Critique Express : Buladó

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 Buladó

Pays-Bas : 2020
Titre original : –
Réalisation : Eché Janga
Scénario : Eché Janga, Esther Duysker
Interprètes : Tiara Richards, Everon Jackson Hooi, Felix de Rooy
Distribution : Les Films du Préau
Durée : 1h27
Genre : Drame
Date de sortie : 9 février 2022

3.5/5

Synopsis : Kenza, 11 ans, vit avec son père Ouira , policier qui ne croit que ce qu’il voit et son grand-père Weljo qui tente par tous les moyens de maintenir le lien avec la culture et la spiritualité originelles de l’île et de son peuple. Tiraillée entre la culture traditionnelle afro-caribéenne et la rationalité du monde moderne, la jeune fille est bien décidée à trouver sa propre voie.


Le manque d’une figure maternelle

Fillette de 11 ans vivant dans le district de Bandabou, au nord-ouest de l’île de Curaçao, Kenza n’a jamais connu sa mère. C’est son père, Ouira, un policier, qui l’a élevée dans la maison que le père et sa fille partagent avec Weljo, le grand-père. Ouira est un bon père et Weljo un bon grand-père, mais, par ailleurs, ils sont aux antipodes l’un de l’autre : Alors que Weljo est un homme tourné vers le passé, qui ne s’exprime qu’en papiamento, la langue créole des Antilles néerlandaises, un homme qui croit à la présence des esprits, qui se réfère sans cesse au passé d’esclaves de ses ancêtres et qui refuse de vendre sa terre à un blanc, Ouira, qui a passé une partie de sa vie aux Pays-Bas, a une conception beaucoup plus matérialiste de l’existence et, à ce titre, il est bien ancré dans le présent et même dans le futur lorsqu’il demande à sa fille de s’exprimer en néerlandais afin de se préparer un avenir plus radieux. Lorsque, suite aux nombreuses incartades de Kenza et à ses absences répétées, la directrice de son école de Kenza s’interroge sur le manque d’une figure maternelle pour la fillette, Ouira affirme que « ce que l’on n’a pas connu ne peut nous manquer ». Erreur ! Kenza n’a pas connu sa mère, Sara Maduro, décédée en 2010 à l’âge de 25 ans, mais cette mère lui manque cruellement et c’est bien le sujet principal du film. Très souvent, c’est pour se rendre sur sa tombe qu’elle sèche l’école, n’appréciant pas de la voir mal entretenue par son père. Pour elle, le contact avec son grand-père a peut-être plus d’intérêt : il fréquente les esprits des défunts, il a construit un arbre des esprits avec des pots d’échappement récupérés au bord des routes, il lui permettra peut-être d’entrer en contact avec l’esprit de sa mère.

État autonome au sein du royaume des Pays-Bas, Curaçao est une île située à 75 kilomètres au nord des côtes du Venezuela. Son histoire a ses racines dans les populations amérindiennes Arawaks et est, par ailleurs, très liée à l’histoire de l’esclavage dans cette partie du monde. On y parle le néerlandais et le papiamento, la langue créole locale, savoureux mélange de portugais, d’espagnol, de néerlandais, de français, de langues africaines et de la langue originelle des Arawaks. Vue la proximité géographique avec le Venezuela et la Colombie, il n’est pas étonnant de trouver des points communs, ne serait ce que dans l’importance que semble avoir le vent dans leur peinture du mysticisme local, entre Buladó et le « réalisme magique » des réalisateurs de ce ce nord-est de l’Amérique du sud, Ciro Guerra par exemple. Eché Janga, le réalisateur du film, et Esther Duysker, sa coscénariste, ont tous les deux une partie de leurs origines familiales à Curaçao, et, à ce titre, ils reconnaissent être parfois tiraillés, tout comme Kenza, entre une rationalité européenne et une spiritualité et un mysticisme créoles. Cette contradiction, loin de nuire au film, lui apporte au contraire beaucoup. Une contradiction que le réalisateur va jusqu’à afficher dans l’arbre des esprits de Weljo, censé apporter une forme de délivrance aux esprits, et qui a été confectionné avec des pots … d’échappement hors d’usage.

Pour interpréter le rôle de Kenza, cette fillette de 11 ans profondément marquée par l’absence de sa mère et partagée entre la rationalité de son père et le mysticisme de son grand-père, la production de Buladó a auditionné 42 fillettes et a porté son choix sur Tiara Richards, qui, certes, n’avait aucune expérience du jeu d’acteur, mais qui s’est très vite sentie à l’aise devant la caméra et a donc pu offrir une prestation très naturelle. Elle a d’ailleurs commencé à prendre des cours de théâtre dès la fin du tournage et elle espère pouvoir ainsi poursuivre dans cette voie de comédienne. L’interprète de Ouira, Everon Jackson Hooi, lui, ne débutait pas devant la caméra, ayant déjà derrière lui plusieurs rôles tant dans des séries que dans des films de cinéma. Il n’est sans doute pas anodin de noter une certaine ressemblance physique entre ce comédien et le réalisateur. Quant à Felix de Rooy, l’interprète de Weljo, il est tout à la fois artiste visuel, réalisateur et acteur. Il serait très injuste de terminer sans mettre en avant le magnifique travail de Gregg Telussa, le Directeur de la photographie, qui a parfaitement su utiliser la lumière de cette région tropicale.

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