Critique Express : Aïcha

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Aïcha

Tunisie, France, Italie : 2024
Titre original : –
Réalisation : Mehdi M. Barsaoui
Scénario : Mehdi M. Barsaoui
Interprètes : Fatma Sfar, Yassmine Dimassi, Nidhal Saadi
Distribution : Jour2fête
Durée : 2h04
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 19 mars 2025

3.5/5

Synopsis : Aya, la vingtaine, vit encore chez ses parents dans le sud de la Tunisie et se sent prisonnière d’une vie sans perspectives. Un jour, le minibus dans lequel elle fait quotidiennement la navette entre sa ville et l’hôtel où elle travaille s’écrase. Seule survivante de l’accident, elle réalise que c’est peut-être sa chance de commencer une nouvelle vie. Elle se réfugie à Tunis sous une nouvelle identité, mais tout est bientôt compromis lorsqu’elle devient le principal témoin d’une bavure policière.

 

Alors que Aya Dhaoui en est arrivée à ne plus supporter la vie qu’elle mène, un évènement dramatique inattendu va l’amener à tenter l’expérience de commencer une nouvelle vie. La vie que mène cette jeune tunisienne de la région de Tozeur, c’est de vivre chez ses parents qui lui ont fait arrêter les études qu’elle rêvait d’entreprendre, c’est de payer grâce à son travail le loyer et les factures de la famille depuis qu’elle a eu 14 ans et d’entendre ses parents revenir sans cesse à la charge pour qu’elle épouse un homme plus âgé qu’elle et financièrement bien pourvu. La vie qu’elle mène, c’est aussi de travailler dans un hôtel luxueux de la région où elle est devenue la maîtresse de Youssef, le directeur, un homme qui n’arrête pas de lui promettre qu’il va quitter son épouse et la faire venir à Tunis, mais qui repousse sans cesse l’échéance, à coup de « Donne moi encore 2 ans, ça passe vite ! ». Alors que, en désespoir de cause, elle est sur le point de reconstruire son hymen, le bus qui transporte les employé(e)s de l’hôtel verse dans un ravin juste après qu’une passagère supplémentaire ait été autorisée à faire le trajet. S’étant extirpée du bus juste avant qu’il n’explose, Aya a vu et entendu de loin, à l’abri des regards, l’annonce de sa propre mort : les corps sont calcinés et, avec cette passagère supplémentaire, le compte est bon ! Une décision rapide s’impose : Aya fait le choix d’embrasser une nouvelle vie sous le nom qui lui est passé par la tête, Amira Ben Arfa.

Cette nouvelle vie, c’est à Tunis qu’elle va aller la vivre, ce qui va permettre à Mehdi M. Barsaoui, passant de l’immobilisme de Tozeur à l’énergie de la capitale,  d’actualiser sa peinture de la société tunisienne post Ben Ali commencée dans Un fils, son premier long métrage réalisé il y a 5 ans. C’est auprès de Lobna, une jeune femme de son âge qui lui sous-loue une chambre, que Aya/Amira va trouver un logement à Tunis. Se présentant en tant qu’étudiante, Lobna apparait vite comme passant plus de temps dans les boites de nuit de Tunis que sur les bancs de la faculté et sa façon d’entrainer sa colocataire vers des hommes peu recommandables la fait ressembler davantage à une mère maquerelle poussant sa protégée à s’investir dans une certaine forme de licence qu’à une bucheuse travaillant d’arrache-pied pour obtenir sa … licence ! Cet environnement va amener Aya/Amira à être impliquée dans un drame en tant que témoin et à se retrouver face à la police. Par rapport à la période Ben Ali, a-t-elle changé cette police tunisienne ? Y règne-t-il toujours une bonne dose de corruption ? Habilement, Mehdi M. Barsaoui ménage la chèvre et le chou, mettant en scène, face à sa cheffe, un gradé dont la famille a souffert de la corruption et qui cherche avec Aya/Amira à se conduire comme un modèle en matière de justice.  Grâce à ce policier, c’est avec un 3ème nom pour cette dernière que se terminera le film : Aïcha Hammami. Aïcha qui signifie « vivante » en arabe. Pour ce film qui coche plusieurs cases, drame à caractère social, film politique, thriller, le réalisateur et Antoine Héberlé, son Directeur de la photographie, ont choisi le format scope qui, disent-ils, « combiné aux gros plans, permet d’amplifier chaque regard, chaque émotion ». Petit à petit, on voit la métamorphose de celle qui était passive à Tozeur, Aya, et qui, devenue Amira, devient active à Tunis. En fait, lorsqu’on la quitte à la fin du film, devenue Aïcha, elle est sans doute telle qu’elle avait toujours aspiré à être : libre. Il fallait une excellente comédienne pour interpréter ce rôle aux multiples facettes, Aya, Amira, Aïcha. En choisissant Fatma Sfar, une comédienne à l’expérience pourtant très limitée, Mehdi M. Barsaoui ne s’est pas trompé : elle est parfaite dans toutes les facettes. Présenté dans la section Horizons lors de la dernière Mostra de Venise, Aïcha confirme, après Un fils, les qualités de son réalisateur.

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