Je ne veux plus y aller maman
France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Antonio Fischetti
Scénario : Antonio Fischetti, Anne-Laure de Franssu
Interprètes : Antonio Fischetti, Elsa Cayat, Yann Diener
Distribution : AKTIS Cinéma – DHR
Durée : 1h50
Genre : Documentaire
Date de sortie : 11 décembre 2024
3/5
Synopsis : Antonio Fischetti est journaliste à Charlie, et le 7 janvier 2015 il échappe à l’attentat par la grâce d’un concours de circonstances saugrenues. L’onde de choc passée, une introspection s’est imposée à lui pour redonner un sens à sa vie fragmentée par ce drame. Parmi tous ses camarades assassinés, il y avait Elsa Cayat, la psychanalyste fantasque, qui tenait une rubrique dans le journal. Ils avaient même commencé un film ensemble, sous forme d’entretiens. Guidé par les réminiscences de la parole d’Elsa, Antonio Fischetti revisite son histoire et les raisons de son engagement dans Charlie. Son film est une quête à la fois sensible et décalée, questionnant le pouvoir des images et les ressorts du mot liberté.
Antonio Fischetti, journaliste scientifique à Charlie Hebdo, considère qu’il est né 2 fois et, les 2 fois, c’était, d’après lui, plus ou moins par accident. La première fois, le 2 décembre 1960, sa mère lui a donné sa première naissance à Blanzy, en Saône-et-Loire. Sa seconde naissance, c’était le 7 janvier 2015, et, cette fois ci, c’est la sœur de sa mère qui lui a, selon toute vraisemblance, offert une seconde vie : en ce jour de l’attentat de Charlie Hebdo, Antonio Fischetti aurait dû être dans les locaux du journal afin de participer à la conférence de rédaction mais les obsèques de sa tante avaient lieu ce jour là et il était en Saône-et-Loire pour y assister. Pour le journaliste, cette deuxième vie n’est pas toujours facile à vivre, d’autant plus qu’il a toujours en tête sa responsabilité de l’entrée à Charlie Hebdo de la psychanalyste Elsa Cayat avec qui il travaillait sur un film ayant pour sujet la prostitution, et donc la responsabilité de sa mort, elle qui fut la seule femme victime des terroristes. C’est dorénavant le psychanalyste Yann Diener qui a en charge la chronique psy dans Charlie Hebdo et c’est avec ce psychanalyste que Antonio Fischetti a commencé une analyse. Pour lui, le film Je ne veux plus y aller maman fait partie ce sa thérapie.
Et nous, que venons nous faire dans ce film ? Devons nous nous considérer comme des voyeurs venant assister à la mise à nu, par lui-même, d’un homme en pleine introspection ? Ce serait peut-être le cas si Fischetti n’avait pas choisi de nous inviter à partager cette introspection en nous lançant régulièrement des clins d’œil de complicité. Même si Je ne veux plus y aller maman nous permet de rencontrer tous les membres de Charlie Hebdo, qu’ils soient ou non morts dans l’attentat, ainsi que des lieux liés au passé du journal, même si le réalisateur se replonge dans son passé familial et tout particulièrement dans l’histoire de ce frère qu’il n’a jamais connu car mort avant sa naissance, c’est surtout la relation entretenue par Antonio Fischetti avec Elsa Cayat, puis celle avec Yann Diener, qui sont mises en avant. De nombreuses images du film commencé avec Elsa Cayat mais jamais terminé nous sont proposées et il est donc souvent question de psychanalyse sous toutes ses formes, y compris dans les jeux de mots dont raffolait la psychanalyste. C’est ainsi que le réalisateur constate que, concernant Charlie Hebdo, on est passé sur l’échelle du tabou des femmes nues à Mahomet, ce qu’il traduit comme étant un passage du tabou du cul à celui du culte. A intervalles réguliers, interviennent de longues scènes au cours desquelles le réalisateur sillonne Paris en moto et on s’étonne que, chaque fois, les rues, les avenues, les boulevards sont quasiment exempts de circulation automobile. Peut-être des scènes tournées lors du confinement lors de la pandémie ? On remarque aussi de fréquentes apparitions de balances qui penchent d’un côté puis de l’autre. Au final, Je ne veux plus y aller maman est un film très personnel, un film intéressant et souvent émouvant sur le deuil, sur les souvenirs, sur l’engagement et on se contentera de remarquer qu’il eut été encore plus fort avec 2 bonnes dizaines de minutes en moins.