I am Gitmo
USA, France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Philippe Diaz
Scénario : Philippe Diaz
Interprètes : Sammy Sheik, Eric Pierpoint, Paul Kampf
Distribution : Cinéma Libre Europe
Durée : 2h00
Genre : Drame
Date de sortie : 26 mars 2025
3.5/5
Synopsis : Durant la guerre contre le terrorisme déclenchée après le 11 septembre, Gamel est emmené de chez lui en Afghanistan, amené à la base aérienne de Bagram, puis à Guantanamo, Cuba pour être interrogé et torturé. Sa liberté dépend de John, un interrogateur militaire, chargé de son dossier
Ce qui s’est passé à Guatanamo
Mars 2002, quelques mois après le 11 septembre, près de Kandahar, en Afghanistan, l’instituteur Gamel Sadek, un égyptien marié à une afghane, partage tranquillement un repas avec sa femme et ses enfants lorsqu’il est enlevé par la police et livré aux forces américaines de la base aérienne de Bagram. Au même moment, John Anderson, 65 ans, un militaire spécialiste des interrogations, membre des CITF, Criminal Investigation Task Force, est sorti de sa retraite pour aller dans un premier temps en Afghanistan apporter son savoir faire. Pas question pour lui de refuser, persuadé qu’il est d’œuvrer pour assurer à Cassidy, sa fille, un bel avenir dans son pays. Une décision que Cassidy, par contre, n’apprécie guère, elle qui a une conception très différente de celle de son père de ce qui est bénéfique à son pays et à sa jeunesse. C’est à Bagram que va se dérouler la première rencontre entre Gamel et John. Il y en aura beaucoup d’autres dans le camp de Guatanamo (Gitmo en abrégé), un camp situé à Cuba sur une base militaire américaine choisie par le président George W. Bush pour tirer profit de son extraterritorialité permettant de ne pas soumettre les détenus au système judiciaire fédéral américain. C’est lorsque l’action commence à se dérouler dans ce camp que le film va prendre toute sa force, se partageant en grande partie entre l’enfer que va vivre Gamel pendant des mois et le déroulement des rencontres, très riches en informations, entre le prisonnier et son interrogateur, des rencontres au cours desquelles ces 2 hommes rivalisent de ferveur religieuse. Ce que va vivre Gamel, ce sont des accusations sans preuve revenant sans cesse, comme quoi il aurait été un proche de Ben Laden, qu’il serait membre de l’organisation terroriste Hezb-e-Islami Gulbuddin, qu’il aurait participé aux attentas du 11 septembre, etc.. Ce sont des conditions de détention inhumaines avec des séances de torture, physiques et psychologiques, d’une très grande variété, ayant comme points communs d’être interdites par les lois et les conventions internationales quand bien même elles ont été signées par les Etats-Unis, telle, par exemple, la Convention de Genève de 1949. Certes, au bout d’un certain temps, un avocat va être attribué à Gamel mais, malgré ses compétences et sa bonne volonté, son apport va s’avérer très limité. Certes, les prisonniers de Guatanamo vont tenter d’organiser une rébellion contre ce qu’ils subissent, mais le rapport de force est loin d’être en leur faveur.
De son côté, John Anderson se retrouve en plein conflit moral : même s’il reconnait qu’il faut « enfermer sa partie sentimentale pour être un bon interrogateur », il a travaillé dans le temps avec des méthodes d’interrogations qui étaient différentes de celles qu’on lui ordonne d’appliquer, pudiquement appelées « méthodes d’interrogatoire améliorées », il est le premier à clamer qu’il y a des lois à respecter mais, par ailleurs, sa foi en Dieu est très grande et il se doit d’exécuter ce que les autorités de son pays, elles-mêmes émanations de la puissance divine, lui ordonnent de faire. John Anderson n’est d’ailleurs pas le seul parmi les membres des forces américaines présentes dans le camp de Guatanamo à souffrir moralement de ce qu’on leur demande de faire mais leur hiérarchie ne cesse de rappeler qu’il est indispensable d’obtenir rapidement des résultats afin d’empêcher d’autres 11 septembre. Par contre, des extraits d’interviews télévisées montrent une totale absence de sens moral dans les plus hauts niveaux de l’état, avec le vice-président Dick Chesney qui affirme que « si vous ne travaillez qu’avec des bons gars certifiés et officiellement approuvés, vous ne découvrirez pas ce que font les méchants. Il faut avoir dans ses rangs des personnages peu recommandables »; Donald Rumfeld, Secrétaire d’état à la défense, qui, très fier de lui, organise tranquillement la délation : « des tracts ont été lancés en Afghanistan comme des flocons de neige en décembre à Chicago« , des tracts invitant les afghans à dénoncer leurs voisins moyennant finance, la CIA ne prenant même pas la peine de vérifier le bien fondé de ces accusations et ces « coupables » étant directement envoyés vers des interrogatoires et des séances de torture. Exactement le sort subi par Gamel ! Quant au Général Geoffrey Miller, celui qui dirige le camp de Guatanamo (à noter que c’est le véritable nom de celui qui occupait ce poste !), il considère que les techniques d’interrogation de John Anderson sont totalement dépassées et qu’il est, en accord avec Rumsfeld, en faveur d’utiliser des méthodes de torture extrême avec les « terroristes » qui refusent de coopérer.
Très riche en informations, I am Gitmo nous propose, au cours d’un interrogatoire de Gamel, un petit rappel historique concernant ce que l’on a coutume d’appeler « l’invasion de l’Afghanistan par les soviétiques », John Anderson s’étonnant de ce que recherchaient les moudjahidines en combattant auprès des américains contre les soviétiques. « Nous voulions créer un monde plus humain, un monde qui serait bon pour les pauvres », lui répond Gamel. Etonnement de John Anderson : « les russes ont envahi le pays pour soutenir le gouvernement afghan, qui était communiste à l’époque et qui était très bon avec les pauvres. Pourquoi sont ils devenus vos ennemis ? ». Film américain basé sur un certain nombre de faits réels, I am Gitmo a été réalisé par Philippe Diaz, un réalisateur, scénariste et producteur français installé à Los Angeles depuis plus de 30 ans. L’interprétation de Sammy Sheik (Gamel Sadek) et celle de Eric Pierpoint (John Anderson) sont en tout point remarquables.