Brujería – Sorcellerie
Chili, Allemagne : 2023
Titre original : –
Réalisation : Christopher Murray
Scénario : Christopher Murray, Pablo Paredes
Interprètes : Valentina Véliz, Daniel Antivilo, Sebastian Hülk
Distribution : Bobine Films
Durée : 1h58
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie : 5 mars 2025
3.5/5
Synopsis : Île de Chiloé, au large du Chili, en 1880. Rosa Raín est une jeune fille huilliche dont le monde s’effondre le jour où son père se retrouve assassiné par des colons allemands. Habitée par un désir de vengeance, elle fait la rencontre de Mateo, chef d’une mystérieuse organisation de sorciers. À leurs côtés, Rosa Raín va se découvrir de mystérieux pouvoirs dont elle se servira dans sa quête obstinée de justice…
Située au large du Chili à un bon millier de kilomètres au sud de Santiago, l’île de Chiloé, d’une surface similaire à celle des plus grands départements français, est réputée pour ses églises en bois et pour sa pluviométrie mais également pour ses « brujos », ses sorciers, qui forment une confrérie faisant l’objet de nombreuses légendes. Il n’est donc pas étonnant de se trouver face à un film ayant pour titre Brujería, ce qui, en espagnol, signifie sorcellerie. 3ème long métrage du réalisateur chilien Christopher Murray, Brujería – Sorcellerie, titre choisi par le distributeur français, flirte souvent avec le fantastique, mais c’est avant tout un drame se déroulant en 1880, un drame qu’a vécu Rosa Rain, une adolescente de 13 ans, et qui va l’amener à reconsidérer son existence. Employée comme bonne par une famille de colons allemands établis dans l’île de Chiloé, elle qui est d’origine huilliche a plus ou moins perdu le contact avec ses racines, elle est devenue chrétienne et s’occupe beaucoup des 2 enfants de la famille, Thorsten et Franz. On la sent bien intégrée dans cette famille jusqu’au jour où le troupeau d’ovins est décimé par une action criminelle. Rosa assiste alors à la mise à mort de son père, Stefan, le père de la famille allemande, persuadé de la culpabilité de ce dernier, ayant lâché deux chiens féroces contre lui.
Dès lors, Rosa n’a plus qu’une chose en tête : que celui qui a tué son père souffre. Peut-elle faire triompher la justice en s’adressant aux autorités civiles de l’île ? Le maire se contente de lui faire remarquer que « c’est un chien qui a tué ton père et on ne met pas les chiens en prison ». L’église alors ? « Tu as demandé la justice au Chili, puis à Dieu. Pourquoi pas à toi-même ? », lui dit le prêtre avant de la diriger vers Mateo Paracan, le « roi » de l’organisation de sorciers « Recta Provincia ». L’opportunité pour Rosa d’être « reprogrammée » dans sa culture d’origine, celle des huilliches, cette communauté de Chiloé qui appartient au peuple mapuche et qui s’exprime en chesungun. L’opportunité, aussi, et même surtout, de partager certains pouvoirs avec les membres de la « Recta Provincia », des pouvoirs lui permettant de satisfaire son désir de justice. L’opportunité, aussi d’être partie prenante dans le procès fait à la « Recta Provincia » en 1880, un procès qui s’est réellement déroulé sur l’île de Chiloé et qui avait vu un groupe d’habitants de cette île être accusé de pratiquer des sciences occultes. Dans un premier temps, Christopher Murray, le réalisateur du film, s’était intéressé à ce procès en tant qu’ethnologue, et cela l’avait poussé à venir constater sur place ce que le terme « sorcellerie » signifiait pour les chilotes et la façon dont ce procès avait été perçu par les populations locales. Il a très vite compris qu’il y avait dans cette « sorcellerie » une forme de résistance contre les colons européens venus en nombre s’établir au Chili dans la seconde moitié du 19ème siècle. C’est ce mélange de quelques évènements à caractère paranormal et de ce combat pour la justice mené par Rosa à l’encontre de la famille qui a tué son père qu’on retrouve dans Brujería – Sorcellerie, ce qui en fait un film qui, certes, se rapproche du fantastique mais qui est avant tout un drame.
Certains spectateurs seront sans doute surpris, voire désappointés, par l’atmosphère blafarde que dégage le film. Il faut savoir que le film a été tourné en plein hiver austral, avec un soleil très bas, des journées courtes et une météo le plus souvent très médiocre. Cela n’a pas facilité la tâche de la directrice de la photographie María Secco, uruguayenne d’origine, mais résidant et travaillant à Mexico, mais le résultat de son travail donne encore plus de force à ce mariage entre drame et fantastique. Quant à la distribution, elle fait appel à des comédiens professionnels, comme Daniel Antivilo, figure importante du cinéma chilien, interprète de Mateo Paracan, et le comédien allemand Sebastian Hülk qui interprète Stefan. Pour le rôle de Rosa, le réalisateur tenait à juste titre trouver une jeune adolescente qui soit originaire de l’île de Chiloé. Le choix qu’il a fait de Valentina Véliz s’avère particulièrement judicieux. D’autres acteurs sont particulièrement importants dans ce film très attachant et contribuent à lui donner son caractère très particulier : des chiens, les oiseaux, la terre, la mer, la pluie.
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