Critique Express : Entre les vagues

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Entre les vagues

France : 2020
Titre original : –
Réalisation : Anaïs Volpé
Scénario : Anaïs Volpé
Interprètes : Souheila Yacoub, Déborah Lukumuena, Matthieu Longatte, Angélique Kidjo
Distribution : KMBO
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie : 16 mars 2022

3.5/5

Synopsis : Rêver, foncer, tomber, repartir, rêver encore, et recommencer. Elles ont l’énergie de leur jeunesse, sa joie, son audace, son insouciance. Deux meilleures amies, l’envie de découvrir le monde. Margot et Alma sont inarrêtables, inséparables.


L’éloge de la sororité

Une vieille légende bien machiste raconte que les femmes sont moins encline à se soutenir les unes les autres que les hommes, qu’elles sont plus facilement jalouses, etc. Le cinéma a d’ailleurs sa part dans cette légende, nombre de films (tournés par des hommes !) donnant l’impression que les femmes se complaisent dans la rivalité entre elles. C’est exactement le contraire que nous montre Anaïs Volpé dans Entre les vagues avec Margot et Alma, deux jeunes femmes de 27 ans qui se serrent les coudes, qui se réjouissent des succès de l’autre quand bien même ce succès s’est bâti au détriment de son propre succès, qui prennent soin de l’autre dans les moments difficiles. Mais alors, comment se fait-il que, lorsqu’on fait leur connaissance, elles sont en train de se battre entre elles « comme des chiffonnières » sur la scène d’un théâtre ? Tout simplement parce que la scène d’un théâtre, c’est le lieu où il est normal de jouer la comédie, sauf que là, elles sont les seules à savoir qu’elles jouent à se battre : cette bagarre, c’est un coup monté par elles pour se faire particulièrement remarquer par Kristin, une metteuse de scène, lors d’une audition destinée à faire le choix du casting pour une pièce en train de se monter. « Ce genre de metteurs en scène, c’est des oufs, il leur faut des acteurs de ouf. Je sais qu’elle aime ça », affirme Alma. Et elle n’a pas tort Alma, car c’est elle que la metteuse en scène va choisir, prenant également Margot comme doublure « au cas où ». En fait, ce film sur la force de la sororité s’avère être également un film sur l’art de la comédie appliqué dans la vie courante, art qui consiste à tromper son monde en « fabriquant » une bagarre, à scénariser une situation destinée à être embarrassante pour la personne dont vous souhaitez vous venger ou à pratiquer ce qu’on appelle un  « pieux mensonge » : un soupirant vous a larguée, vous arrivez devant chez lui avec un enfant en bas âge qui va l’appeler papa alors que vous savez que cet ancien amant est en train de roucouler avec sa nouvelle bien aimée ; vous savez que le cancer dont souffre votre meilleure amie va lui être fatal mais vous évoquez avec elle son avenir qui, forcément, sera radieux.

  Dans ce qui est son premier long métrage de cinéma, un film qui faisait partie de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, la très prometteuse Anaïs Volpé, aujourd’hui âgée de 33 ans, a beaucoup puisé dans ce qu’elle a vécu en arrivant très jeune à Paris, elle qui ne connaissait personne dans les milieux du théâtre et du cinéma et qui a su se faire des amies avec qui la notion de solidarité n’était pas un vain mot. Concernant la pièce contemporaine que répètent Alma et Margot, le texte en a été écrite par la réalisatrice, il y est question de déracinement et elle mêle Paris et New-York, le présent et le passé. Dans le même théâtre, se prépare une autre pièce, dans un genre totalement différent, beaucoup plus classique. Anaïs Volpé a tenu à montrer que, comme entre les femmes, il n’y a pas forcément de rivalité entre des pratiques différentes du théâtre, la preuve étant les fréquentes réunions des deux troupes autour d’une table, des réunions particulièrement exubérantes. Un peu trop exubérantes, même, certaines de ces scènes constituant les rares scories du film. Toutefois, ces scènes qui arrivent donc parfois à être irritantes sont, heureusement, nettement moins nombreuses que les scènes enthousiasmantes.

Pour interpréter les rôles d’Alma et de Margot, des rôles qui demandaient énormément d’énergie, Anaïs Volpé a fait son choix parmi rien moins que 120 comédiennes et elle a retenu Souheila Yacoub et Déborah Lukumuena, un choix qui parait indiscutable à la vision du film,  d’autant plus que l’amitié qu’on sent entre elles apparait comme totalement crédible. La comédienne suisse Souheila Yacoub, on l’a vue récemment dans De bas étage de Yassine Qnia et on la reverra le 30 mars prochain dans En corps, le nouveau film de Cédric Klapisch. Quant à Déborah Lukumuena, on vient de la voir dans Robuste de Constance Meyer, tenant la dragée haute à Gérard Depardieu, et on se souvient d’elle, bien sûr, dans Divines de Houda Benyamina. On notera aussi la belle prestation de la chanteuse béninoise Angélique Kidjo dans le rôle de la mère d’Alma. Le film a été tourné avec une caméra Digital Bolex, une caméra numérique qui a la particularité de donner un rendu de 16 mm, un choix auquel la réalisatrice tenait absolument. Quant au Directeur de la photographie, c’est un américain, Sean Price Williams : New-York faisant partie intégrante de la pièce que répètent Alma et Margot, la réalisatrice attendait de ce chef-opérateur dont elle connaissait le travail auprès de Alex Ross Perry et des frères Safdie qu’il apporte dans son film sa culture américaine.

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