Magnus von Horn, qui ne croit pas à la véracité des drames historiques en couleur,  a choisi de se rapprocher de l’esthétisme des films du début du siècle : format carré et image (magnifique !) en noir et blanc. De ce réalisateur suédois qui a fait ses études de cinéma en Pologne et qui, comme le Michael Haneke de la période autrichienne, ne cherche pas à plaire à un certain public en rendant plus supportable ce qui, par nature, est totalement insupportable, on connaissait ses 2 premiers longs métrages, Le lendemain et Sweat, deux films qui, déjà, s’intéressaient à des personnages en marge de la société.

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