Critique : Elyas

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Elyas

France, 2024
Titre original : –
Réalisateur : Florent-Emilio Siri
Scénario : Nicolas Laquerrière et Florent-Emilio Siri
Acteurs : Roschdy Zem, Laëtitia Eïdo, Jeanne Michel et Dimitri Storoge
Distributeur : Studiocanal
Genre : Thriller / Interdit aux moins de 12 ans
Durée : 1h46
Date de sortie : 3 juillet 2024

2,5/5

Florent-Emilio Siri est le maître des films qui vont droit au but. Même vingt-deux ans après sa sortie, Nid de guêpes reste une référence en la matière, en tant que thriller sans fioritures, quoique diablement efficace. Elyas, quant à lui, est un film qui ne semble pas trop savoir où il veut en venir. Truffé de bifurcations et de transitions dans le temps et l’espace franchement bâclées, ce récit d’une rédemption à la violence aussi crue que gratuite est en quelque sorte la réponse française à ce que les univers de John Wick et de Equalizer ont été pour l’industrie hollywoodienne.

Et en effet, la tentative de reconversion de Roschdy Zem en héros à la brutalité aveugle intervient à peu près au même âge que celle de Denzel Washington à l’époque, en 2014, dans le premier des désormais trois films de Antoine Fuqua. Heureusement pour lui – et indirectement pour nous –, l’acteur dispose d’un talent suffisamment varié, à la fois devant et derrière la caméra, pour ne pas devoir se cantonner à ce genre de rôle monolithique.

Car l’aspect le plus frustrant du septième long-métrage de Siri, c’est qu’il ne réussit à aucun moment à insuffler un minimum d’attrait humain, ni à son histoire, ni à ses personnages. Ainsi, avec la violence poussée à un niveau dangereusement cynique comme réponse à tout, le récit traverse ses différents décors avec une indifférence préjudiciable pour toute prise d’intérêt de notre part au sort de Elyas et de ses protégées. L’alibi de l’inclusion des thèmes dans l’air du temps – des deepfakes aux immigrés clandestins, en passant par un camp de gitans qui dispose d’un médecin diplômé – finit par ne rien y changer. Aussi, à cause d’enjeux dramatiques restant fâcheusement flous, les méchants se trouvent-ils en fin de compte coincés au même degré d’anonymat que le héros et ses rares soutiens.

Dès lors, qui meurt et qui reste en vie nous indiffère largement ici. Ce qui est toujours mauvais signe, pour un film dont l’ambition devrait être au contraire de nous tenir en haleine du début jusqu’à la fin, impatients de connaître les nouvelles prouesses de notre surhomme armé jusqu’aux dents.

© 2024 Récifilms / France 2 Cinéma / Emilio Films / Umedia / Disney + / Studiocanal Tous droits réservés

Synopsis : Rescapé d’une captivité éprouvante en Afghanistan, l’ancien parachutiste d’élite Elyas est à présent logé dans un foyer et suivi pour troubles psychologiques. L’offre de son ancien camarade Yann, d’intégrer une équipe de gardes du corps au service d’une riche famille arabe, représente l’occasion rêvée pour lui de remonter la pente. Mais dès les premiers jours dans la luxueuse demeure de la jeune Nour et sa mère, Elyas soupçonne que quelque chose n’y tourne pas rond.

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On a beau ne pas être un adepte de l’exercice de tenter d’améliorer hypothétiquement les films qui ont échoué à nous passionner, la tentation de s’y adonner est tout de même trop grande dans le cas de Elyas. Au vu du résultat final, la prise de risque de jouer sur le double tableau des troubles psychiques du protagoniste, traumatisé par son expérience sur le terrain de guerre, ne se serait peut-être pas soldée par un récit moins engageant. Pour un court instant, Florent-Emilio Siri laisse en suspension cette façon pas sans mérite de semer le doute.

