La brigade
France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Louis-Julien Petit
Scénario : Louis-Julien Petit, Liza Benguigui
Interprètes : Audrey Lamy, François Cluzet, Chantal Neuwirth
Distribution : Apollo Films
Durée : 1h37
Genre : Comédie
Date de sortie : 23 mars 2022
2.5/5
Synopsis : Depuis toute petite, Cathy rêve de diriger son propre restaurant. Mais à quarante ans, rien ne s’est passé comme prévu et elle se retrouve contrainte d’accepter un poste de cantinière dans un foyer pour jeunes migrants. Son rêve semble encore s’éloigner… ou pas ?
Dommage !
Il y a un problème Louis-Julien Petit ! Pas pour tout le monde, mais, en tout cas, pour celles et ceux qui se désolent de voir des histoires bâties sur des thèmes sociaux très intéressants, des histoires qui conviendraient parfaitement à Ken Loach, gâchées par un parti pris un peu trop systématique d’exagération balourde et de rigolade bêtasse. C’était le cas de Discount où l’on voyait les employé.e.s d’un magasin discount lutter contre la mise en place de caisses automatiques en créant en douce leur propre « Discount alternatif », à partir de la récupération de produits qui auraient dû être jetés. C’était le cas dans Les invisibles, film dans lequel des travailleuses sociales très investies faisaient tout leur possible pour « recaser » des femmes SDF jusque là hébergées dans un centre d’accueil dont la fermeture venait d’être annoncée. On aurait aimé voir ce que Ken Loach, auquel certains n’hésitent pas à comparer Louis-Julien Petit (après tout, il est né en Angleterre, lui aussi), aurait fait sur de tels sujets : sans doute des films qui auraient été aussi drôles sans qu’il ait été nécessaire d’en rajouter dans l’exagération et la rigolade. Que dire, maintenant, de La brigade ? Malheureusement, c’est toujours le même constat : un sujet intéressant, un sujet fort, et des choix en matière de réalisation qui arrivent in fine à fortement ébranler l’a priori favorable généré par ce sujet.
La brigade, c’est l’histoire de Cathy Mary, une cuisinière d’une quarantaine d’années qui a toujours rêvé d’ouvrir son propre restaurant et d’y travailler en tant que cheffe. Sûre d’elle-même et arrogante, elle démissionne de son poste dans un grand restaurant, trouvant que ses recettes ne sont pas mises en valeur, et se voit contrainte d’accepter un poste de « cantinière » dans un centre d’accueil pour jeunes migrants en instance de régularisation. Un poste qui va lui permettre, petit à petit, de prendre conscience, au sein de la brigade qui va se constituer, qu’il y a plusieurs façons d’être cheffe. Pas mal comme sujet, non ? Un sujet qui permet de montrer que, non seulement, tout un chacun est capable d’évoluer mais que, qui plus est, cette évolution peut se faire vers le haut. Un sujet qui permet de mettre en scène des migrants, ici de jeunes migrants non accompagnés, avec l’évocation de leur difficile vie passée et de leurs espoirs, sans cacher les blocages en provenance de leur culture, comme le fait pour l’un d’entre eux de refuser d’être commandé par une femme.
Qu’aurait fait Ken Loach sur un tel sujet ? Eh bien, tout simplement, il n’aurait probablement pas engagé l’équivalente britannique d’Audrey Lamy pour interpréter le rôle principal. Sa longue présence dans Scènes de ménage, où elle est formidable dans le rôle de Marion, fait qu’elle a maintenant une étiquette dans le dos en tant que comédienne et si le rôle de Fanny, proche de celui de Marion, lui allait comme un gant dans Ma reum, il n’en est pas de même dans La brigade tel qu’on aurait souhaité voir ce film et tel que Ken Loach l’aurait sûrement filmé. Ce n’est peut-être pas sa présence qui est la cause principale de ce glissement vers trop d’exagération dans les comportements et trop de rigolade artificielle puisque c’était déjà le cas dans les films précédents de Louis-Julien Petit, mais elle y a sans doute contribué. Si on fait la moue en ce qui concerne le choix d’Audrey Lamy pour interpréter le rôle de Cathy, il n’en est heureusement pas de même pour le reste de la distribution : François Cluzet est très attachant dans le rôle de Lorenzo, le Directeur du foyer pour mineurs non accompagnés, un homme que Cathy va arriver à transformer, l’amenant du respect scrupuleux des normes administratives à une forme de désobéissance civile au service d’une cause juste ; Chantale Neuwirth est le plus souvent très juste dans le rôle de Sabine, l’intendante du foyer. Quant aux interprètes des jeunes migrants qui vont composer la brigade, ils ont été choisis à l’issue d’une longue procédure de sélection qui a commencé dans des associations d’accueil parisiennes. On notera que le réalisateur avait choisi, pour tourner son film, de ne leur donner ni scénario ni texte des dialogues, il leur avait juste raconté l’histoire dans ses grandes lignes. Un choix qui a sans doute contribué à l’émergence de débordements dans un certain nombre de comportements.
Au bout du compte, on se trouve bien embarrassé au moment de faire connaitre son jugement sur ce film. A propos de A plein temps, nous avions parlé de tous ces films récents qui rappellent à notre souvenir tous les problèmes, nombreux et variés, qui existaient bien avant la pandémie et l’Ukraine et qu’on pourrait avoir oubliés. La brigade, qui nous parle des problèmes rencontrés par les migrants, vient s’ajouter à la liste et, même si on peut se montrer insatisfait du choix de la tête d’affiche et des partis pris de réalisation, on espère que ces choix, par contre, vont réussir à attirer un public qui n’aurait peut-être pas été voir la même histoire racontée par Ken Loach.