Critique : Equals

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Etats-Unis, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Drake Doremus
Scénario : Nathan Parker
Acteurs : Kristen Stewart, Nicholas Hoult, Guy Pearce plus
Distribution : –
Durée : 1h41
Genre : Science fiction, drame romantique
Date de sortie : 20 octobre 2016 (en e-Cinéma)

Note : 3,5/5

Elle court, elle court, la maladie d’amour… Ces quelques paroles d’un certain Michel Sardou résument à elles seules ce film présenté à la Mostra de Venise en 2015 et qui sortira en e-cinéma le 20 octobre 2016. À l’affiche nous retrouvons Kristen Stewart et Nicholas Hoult, deux jeunes grands noms du cinéma américain qui incarnent les citoyens d’une société aseptisée. Ce film n’a eu que peu d’impact parmi les critiques mais est pourtant loin d’être médiocre ou de se cantonner à une mièvre histoire d’amour. Il conjugue en réalité intérêt cinématographique et sociologique de manière indiscutable.

Synopsis : Dans un monde où les sentiments sont considérés comme une maladie à éradiquer, Nia et Silas tombent éperdument amoureux. Pour survivre, ils devront cacher leur amour et résister ensemble.

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Un travail chromatique recherché

Le travail chromatique de ce film n’est pas dénué d’intérêt. Le choix d’une esthétique blafarde, tout d’abord, attire notre attention et participe à l’atmosphère aseptisée de ce monde utopique, créée également à l’aide des costumes, des décors et du choix de grands espaces, le tout accompagné d’une grande profondeur de champ. Choix technique qui participe à minimiser l’individu, qui n’est plus qu’un parmi d’autres et ne pourra acquérir une réelle singularité que par sa capacité à ressentir des émotions. Si des réalisateurs de renom tel que Jean-Luc Godard usaient de saturation dans certains plans – on se souvient notamment d’Une femme est une femme – cet usage est peu courant dans le cinéma contemporain. C’est donc avec plaisir certain que nous le retrouvons dans ce film qui use par alternance des saturations bleues et rouges. Saturations qui, comme tout élément technique, ne laisse aucune place au hasard et illustre avec force les émotions et leurs fluctuations, à l’image de l’esthétique blafarde qui elle aussi varie. La chromatique de l’image participe même dans certains plans à créer un split screen qui marque clairement des oppositions. Le choix même du rouge/orange pour les émotions et du bleu pour leur absence, illustre notamment le parti pris du réalisateur, Drake Doremus. Si cet aspect chromatique fluctuant joue également un rôle dans l’une des séquences majeures du film (la première étreinte charnelle), il faut reconnaître au réalisateur et aux acteurs le brio de cette séquence, qui retranscrit à l’écran le désir et son accroissement de manière époustouflante.

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Un intérêt sociologique et philosophique

Que ce soit la littérature ou le cinéma, ces deux arts ont usé des utopies et de leurs extrêmes pour dénoncer les travers de la société ou les éviter. Il y a peu, nous trouvions en sélection officielle au Festival de Cannes The Lobster, qui usait de la dystopie pour dénoncer notamment les dictats sociaux concernant la nécessité du couple… C’est bien ce principe que nous retrouvons dans Equals, qui expose une société à la normalité inversée (ceux qui ressentent des émotions ne sont pas normaux), une société qui pourrait être notre futur, où l’hyper-modernisme, la technologie, l’uniformité et la productivité sont les maîtres mots. L’homme devient machine… et s’annihile donc en tant qu’homme, pour des philosophes comme Marx et Kant… L’Homme ne doit pas céder au péché originel, présenté comme un virus, qui altère ses capacités, sa productivité (but ultime de cette société) et qui le fait courir à sa perte. Le réalisateur dresse en creux une satire de notre société hyper-productive qui laisse peu de place aux émotions et qui impose, à l’image des clandestins du film, un masque social. Doremus remet en cause les méthodes des intellectuels qui travaillent sur des questions métaphysiques notamment et qui tentent d’accéder à la vérité uniquement par des facultés qui relèvent du raisonnable, le film vient à montrer que ces questions ne peuvent être résolues sans le sensible… Le réalisateur revalorise les émotions et la sensibilité… Et offre aux spectateurs un tableau permettant de comprendre la vie des hyper-sensibles et d’interroger la norme.

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«Les émotions engendrent les émotions»

Ce film, à l’image d’un roman d’apprentissage, offre aux spectateurs un cheminement, et les étapes par lesquelles l’Homme accepte ses émotions. Il illustre également le principe philosophique selon lequel il faut préférer l’accomplissement de son essence plutôt que la nier (Kant, La dialectique du maître et du valet), et même si cela passe par bon nombre de difficultés, y compris mettre sa vie en jeu. Néanmoins, certains passages de ce film virent au kitsch et les décors, costumes, personnages à la peau blafarde et aux yeux clairs sont de maigres innovations. Ces choix chromatiques, bien qu’intéressants, affaiblissent leur impact car trop répétés. D’un point de vue narratif, le quiproquo de la mort de Nia n’est que trop pressenti et leurs rencontres clandestines ainsi que leur fuite ne sont que peu crédibles au vu du niveau de surveillance de cette société.

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Conclusion

Equals est un film très riche sur bien des plans et offre matière à la réflexion tout en offrant un bon divertissement. Il est toutefois dommage qu’il souffre de quelques failles narratives et esthétiques. Kristen Stewart reste dans le style de rôle qui lui correspond et qui en fait sa marque de fabrique.

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