En théorie, cette voie narrative serait d’autant plus probante, que les premières minutes du film sont consacrées à dévoiler, l’une après l’autre, les failles du personnage principal. D’emblée mise en avant, sa force physique est ainsi de plus en plus minée, à la fois par ses poussées paranoïaques, voire pire encore, par le regard rempli d’un mélange nullement valorisant d’empathie et de pitié que son entourage porte sur lui.

Toutefois, cet homme meurtri et à première vue plus bon à rien n’accomplit pas non plus une renaissance miraculeuse, au cours de l’heure et demie que dure sa course contre les vilains ravisseurs de sa nouvelle meilleure amie. Dans un film empressé de souligner la dimension tragique du personnage, il serait à peu de choses près au bon endroit au bon moment, afin d’empêcher ses employeurs de périr, pourquoi pas en essuyant un nombre surhumain de balles et de blessures corporelles, tout en continuant à se battre pour eux. Ici, le portrait héroïque est sans doute volontairement moins édifiant, quitte à emprunter quelques raccourcis douteux dans le but de tirer ce pauvre Elyas de sa torpeur pathologique. Néanmoins, le montrer vers la fin du film en train de jouer avec des chiots dans un décor aussi préservé qu’ensoleillé, c’était décidément pousser l’envie d’harmonie trop loin …

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Ce qui nous amène vers le point encore plus fâcheux de Elyas, à savoir ses transitions à la désinvolture indiscutablement dilettante. Peu importe que ce soit à cause de restrictions budgetaires ou pour des considérations d’économie narrative – lesquelles ?! –, à plusieurs reprises, le récit nous fait le cadeau empoissoné d’ellipses dépourvues d’une raison d’être. C’est comme si le réalisateur avait entrepris à dessein des coupes dans l’intrigue, histoire de tester notre capacité à comprendre malgré tout ce qui se passe à l’écran. Ne citons que deux exemples flagrants de ce charcutage nullement élégant : l’interrogatoire surprise du personnage interprété par Eric Savin, une fois de plus criminellement sous-employé ici, et cette enjambée ahurissante, qui voit les rescapés du saut dans le vide descendre sans la moindre transition à l’autre bout du monde d’une voiture prise en stop !

Plus encore que le propos vaguement nihiliste du récit, c’est cette absence de soin apporté au fil narratif qui nous a laissés passablement perplexes. Sans des scènes d’action époustouflantes susceptibles de compenser ces maladresses clairement apparentes, il ne reste dès lors qu’une énième histoire de guerrier des temps modernes, prêt à tout pour protéger ses proches ou au moins un statu quo en éternelle évolution. Dans ce sens, Elyas, simultanément le personnage et le film, c’est le constat plus désarmé que désarmant que notre monde actuel se déshumanise sans répit.

Car qu’a-t-il accompli à la fin, ce tueur sans scrupules, ni états d’âme, sinon d’avoir liquidé les sbires du mal, sans être allé jusqu’au bout de sa démarche ? A moins que l’absence à l’image du méchant suprême n’ait été pensée comme possibilité finalement illusoire d’une suite à ces aventures guère palpitantes. Les résultats très médiocres de Elyas au box-office national auront au moins pour mérite de nous épargner cette éventualité !

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Conclusion

La bande-annonce plutôt vigoureuse de Elyas et la réputation globalement solide de Florent-Emilio Siri, passé depuis le coup d’éclat Nid de guêpes par le film de guerre (L’Ennemi intime), la biographie filmique (Cloclo) et la comédie de Franck Dubosc (Pension complète), nous avaient donné l’espoir de voir un film de genre français rondement mené. La déception ou tout au moins l’indifférence étaient de taille, face à cette histoire contée sans verve et à la violence omniprésente, quoique pas vraiment justifiée. Même la présence imperturbable de Roschdy Zem en cadavre psychique d’une expérience de guerre à peine suggérée, mais toujours capable de tirer mortellement avant de poser des questions, n’a pas pu y changer grand-chose. Dommage !

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